vendredi 5 mars 2010

Le temps: ennemi et allié du couple


(Photos: prises à Cuba par mon conjoint, aussi excité qu'un enfant devant ces vieilles bagnoles qui lui rappelaient son enfance.)

Après 16 ans de vie commune, on pense connaître l’autre comme si on l’avait tricoté.
On s’imagine qu’il ne peut plus rien faire ou dire qui nous surprendra.
On se trompe.
Suffit de partir, en tête-à-tête, loin de la routine enfants-boulot-dodo, pour basculer dans l’inattendu.
Pour toucher au plaisir de redécouvrir l’autre.
Suffit de prendre le temps.

En vacance, quand le rythme ralentit, quand l’attention s’aiguise… on regarde l’autre et on se dit, tient, après tout, je ne l’ai pas tricoté et il y a là des mailles que je n’avais jamais remarquées…

- On s’étonne de son timbre de voix (plus grave) lorsqu’il parle espagnol aux Cubains.
- On s’amuse de ses cheveux ébouriffés au lever, qui lui donnent l’air d’un petit garçon.
- On s’avise à nouveau de sa propension naturelle à ne pas suivre le troupeau, à ne pas tomber dans les automatismes du touriste lambda.
- On s’attendrit quand il nous badigeonne de la lotion anti-moustique derrière les oreilles ou qu’il nous met en garde contre la crotte de chien sur le trottoir. (Castro a-t-il cessé de payer les balayeurs de rue?)
- Et on remarque que le bleu de ses yeux a la même teinte que la mer des Caraïbes cet après-midi où les nuages moutonnaient dans le ciel.
- Et on rit de son enthousiasme bruyant devant les vieilles voitures, omniprésentes à Cuba et qui nous ramène à une époque pour nous révolue.


Quand on prend le temps d’y penser, il n’y a pas de révélation foudroyante.
Juste une vérité toute simple, une lapalissade qu’on a tendance à oublier : le temps joue à la fois pour et contre le couple.
Par un absurde paradoxe, le temps use la trame du couple mais renforce aussi le lien qui le crée.
Heureusement qu’il y a un peu de magie à flâner sur une plage quasi déserte sur une île au soleil.
Heureusement qu’il y a un peu de magie dans ces longues et lentes promenades dans ces rues où roulent de vieilles voitures figées dans le temps.
Quand on prend le temps, une certaine alchimie opère dans le couple et régénère ces liens que le temps avait effrités.

mardi 2 mars 2010

Pipi dehors!


Je sais, je sais, j’ai déjà parlé de pipi sur ce blogue.

Deux fois en moins d’un mois, ça fait beaucoup direz-vous. Pas de panique, je n’ai pas une obsession scatologico-urinaire. Si je reparle ici de pipi, c’est pour des raisons dignement culturelles, intellectuelles et sociales.

Et aussi parce que mon nouvel album, Pipi dehors! est maintenant en librairie. Je précise tout de suite (voilà que je me défends avant même d’avoir été attaquée…) qu’il s’agit d’une histoire qui ne se limite pas au pipi mais explore aussi le plaisir de se livrer à l’interdit, à l’excitation que peut ressentir un petit garçon de cinq ans à défier l’autorité de sa maman…

C’était tout à fait fascinant ce weekend, au Salon du livre de l’Outaouais, de voir les réactions des gens devant ce livre, alors que j’étais en séance de signature au stand de Bayard.

Une enseignante m’a dit, l’air de s’excuser (mais pas trop) : « Je ne lirais pas ça à mes élèves car dès qu’on parle de pipi-caca, je perds le contrôle. »

Un prof d’histoire dans une école secondaire de Hull, a lu l’album au complet devant ma table. Puis il a entrepris de me raconter de long en large comment ça l’agaçait que ses élèves interrompent sans cesse son cours pour demander la permission d’aller au petit coin. « Je leur dit que ma plomberie est bien plus vieille que la leur et que je peux me retenir pendant plus d’une heure », de m’expliquer l’enseignant de son ample voix (ce n’est pas tout le monde qui se sent obligé de chuchoter pour parler de pipi).
Le prof a tergiversé un peu, est allé faire un tour (peut-être au petit coin?) et est finalement revenu acheter l’album. « Quand mes élèves vont me demander d’aller aux toilettes pendant le cours, je vais leur faire lire ça », m’a-t-il annoncé en riant, se réjouissant à l’avance de sa blague.

