vendredi 31 juillet 2009

Les femmes soutiennent la moitié du ciel


J’ai vu cette femme à Dali, une ville pittoresque de la province du Yunnan. Je n’en revenais pas de la voir transporter ainsi des hottes remplies de terre dans le camion. On voit très rarement (si jamais…) ce genre de travail manuel éreintant au Canada…

La chaleur était accablante ce jour là, sa hotte semblait douloureusement lourde et la passerelle étroite branlait lorsqu’elle la parcourait. Tandis que je jouais à la touriste, elle allait passer la journée (7 ou 8 ou 9 heures?) à transporter et à transvider ces hottes de terre. J’aurais voulu l’aider, tout en sachant bien que l’idée était aussi ridicule qu’impossible. Moi, l’étrangère, l’Occidentale, combien de temps j’aurais duré sous ce soleil, à abattre cette besogne brutale? Et même si on m’avait laissé travailler à ses côtés pour alléger sa tâche pendant quelques heures, qu’est-ce que ça aurait changé vraiment – durablement - dans la vie de cette femme?



Durant notre mois en Chine, il m’est arrivé de me plaindre quelquefois du poids de mon sac à dos, qui me tirait les muscles des épaules. Ce sac de jour que je trainais partout, contenait nos passeports, nos billets d’avions, la bouteille d’eau de l’aînée, la casquette de la cadette, le papier de toilette (indispensable en cette contrée de toilettes turques), les piles pour l’appareil photo, notre collation de la journée, etc. Dans les après-midis de canicule, je le trouvais lourd. Ouais. Rien de comparable à ceci.



L’adage « les femmes soutiennent la moitié du ciel » remonterait apparemment à l’époque de Confucius. Mao a par la suite popularisé l’expression.


Chaque fois que je voyais des femmes passer avec ce type de charge, je m’arrêtais pour regarder, en essayant de ne pas les fixer impoliment. Outre la lourdeur de leur fardeau, ce qui me fascinait était leur air stoïque. Est-ce qu’il reste de l’énergie pour penser, pour désirer, quand on porte loin et longtemps des poids si écrasants?


Dans les grandes villes de Chine, les femmes éduquées ont des carrières, des salaires et des sacs Gucci. À Shanghaï, à Beijing, à Hong Kong, j’en ai vu des centaines de femmes tirées à quatre épingles, perchées sur leurs talons aiguilles, plus maquillées et plus élégantes que bien des Nord-Américaines. Mais dans les campagnes, c’est une autre paire de manches.


C’est qu’elles triment dur les Chinoises des campagnes. Ce sont les « oubliées de la modernisation ».Beaucoup y sont encore traitées comme des bêtes de somme, brimées par les valeurs traditionnelles d’un système patriarcal.



En milieu rural, les familles continuent encore de préférer les garçons aux filles. Car c’est le garçon qui devenu adulte, prendra en charge ses parents âgés. Quand la fille se marie, elle suit son mari dans sa famille. D’où cet abominable dicton chinois : « élever une fille, c’est cultiver le champ d’un autre.”



Selon des statistiques de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), la Chine est le seul pays au monde où les femmes se suicident plus que les hommes.



Et le taux de suicide est trois fois plus élevé en milieu rural. D’après le journal médical britannique ‘‘The Lancet'', 157 000 femmes chinoises, surtout d'origine rurale, se tuent chaque année. L’une des raisons de ce haut taux de suicide est la disponibilité des pesticides.

Toutes les photos ont été prises par mon conjoint, Neale MacMillan.

jeudi 30 juillet 2009

Petits popotins à l’air


C’était le projet de voyage de mon aînée. Faire une collection de photos sur les bébés chinois portant des culottes fendues. J’avais suggéré la chose à la blague, mais C. m’a prise au sérieux et s’est passionnée pour cette idée.

Nous avons une paire de culottes fendues à la maison. Celle-là même que portait C. quand on nous l’a mise dans les bras pour la première fois, en cet inoubliable printemps de 1996. J’ai parlé de ces fameux pantalons dans mon roman Ping-Pong contre Tête-de-Navet et quand je fais des animations en école, j’apporte les pantalons en question car ça fait rigoler les élèves. Cet automne, quand je retournerai dans les classes, j’aurai une collection de photos à montrer aux enfants.


Cette fameuse culotte rigolote est fendue du haut des fesses jusqu’au nombril. L’enfant ne porte rien sous ce pantalon : ni couche, ni bobette. Quand il a une envie pressante, il n'a qu'à s'accroupir... Ou s’il est trop petit, le parent le prend dans ses bras et lui fait faire son pipi dans la rue. J’en ai vu, en un mois, des mamans tenir leur bébé (garçon ou fille, peu importe) au bord de la rue, le temps qu'ils se vident la vessie.


