mardi 26 octobre 2010

Les ados aiment notre fragilité…



Si j’avais une robe comme celle-là, il est certain que je la porterais cette semaine.
Car voyez-vous, j’ai peur.

Cette semaine, je vais donner mes premières animations dans une école secondaire, pour mon roman Miss Pissenlit.
Je fais des animations d'auteure depuis plus de 8 ans, dans les écoles primaires. À en juger par les réactions des jeunes et des enseignants, je me débrouille plutôt bien. Mais cette semaine, pour la première fois, je devrai faire des ateliers avec des jeunes du SECONDAIRE.
Et les ados… euh… les ados me font PEUR!
Peur de ne pas savoir comment leur parler, les intéresser.
Peur de leur indifférence, de leur jugement, de leur carapace.
Peur qu'ils me trouvent vieille (à leurs yeux, je le suis!)
Peur de me sentir vieille.
Etcétéra, etcétéra...

Mon amie et auteure, Andrée-Anne Gratton, à qui je confiais mes craintes, m’a donné le conseil suivant : « Apporte un bouquet de pissenlits, et dis-leur que le premier qui fait quelque chose de déplacé, tu lui fais bouffer un pissenlit! »

Mais des pissenlits à la fin octobre, il n’en reste plus beaucoup dans les pelouses!!!

Mon ami et auteur Camille Bouchard (je ne veux pas être accusée de «name-dropping», mais il faut bien que rende à César ce qui revient à César), qui a une longue expérience des animations dans les écoles secondaires, m’a généreusement prodigué quelques conseils:

« Tout d'abord, il y a une grande différence entre les groupes d'âges. Les élèves de secondaire 1, par exemple, sont encore un peu bébés avant les Fêtes. Donc, ils n'essaient pas encore de jouer les gros durs. Avec eux, c'est gagné d'avance», affirme Camille.

« Ça se corse en secondaire 2 et ça devient plus « toffe » en secondaire 3. Ils jouent les durs et même si la rencontre les intéresse, ils ne veulent pas montrer à leurs chums qu'ils te trouvent intéressante. Avec eux, on a toujours l'impression d'être ennuyeux alors que souvent on les captive. Difficile alors d'ajuster notre présentation, car on ne sait pas à quel moment ils accrochent vraiment. Mais il y en a toujours 5-6 qui se manifestent, alors concentre-toi sur eux. Les autres, même s'ils donnent l'impression de ne pas être emballés (un va dormir sur son bureau, l'autre va « s'effoirer » contre le mur du fond, les yeux au plafond, un autre fixera le dehors...), tu sauras qu'ils suivent aussi bien que ceux qui te regardent avec leur air intéressé. »

Les élèves de secondaires 4 et 5, c'est assez facile ; ce sont quasi des adultes. Ils ne jouent plus les durs. Considère-les comme des adultes et ils t'en seront reconnaissants. Ils te manifesteront leur intérêt. »

Et le Dr. Camille de conclure en disant : « Tu vas les accrocher sans même t'en rendre compte, surtout si tu es insécure et nerveuse, car cette fragilité, ils la sentent et ça nous rend humains à leurs yeux, moins "intellos", plus proches d'eux, quoi.»

«Les ados aiment notre fragilité.» Tiens, j’aime bien cette idée à laquelle je n’avais jamais songé (et qui pourrait m’être utile avec mes propres ados.) À bien y penser, moi aussi j’aime les gens qui osent afficher leurs incertitudes et leur vulnérabilité. Je trouve ça beaucoup plus sexy que l’arrogance, plus agréable que la grosse tête qui ne passe plus dans la porte…

Alors cette semaine, devant les élèves de Secondaire 3 de l'école Hormisdas-Gamelin, si j’ai la voix qui tremblote et les jambes flageolantes, je ne le cacherai pas.
On verra bien si la théorie de Camille fonctionne.
À suivre…

dimanche 24 octobre 2010

On ne s'ennuie pas au Manitoba...



N’est-ce pas qu’ils sont beaux, les ours du Manitoba? Je les ais vus, ceux-là, dans un petit parc près de la rivière Rouge, en plein cœur de Winnipeg. Des ours de béton aux couleurs chatoyantes, créés par des artistes manitobains dans le but de lever des fonds pour le cancer.

Je me suis promenée sur le sentier qui longe la rivière Rouge, où j’ai vu de grasses outardes se laisser dériver paresseusement au fil du courant. J’en ai même croisées sur mon sentier, de ces dames ailées, pas le moindrement intimidées par les randonneurs. C’est même moi qui ai dû leur céder le sentier. Dis-donc, elles ne partent plus pour le Sud nos belles bernaches?