La réaction la plus désopilante, la plus adorable aussi, était celle de ce petit garçon (5 ans peut-être?) qui s’est emparé de l’album et ne l’a plus lâché, malgré les questions répétées de sa maman : « T’es bien certain que c’est ce livre là que tu veux? » Je voyais bien que la mère elle, aurait préféré lui acheter un autre bouquin. Un qui aurait plutôt présenté de la poésie rimée ou la vie de Gandhi…

La palme du commentaire candide (pour ne pas dire brutal) revient à ce monsieur à tête blanche qui, après un bref coup d’œil sur l’album (sans même l’ouvrir) m’a apostrophé ainsi: « Avoir un titre comme ça et s’asseoir derrière la table, il faut des nerfs! »

Voilà, c’est dit. J’ai des nerfs.

lundi 1 mars 2010

Échos du SLO



Terminé, le 31e Salon du livre de l’Outaouais, le SLO comme disent les intimes.
Toujours aussi tourbillon, stimulant, essoufflant ce grand rendez-vous annuel du livre. En vrac, voici quelques échos du SLO.


Les auteurs qui m’ont impressionnée

Steven Guilbeault, pour son intelligence si vive, son franc-parler, son éloquence et sa formidable capacité de vulgarisation. Durant sa conférence d’une heure, intitulée Que faire après l’échec de Copenhague?, le coordonnateur d’Équiterre a parlé clairement, sans note, sans trébucher, de façon convaincue et convaincante des changements climatiques, un sujet oh combien complexe. Il nous en a pourtant démontré les enjeux de façon claire et concise. C’est aussi le sujet de son livre publié chez Boréal.

La poète et slammeuse Marjolaine Beauchamp, que j’ai eu le bonheur d’entendre à deux reprises. À la cérémonie d’ouverture, elle a séduit la salle entière avec son slam sur la lecture. On aurait voulu être des moineaux pour venir manger dans sa main. Et rebelote lors d’une prestation le samedi soir au Bar à mots. Quelle poésie puissante! Quelle intensité dans la livraison! Ça nous rentre dedans. Elle nous a fougueusement déclamé une ode tumultueuse dédiée à Richard Desjardins. Si elle chantait, elle pourrait être sa petite sœur à Desjardins.

Les auteurs qui font que je me suis couchée moins ignorante

L’auteur Jean-François Somain qui m’a révélé qu’il ne faut pas dire signet mais marque- page. Car le signet serait cousu dans le livre.

Robert Soulières, auteur et éditeur, toujours fidèle à lui-même : véritable feu roulant de blagues. Mais entre deux gags, il m’a expliqué la Loi de Pareto, aussi appelée loi des 80/20.

Selon cette loi empirique, conçue par un économiste italien, 20 % des produits représentent 80 % du chiffre d'affaires. Appliquée au milieu de l’édition, en l’occurrence chez Soulières éditeur, cela signifie que 20% des livres font 80% des recettes et que quatre auteurs ratissent les fruits de la moitié des ventes. Ça donne à réfléchir…


Les gens que j’ai aimé voir et revoir
Michel Rabagliati, que j'ai trouvé irrésistible de gentillesse et de modestie. Le bédéiste vedette (et invité d’honneur du Salon) a écouté avec une attention inébranlable la conférence de Steven Guilbeault. Peut-être que ça donnera une nouvelle bd sur Paul et le réchauffement de la planète.

La dynamique orthopédagogue de l’école Carle, qui prenait des photos des auteurs pour les montrer ensuite à ses élèves et titiller ainsi leur goût de lire.

Cette blogueuse que je connaissais virtuellement mais pas en personne. Elle était exactement comme je me l’imaginais en la lisant sur son blogue.

Mon succulent souper végétarien chez Fleur de Sel avec la toute nouvelle directrice littéraire de la collection jeunesse aux éditions L’Interligne. Comme Mireille est aussi auteure, ce fut l’occasion de se livrer au sport préféré des créateurs : se plaindre de son sort, du milieu de l’édition, du manuscrit qui n’avance pas, etcétéra…

La bibliothécaire très engagée de l’école du Méandre, qui ne sait peut-être pas à quel point son travail porte fruit. Car ils ont été nombreux les enfants de son école à s’arrêter à mon stand pour prendre une photo, réclamer un signet, feuilleter mes romans ou simplement dire bonjour. Quand un élève s’arrête pour saluer un écrivain et lui demander quel sera son prochain livre, on sait qu’il y a un passeur (dans ce cas-ci une « passeuse ») qui a bien fait son travail et leur a donné la piqûre de la lecture…