lundi 2 novembre 2009

«Pourquoi vivre si on ne fait rien après avoir rêvé de tout? »


Gil Courtemanche, Le Monde, le lézard et moi, 232 pages. Boréal

Dans ses chroniques pour Le Devoir, Gil Courtemanche fait souvent se côtoyer dénonciation et indignation. On retrouvait, à fortes doses, ces mêmes ingrédients dans son roman Un dimanche à la piscine à Kigali. Contrairement à ce que suggérait le titre, ce roman sur le génocide au Rwanda n’avait rien d’enchanteur et d’ensoleillé. Le journaliste devenu romancier décrivait la cruauté humaine dans ce qu’elle a de plus profond et de plus terrible.

Avec Le Monde, le lézard et moi, Courtemanche présente encore une fois un drame africain, dans ce cas-ci, un conflit entre deux groupes ethniques au Congo, qui se disputent la province de l’Ituri, riche en or et en pétrole. Le personnage principal, Claude Tremblay, est analyste politique à la Cour pénale internationale à La Haye. Il travaille avec acharnement sur le dossier d’un chef de guerre congolais qui embrigade des enfants pour devenir soldats, qui a violé à répétition et causé des milliers de morts.

Ambitieux sur le plan thématique, ce roman pose les Grandes questions: jusqu’où peut aller la Justice avec le grand J, jusqu’où pousser l’engagement?

On n’a pas affaire ici à un auteur qui trempe dans le littéraire. Gil Courtemanche met plutôt l’accent sur les idées, les convictions et la dénonciation. On lit des témoignages bouleversants d’enfants soldats et de femmes violées. On trouve toutefois des scènes très belles, très sensuelles, entre le narrateur et une Africaine qu’il a envie d’aimer. Le talent d’écrivain de Courtemanche se manifeste davantage dans ces scènes plus tendres.

Loin du divertissement bonbon, ce livre dur brasse et bouleverse, mais offre une intrigue habilement ficelée ainsi qu’un portrait solidement documenté d’une partie du monde dont on ne parle pas assez.

Cette citation, frappante d'espoir ET de désespoir, illustre bien l’idéalisme de l’auteur (et de ses personnages): «Pourquoi vivre si on ne fait rien après avoir rêvé de tout? »

Voici les autres livres dont j’ai parlé samedi matin, à l’émission à Radio-Canada. La chronique peut-être écoutée sur la page web de l’émission Les Divines Tentations, ici.


Myriam Beaudoin 33, Chemin de la baleine, Leméac ,192 pages

Son Hadassa a été pour moi une lecture si prenante, si envoûtante, que je me suis promis de relire ce roman si beau, sur l’expérience d’une enseignante de français dans une école juive orthodoxe.

Myriam Beaudoin revient ici avec une histoire d’amour, l’histoire d’un grand amour désespéré. Le roman s’ouvre sur le portrait d’une vieille dame, qui a une moitié du crâne chauve et une oreille qui manque. On comprend tout de suite que le drame a frappé durement dans sa vie.

Moins original, moins lyrique que Hadassa, ce roman a cependant une charge émotive très intense. Oh, comme on s’attache à cette femme aussi éperdue qu'inconsolable et comme on veut que l’amour, le vrai, s’avance vers elle. Tableau évocateur du Montréal des années 1950, portrait poignant d’un amour tragique, ce roman confirme le talent indéniable de Myriam Beaudoin.



Alexandre Jardin Quinze ans après Grasset. 354 pages.

A-t-il eu trop de pressions de son éditeur? De ses lecteurs? Comment savoir? En tout cas, Alexandre Jardin a succombé à la tentation de la suite. Quinze ans après ramène donc le couple dorénavant célèbre de son roman archi-populaire Le Zèbre. Alexandre tentera, une fois de plus, de séduire Fanfan et de l’amener vers les joies du mariage.

Si l’histoire sent un peu le réchauffé, j’ai néanmoins été fascinée par l’agileté de la plume de Jardin, sa virtuosité avec les mots. Il a un style d’une élégance rare, qui fait un peu ancien français, toute en fioritures, frôlant parfois le tape-à-l’œil. Ce style, Alexandre Jardin l’assume et en est fier. Il a d’ailleurs dit en entrevue au Parisien qu’il était en guerre contre l’écriture maigre. «Parce que je ne vois pas comment être un écrivain de la joie en écrivant maigre. Mais je vois bien que l’essentiel de mes contemporains évoluent vers un style lyophilisé.»

Alexandre Jardin reste ici dans la même veine que pour ses romans précédents:c’est gai, charmant, follement romantique. Mais au risque de passer pour une nostalgique bougonne, je dirai que cette suite n’a pas la fraîcheur, ni le punch du Zèbre.



L'Anniversaire d'Astérix et Obélix, le livre d'or. 54 pages Les Éditions Albert René.
Astérix et Obélix ont 50 ans. Hé oui, le petit malin moustachu et son complice «quelque peu enrobé» célèbre leur demi-siècle. Time flies!

Ce duo célèbre, qui a transformé l’univers du 9e art, a eu un succès phénoménal : 325 millions d'albums vendus dans 107 langues, sans compter les trois films et les neuf dessins animés.

Dans L’Anniversaire d’Astérix et d’Obélix, on trouve plein de jeux de mots et de clins d’œil à des situations familières: la potion magique, les baffes en rafales, la chasse au sanglier et le besoin de résister à l'ennemi tout-puissant.

Ce 34e album de la série n’offre pas une seule histoire, mais plutôt une série de tableaux d’humour, un peu inégaux. Albert Uderzo fait entrer Astérix et Obélix dans l'art classique. Mes planches préférées: celles où l’on voit Obélix dans la pose du penseur de Rodin et Falbala en Joconde.

3 commentaires:

  1. Bonjour Andrée,

    à lire aussi le roman dont je parle dans mon blogue. En ai publié ma critique ce matin. Roman intelligent, drôle et décapant.

    Bon lundi ensoleillé!

    Dominique

    RépondreEffacer
  2. Quatre compte-rendus de lecture obligent à la concison, ce que vous réussez admirablement bien. Aujourd'hui, malgré un méchant rhume, j'aimerai bien arriver à rédiger celui de 33, chemin de la Baleine, qui m'a prise en otage pendant quelques jours. Je ne peux m'empêcher de remarquer que vous devenez une habituée des albums BD ;-) ...

    Merci pour ces commentaires de lecture.

    RépondreEffacer
  3. Venise,
    J'espère que votre méchant rhume n'est pas la célèbre grippe qu'on ne nommera pas...
    Comme on dit en Afrique, meilleure santé...
    Andrée

    RépondreEffacer