Certainement plus environnementales que les couches jetables, les culottes fendues sont cependant discutables sur le plan de l’hygiène publique. Avec 1.3 milliards de Chinois, ça en fait des bébés… et ça en fait des petits pipis dans la rue. Pour le « numéro 2 » comme disent mes filles, j’ignore comment les parents s’y prennent, car je n’ai vu aucun bambin faire caca sur le chemin.


Dès le début du voyage donc, ma fille ne sortait jamais sans son appareil photo. Dès qu’on se baladait, en ville ou en campagne, C. se mettait aux aguets. Appareil en bandoulière, elle dégainait au moindre signe de chair fessue et dodue. Clic! Et clic! Et reclic! Il fallait voir son sourire triomphal quand elle avait réussi à capter un popotin à l’air. C. était tellement radieuse que c’est moi qui aurais voulu à chaque fois prendre une photo d’elle.


Elle a vite développé l’art de prendre des photos en cachette, en faisant semblant de croquer le paysage alors qu’elle visait les fesses. Aussi rapide qu’efficace, elle arrivait à photographier les petits arrière-trains nus, ni vu ni connu. Malgré ses tendances paparazzi, je trouvais qu’elle respectait la dignité des bébés, en ne prenant pas des photos trop révélatrices.


Ils ont un air irrésistiblement coquin, tous ces bambins au popotin à l’air Avec leur derrière au vent, ils me semblent plus libres que nos bébés nord-américains, engoncés dans leurs Pampers ultrasophistiquées, minces, absorbantes, dotées d’une lotion protectrice, d’un voile de ventilation et d’un indicateur d’humidité (sans blague!!!)

Malheureusement (ou heureusement, selon le point de vue), d’après les médias chinois, les couches jetables sont en train de supplanter les culottes fendues, surtout dans les grands centres urbains. Pas étonnant que le marché des couches en Chine connaisse la croissance la plus rapide au monde. La hausse du niveau de vie de la classe moyenne pousse les parents vers les couches. En ville, de plus en plus de couples trouvent les culottes fendues démodées, peu hygiéniques, peu civilisées et associent cette coutume désuète aux fermiers pauvres.

Quand on sait qu’avant de devenir propre, un enfant portera pas moins de 6000 couches, ça en fait des arbres! Et des déchets! Pour préserver l’environnement de la Chine et l’adorable attraction visuelle de ces petits popotins à l'air, je vote pour la culotte fendue.

mercredi 29 juillet 2009

33 jours à humer les odeurs de la Chine



Me voici de retour au bercail après 33 jours dans l’empire du Milieu.
- 33 jours à humer les odeurs, goûter les saveurs, écouter les rumeurs de la Chine.
- 33 jours d’un bain envoûtant dans la civilisation orientale.
- 33 jours d’un périple rempli de surprises, d’éblouissements, de frustrations, de défis et de coups de cœur...

Tout au fil du voyage, des idées pour ce carnet surgissaient régulièrement dans mon esprit. Même si j’avais eu assez d’énergie, à la fin de mes journées, pour y noter des impressions, je n’avais pas accès à ce blogue. Car dès mon premier jour en Chine, j’ai constaté que le gouvernement bloque tous les blogues sur «Blogger». J’avais entendu parler de la censure en Chine, mais quand on l’expérimente soi-même, ça donne froid dans le dos…

Avec ses dizaines de milliers de cyberpoliciers, la Chine a un système de censure d’internet sans équivalent dans le monde. Internautes et cyberdissidents sont régulièrement arrêtés…

Les termes utilisés pour décrire les technologies de filtrage et de surveillance rappellent George Orwell et son Big Brother. Le « Great FireWall of China» bloque l’accès au contenu, le « Net Nanny » élimine le contenu et force à l’auto-censure, le «Search Engines Manipulation» cache le contenu, en rendant les sites invisibles.

Une jeune Québécoise débrouillarde, rencontrée dans un marché de Xi’an, m’a expliqué que les internautes chinois étaient habiles à contourner la censure, en se connectant à des serveurs basés à l’étranger. Elle m’a même donné un truc pour avoir accès aux sites bloqués.

Je rapporte de Chine un véritable smorgasbord d’images et d’impressions: les bébés aux culottes fendues, mon hutong à Beijing, les servantes philippines à Hong Kong, mes larmes à la Grande Muraille, ma fascination pour les rizières, les effets du voyage sur la lecture/écriture, etc.

Je vous raconte tout ça dans les prochains jours.

P.S. Cette photo (prise par mon conjoint) montre mes filles à l’assaut de la Grande Muraille. Le décor et la randonnée étaient à couper le souffle. Littéralement. J’en reparlerai.