Quant à moi, je reviens d’un voyage-éclair à Winnipeg, afin d’y donner un atelier sur « Comment animer la lecture en classe » dans le cadre de la Conférence pédagogique annuelle des enseignants francophones du Manitoba. Conférence organisée avec une efficacité remarquable par une équipe joyeusement accueillante. Chapeau à Ariane, Mme Lise et M. Mario et les autres…

Se battre pour parler français
En deux jours à peine, j’ai eu un bel aperçu de l’énergie et de la passion que les enseignants manitobains mettent à préserver le français. Et le combat n’est pas facile au Manitoba… À preuve, ces deux titres d’ateliers : « Bâtard, les élèves parlent pas français! » et « Au secours! Dites-le moi en français s.v.p.! »

L’Acadie à Saint-Boniface…
C’est d’ailleurs sur la préservation du français que portait la conférence d’ouverture du congrès, donnée par Jean-Guy Moreau. À 67 ans, cet humoriste n’a rien perdu de son talent d’imitateur, même si sa mémoire lui fait parfois défaut. Il nous a offert une impressionnante rétrospective de l'histoire de la chanson francophone, avec 40 extraits de chansons en six minutes. Un tour de force.
Plus tard, lors d’un souper au resto avec d’autres participants au congrès, Moreau nous a raconté comment il avait été impressionné par l’acteur français Philippe Noiret, qu’il jugeait un homme sage, éminemment heureux et d’une modestie remarquable. Ce qui m’a fait sourire. Car durant tout ce repas, Jean-Guy Moreau a tellement parlé de lui, de ses expériences, de ses rencontres, qu’il a laissé la moitié de sa nourriture dans son assiette.

Bon prince, Jean-Guy Moreau a tout de même accepté, à la fin du repas, de faire pour nous sa seule et unique imitation d’une femme. Et là, dans un resto italien de Saint-Boniface, il nous a offert un monologue à la fois rigolo et tragique sur les origines des mots giguer et turluter. Un monologue rendu avec intensité dans les tons si chantants de la langue de l’Acadie. Et ce soir-là, dans un resto italien de Saint-Boniface, nous avons eu avec nous pour quelques minutes : la Sagouine.



Quand un directeur d’école s’assoit sur les bancs d’école…
Je me suis déjà plainte ici des directeurs d’école, qui semblent toujours trop occupés (et je sais très bien qu’ils sont débordés!) pour s’occuper de la lecture, qui constitue pourtant la pierre d’assise de l’éducation.

Or, dans l’atelier sur la lecture que je donnais à la Conférence pédagogique, j’avais un directeur d’école. Ce M. Julien, qui me semblait être un bon vivant, je l’ai approché à la première pause, pour lui demander d’être mon « assistant » pour une petite animation rigolote.
- Vous me dites « assistant » mais j’ai l’impression que je serai plutôt une victime, a-t-il répondu.
C’est qu’il était futé ce M. Julien. On ne pouvait rien lui cacher. Il a tout de même accepté de bonne grâce. Et moi, par politesse, je lui alors demandé à quel niveau il enseignait.
- Je suis directement d’école, qu’il m’a répondu.
Et moi, en toute impolitesse, je me suis exclamée : Pas vrai?! Dans toutes mes années de fréquentations scolaires, j’ai si peu l’habitude de voir des directeurs d’école prendre le temps de s’occuper de pédagogie, que j’en suis restée baba.

Durant l’atelier, M. Julien a gentiment accepté de se transformer en Babette et de se mettre sur la tête une perruque, des couettes-pantalons et une machine à faire pousser les cheveux. Voilà un directeur qui n'a pas peur du ridicule.

M. Julien est resté toute la durée de mon atelier : 3 heures!
Et je le voyais prendre des notes.
Et à la fin de l’atelier, il est venu me voir et m’a dit, d’un ton excité : « Votre activité avec la corde à linge, je vais l’adapter pour les élèves en sciences, et votre suggestion de lectomaton, je vais l’adapter pour que les plus vieux lisent aux plus petits… Etcétéra.

Son enthousiasme faisait plaisir à voir.
J’étais tellement ravie de son intérêt que je l’aurais embrassé, mais avec les directeurs, vous savez, mieux vaut s’en tenir au protocole…
Merci M. Julien, merci Monsieur le directeur, pour votre belle passion pour l’éducation et pour votre désir de donner le goût de lire…