lundi 17 mai 2010

Le désespoir d'un homme qui a mal aimé


Je ne veux pas mourir seul, Gil Courtemanche, Boréal. 155 pages.

Quand on est une personnalité publique, il faut énormément de courage pour publier un livre où l’on étale au grand jour ses défauts, ses faiblesses et ses manquements.
Gil Courtemanche a ce courage dans son nouveau livre Je ne veux pas mourir seul.
Le résultat me laisse à la fois admirative et sceptique.
J’en ai parlé dans ma chronique de samedi aux Divines Tentations.

J’admire énormément l’indignation et l’engagement de Gil Courtemanche dans ses chroniques du Devoir. Des ingrédients que j’ai d’ailleurs retrouvés et appréciés dans ses romans Un dimanche à la piscine à Kigali et Le Monde, le lézard et moi. Des livres riches, complexes et percutants.

Mais dans son dernier bouquin, il délaisse le roman pour l’autofiction.
Ce qui veut dire? Hum… Pas certaine. Apparemment, la majeure partie du récit serait vraie avec quelques bribes de fiction par-ci par là…

Gil Courtemanche apprend la même semaine que sa femme le quitte et qu’il est atteint d’un cancer du larynx. La peine d’amour le fait davantage souffrir que les traitements pour son cancer et la perspective de mourir.
C’est qu’il l’a mal aimé, cette Violaine, une femme qui a la moitié de son âge.
Maintenant qu’elle l’a quitté, il se rend compte à quel point cet amour donnait un sens à sa vie.
Et il fait son bilan. Malgré sa carrière de journaliste et ses succès littéraires, Courtemanche écrit:«J’écris pour dire que j’ai raté ma vie.»
Et le journaliste/romancier de se montrer sous son pire jour : alcoolique, fumeur invétéré, mauvais mari, père absent, etc.

On oscille ici entre le journal intime et l’essai, entre les confidences et une réflexion sur la mort et l’amour.
Nous voilà devant les épanchements d’un homme désespéré qui par l’écriture, laisse libre cours à son désespoir.
On sent parfaitement son urgence d’écrire.
C’est intense.
Certains passages bouleversent.
Mais il y a des redites et des longueurs.
Et cet étrange strip-tease, totalement impudique, me laisse perplexe.
Un peu mal à l’aise même.
En entrevue, l’auteur a affirmé qu’il voulait écrire ce livre pour «pour le con qui n’aime pas bien (…) Pour qu’il se mette à la tendresse et à l’amour avant qu’il ne soit trop tard».
Mais Gil Courtemanche me semble plus convaincant, plus original, plus incontournable, quand il nous ouvre les yeux sur les injustices et la douleur du monde, plutôt que sur ses ratages personnels.

4 commentaires:

  1. Ah bon. C'est pour dire, même quand on se met à nu, quand on sort nos tripes personnelles, ça ne veut pas dire que c'est gage de succès ou gage d'intérêt chez les autres.

    Il est des douleurs qui ne se partagent pas il faut croire. Pas par écrit en tout cas.

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  2. Je l'ai entendu en parler en entrevue avec Christiane Charette qui semble très bien le connaître. Il se met vraiment à nu, avec plus de brutalité que de vulnérabilité il me semble. J'étais plus mal à l'aise, j'avoue, que compatissante. Et je ne saurais définir exactement pourquoi.

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  3. Venise,

    J'en parlais justement hier soir avec un éditeur de mon coin, en lui disant que j'étais un peu surprise du concert d'éloges sur ce livre, qui à mon humble avis, n'est certainement pas le meilleur livre de Gil Courtemanche. Et cet éditeur de me répondre: les médias protègent les "leurs"...
    Et l'objectivité là-dedans?
    Mais y'a pas de critiques objectives n'est-ce pas?

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  4. Au Québec (je ne me prononcerai pas pour ailleurs), je pense qu'il n'y a pas de critiques objectives et à la limite on ne peut pas vraiment se le permettre. Dire du mal ou même comparer des livres, c'est aussitôt le chiffre des ventes qui en souffre. Déjà que les medias en parlent c'est difficile.
    Tu aimerais qu'on fasse une critique objective de tes livres? Si je dis que je n'ai pas vraiment aimé L'Énigme du retour et que j'en expose les raisons (bon je sais ma voix n'a d'écho que dans le néant), est-ce une critique objective?

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