jeudi 23 juin 2011

« C’est quoi être brave papa? »


Un petit garçon demande à son papa qui part à la guerre:
« C’est quoi être brave papa? »
Et le père de répondre :
« C’est avoir peur et faire la job quand même. »

Des phrases comme celles-là, simplissimes mais mémorables, on en trouve un chapelet complet dans le roman Guerres de Charlotte Gingras.

Guerres. Destiné aux ados, ce roman est si solidement documenté, rédigé avec une telle poésie et une si grande finesse psychologique qu’un lecteur adulte sera aussi conquis et nourri qu’un ado. J’en ai parlé récemment aux Divines Tentations de Radio-Canada.

La routine sereine d’une famille bascule quand le père part en mission avec l’armée, en Afghanistan, pour plusieurs mois. Il laisse derrière lui, à Québec, sa femme et ses trois enfants. En l’absence du père, la famille se désagrège à petit feu. La mère sombre dans la déprime, le petit frère se bat à l’école et la grande sœur éclate en sanglots en pleine rue.

Le récit alterne entre deux narrateurs : Luka, 9 ans et Laurence, 15 ans. Leur voix est tellement forte, tellement distincte, qu’on a l’impression que l’auteure avait neuf ans et 15 ans aussi, pas plus tard qu’hier.

Comme lectrice, je l’ai ressenti jusque dans mes tripes la peur de Luka et Laurence lorsqu’ils regardent le bulletin de nouvelles avec ses images de cercueils de soldats tués en Afghanistan.

Je l’ai ressenti comme une chape de plomb, l’angoisse du jeune Luka qui dit à son papa : « N’oublie pas ton gilet pare-balles, ni ton casque, papa. N’oublie pas de rester vivant. »

Je l’ai entendu comme un grondement sourd, la rage de Laurence, qui ne comprend pourquoi son père, un réserviste, est parti volontairement en Afghanistan et qui se pose une question à fendre le cœur : est-ce que son père aime l’adrénaline plus que ses enfants?

Remarquez le titre. Remarquez le pluriel du mot Guerres. Car si ce roman parle de guerre en Afghanistan, il aborde aussi les guerres intimes, celles qui ravagent une famille et celles qu’on se livre à l’intérieur de soi. C’est là toute la profondeur et la complexité du roman de Charlotte Gingras, roman qui s’avale pourtant d’une traite.

Ce qui m’impressionne au plus haut point chez cette auteure, c’est sa touche si fine, sa plume si nuancée. Aussi habile à évoquer les chuchotements tendres que les révoltes rageuses, elle décrit de façon magistrale les contradictions de ses personnages. Et son roman se déploie superbement, intense sans être lourd, sombre et lumineux en même temps. Déjà deux fois lauréate du Prix du Gouverneur général, Charlotte Gingras s’enligne ici pour un troisième.

J’ai tout lu de Charlotte Gingras. Je suis prête à prêter Guerres, à ma famille, mes amis. Mais prêter seulement. Car je sais que ce roman, je le relirai.

Guerres. Charlotte Gingras. La Courte Échelle. 153 pages.

4 commentaires:

  1. Mets mon nom sur la liste!

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  2. Sounds like a great book although there is only one great author I read in French. Also, something I have learned over and over again, don't lend anything you are not prepared to never see again.

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  3. Pour avoir lu La disparition et La liberté? Connaît pas, je dois dire que j'adore Charlotte Gingras. Quelle belle sensibilité dans l'écriture. Il me faudra lire celui-ci! Merci.

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  4. Totalement d'accord, Charlotte est incroyable, elle est pour moi, L'Auteure jeunesse, son écriture me renverse à chaque fois

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