jeudi 25 mars 2010

Conseils à ceux qui veulent écrire: rêver éveillé


De jeunes auteurs Américains offrent leurs conseils à ceux qui veulent écrire.
Dans les grandes lignes, ça donne à peu près ceci :

Rêvez éveillé.
Ne pensez pas à l’argent.
Écrivez hors de votre zone de confort.
Foutez-vous de la grammaire (du moins lors du premier jet).
Trouvez-vous un critique.
N’ayez pas peur de réviser. Ne pas confondre confiance et fierté.
Écrivez ce que vous voulez et non pas pour plaire au « marché ».
Gardez précieusement votre première ébauche, aussi pourrie soit-elle.
Gardez précieusement vos lettres de refus.
Soyez patient.
Écrivez parce que vous aimez écrire non pour ce qu’on vous payera…
Ne perdez pas de temps à être jaloux.
Ne vous comparez pas à Walt Whitman (ou à Dany Laferrière…)

Écrivez le livre que vous avez envie de lire… et espérez que le reste du monde voudra aussi le lire.
Si vous aimez un livre, dites-le à l’auteur!
Bloguez.
Souriez.

mercredi 24 mars 2010

Rêves à vendre à Bologne


Le super-méga-salon international de la littérature jeunesse se tient en ce moment à Bologne. Se rassemblent dans ce grand événement des milliers de professionnels de l’édition jeunesse; se côtoient donc dans un intense coude-à-coude des auteurs, illustrateurs, éditeurs, agents littéraires, producteurs de télé et cinéma, distributeurs, imprimeurs, libraires et bibliothécaires.

À côté de Bologne, le Salon du livre de Montréal fait figure d’événement lilliputien. Les chiffres de la grande foire italienne sont en effet époustouflants:
- une surface de plus de 20 000 mètres carrés
- près de 1 300 exposants
- plus de 65 pays participants.

Tout ce beau monde s’amène à la Foire de Bologne avec de grands espoirs et de beaux rêves: voir leurs bouquins publiés dans d’autres langues, donc vendre à d’autres pays les droits de leurs livres, qui bien sûr, sont les plus beaux, les plus originaux et les « plusse » meilleurs!

Une petite poignée d’éditeurs du Québec sont présentement à Bologne, grâce à l’appui de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL). Mon album La corde à linge magique (que j’ai traduis la semaine dernière) ira donc se frotter aux milliers (centaine de milliers???) d’autres livres jeunesse qui chercheront preneur.

J’admire et je louange la détermination des Éditions Imagine de s’aventurer dans cette arène hautement compétitive. En m’imaginant la scène à Bologne, me viennent à l’esprit l’impression d’une jungle impénétrable ou encore des images du petit David à l’assaut du gros Goliath…

Et je suis bien soulagée de ne pas avoir à me lancer dans ce type de combat. Très soulagée d’avoir le luxe incommensurable de pouvoir rester bien peinarde devant mon écran à jouer avec les mots et m’inventer des univers…

lundi 22 mars 2010

Le personnage inoubliable d’une auteure qui ne devrait pas être oubliée



Clara Tremblay Chesseldéenne, Arlette Fortin, Éditions de la Bagnole. 150 pages.

Quand je lis un bouquin pour ma chronique aux Divines Tentations, j’utilise des petits collants jaunes pour marquer certains passages importants, une jolie tournure de phrase, une métaphore particulièrement forte, une idée originale ou une image qui me frappe.

Voyez comment j’ai transformé le roman d’Arlette Fortin en le lisant. Je lui ai collé des tas de collants jaunes. C’est dire à quel point son récit m’a bouleversé. À la fin de ma lecture, j’aurais voulu envoyer un courriel à l’auteure, lui dire tout le bien que je pensais de son livre, que j’allais en parler avec passion, que j’allais le prêter à ma mère, à mes sœurs, à mes amie-es… Mais Arlette Fortin, écrivaine, poète et dramaturge, est décédée en 2009, deux mois après avoir appris que les éditions de la Bagnole publierait l’histoire ordinaire et extraordinaire de Clara Tremblay.

Cette Clara, qui a élevé 15 enfants (oui, vous avez bien lu, 15!!!) est arrivée à l’âge vénérable de 93 ans. Elle est encore parfaitement lucide, mais son corps la lâche petit à petit. Elle est donc « placée » (quel mot affreux pour parler d’une personne…) par sa famille dans un CHSLD de Québec. D’où le titre: Chesseldéenne, un néologisme de l’auteure qui veut dire femme qui a été définitivement placée dans un centre hospitalier de soins longue durée (CHSLD).

Avec son franc-parler, son humour et un sens redoutable de l’observation, Clara raconte son quotidien dans ce CHSLD qu’elle perçoit comme un mouroir. Au début, on se dit: ouais, ce roman se déroule dans un centre de soin de longue durée où tous les personnages viennent là pour mourir… Il ne se passera pas grand-chose... Au contraire, il se déroule là une multitude de petits drames, qui donnent une impression d’action, de tension constante à la lecture. On rit, on rit jaune et on s’émeut en lisant sur :
- L’amitié de Clara avec un vieux pensionnaire et leur plan de brasser un peu les choses dans leur « milieu de vie ».
- La folle qui s’imagine que Clara est sa mère et qui vient dans sa chambre la nuit se coucher avec elle.
- L’émotion de Clara quand une des employée du Centre l’écoute vraiment, une attention qui la fait pleurer devant cette bonté toute simple.
- La grande victoire quand Clara réussit à être placée à la même table que son ami, à la cafétéria.
- Sa dernière visite dans sa maison qui a été vendue.
- La jalousie de Clara à l’égard des citrouilles que présente une conférencière de passage. «Si on recevait une fraction de l’attention que recevoir les citrouilles, ça suffirait pour qu’on ferme les yeux dignement. »

Il n’y a pas de scandale dans ce Centre de soins de longue durée. Il n’y a que la réalité, dure, crue et cruelle d’une personne âgée en perte d’autonomie. Perte de liberté. Perte de choix. Devant tous ces petits deuils et le Grand qui l’attend au tournant, Clara nous offre son lot de phrases mémorables :
- Pour dire l’humiliation de se faire traiter en enfant : “Savez-vous à quel âge on arrête d’être un adulte pour devenir une personne âgée »?
- Pour dire l’humiliation de se faire mettre aux couches. « Se faire mettre aux couches, c’est une douleur invisible comme y en existe tout plein, ici. »
- Pour dire son déchirement entre son désir de se rebeller et sa peur de se rendre encore plus vulnérable. «On essaye juste de pas se faire haïr parce que c’est déjà assez dur comme ça sans que ça devienne invivable en tout point. »
- Et son cri du cœur : « On est du vrai monde. (…) Même dérinchés, maganés d’la voiture, égarés pour d’aucuns, pas capables de grouiller pour d’autres, on est du monde pareil. Du vieux vrai monde presque fini, mais du vrai monde.»

Par un magnifique paradoxe, ce livre qui parle du vieillissement et de la mort nous donne une grande envie de vivre. Malgré son grand âge, ses déceptions, sa situation difficile, Clara Tremblay garde intact un immense appétit pour le bonheur; en cela, elle est un formidable modèle.
Arlette Fortin ne devrait pas oubliée car elle a créé un personnage inoubliable.

Pour écouter ma chronique sur ce livre, ainsi que mes impressions sur le récent roman de Louise Portal, cliquez ici.