vendredi 6 janvier 2012

Le petit chevalier qui n'aimait pas la pluie


Je m’étais pourtant promis de ne plus accepter de mandats qui m’éloignaient de mon écriture à moi… de tous ces projets de livres qui peuplent mon esprit. Après moult hésitations, j’ai quand même accepté l’invitation de Ricochet.

Parce que j’avais envie de faire connaître « notre » littérature jeunesse outre-frontière. Mais aussi parce que j’avais envie de revenir à mes anciennes amours, la critique littéraire écrite. Car mes chroniques à la radio, toutes agréables soient-elles, doivent être courtes et me confinent à rester en surface…. Sur Ricochet, j’aurai le loisir de m’étendre, de décortiquer, d’analyser, bref, de m’offrir le luxe d’aller en profondeur dans la recension d’un livre.

Voici donc ma première critique pour Ricochet, d’un album pour lequel j’ai eu le coup de foudre.

Le petit chevalier qui n'aimait pas la pluie combine superbement l’humour, la tendresse, le suspense et la fantaisie. En sus, l'album offre une narration élégante et beaucoup de finesse dans la palette. Devant un tel opus, ne reste qu’une seule chose à faire : lire lentement pour faire durer le plaisir. Puis relire pour faire resurgir l’enchantement.

Assurément l’un des grands noms de la littérature jeunesse au Canada français, Gilles Tibo a une longue carrière marquée par les honneurs littéraires et par les succès de ventes. Cet auteur connu pour sa prolificité (plus d’une centaine de livres à son actif), démontre ici qu’il sait se renouveler. Gilles Tibo a tiré de son imaginaire fourmillant un charmant chevalier, un peu gourmand (il s’empiffre joyeusement de gâteaux au chocolat) mais un peu peureux (il craint la pluie). Lorsqu’un orage interminable menace les habitants de son royaume (qui n’ont plus rien à manger) ce vaillant petit chevalier montrera qu’il a de l’astuce et du courage à revendre. L’auteur exploite le thème du dépassement de soi, mais assez subtilement pour que ça ne sente pas la leçon.

L’album présente un délicieux mélange de fantaisie et de réalisme, tant du côté du texte que des illustrations. Dans la veine réaliste, il y a les mains moites d’un petit garçon effrayé, le livre de recettes taché de chocolat, la souris gloutonne qui gobe la cerise sur le gâteau. Dans la veine fantaisiste, il y ce royaume fabuleusement perché au sommet des arbres, ce parapluie en forme de gâteau au chocolat ou encore cette échelle terrifiée qui se sauve en courant.


L’originalité du texte tient dans une narration qui s’articule sur deux niveaux. À la voix du narrateur qui raconte l’histoire de façon traditionnelle, s’ajoute une deuxième voix, celle de l’auteur, qui décrit l’univers du petit chevalier. Et quel humour dans cette évocation! L’humour de situation côtoie l’humour teinté d’absurde, tel ce constat rigolo : « Les souris qui ne comprennent rien n’ont peur de rien. » Très typés, les personnages apportent, chacun à leur façon, leur dose de rigolade, que ce soit les jumeaux, les triplés, le chat Groseille, etc. Gilles Tibo utilise judicieusement la répétition (comme cette millionnième goutte de pluie ou les ronchonnements perpétuels de Thibodeau le grognon) pour créer un effet comique. Et comment ne pas s’esclaffer devant le punch final, où le petit chevalier danse sous la pluie, indifférent aux grincements de sa cuirasse qui commence à rouiller…

Avec ses illustrations à la gouache sur papier aquarelle, Geneviève Despré a créé un royaume luxuriant, aussi invitant que fascinant. Elle joue sur les contrastes – les teintes de brun et de noir succédant au rouge tomate et au vert lime, pour créer des atmosphères tantôt très sombres, tantôt remplies d’allégresse. Geneviève Despré a le trait vif et d’un simple coup de crayon excelle à traduire l’émotion et le mouvement.

Ses illustrations se déploient comme de foisonnants tableaux, bourrés d’action, de petites scènes, de détails rigolos, des tableaux parfaits pour stimuler la capacité d’observation des enfants et développer ce que les pédagogues appellent la littératie visuelle.

La maquette a été conçue avec minutie et inventivité, variant les angles, les plans rapprochés et les vues d’ensemble. Malgré les scènes touffues, les deux niveaux de narration et tous les commentaires en italiques placés dans les illustrations, la mise en page reste aérée. On retrouve la même créativité et cette attention aux petits détails jusque dans les désopilanDès 4 ans

Le petit chevalier qui n'aimait pas la pluie
Auteur : Gilles Tibo Illustratrice : Geneviève Després
ISBN 978-2-89608-097-7
32 pages. À partir de 4 ans.

8 commentaires:

  1. J'aime bien tes chroniques. À Noël, j'ai voulu donner des livres à mes trois neveux et nièce, mais la plus vieille a trois ans et je n'ai rien trouvé de québécois pour cet âge, alors je surveille de près ce qui se publie, parce que je compte bien les ensevelir sous les livres toute leur enfance. Des auteurs que je connais d'abord, les Français et encore plus les Américains peuvent bien attendre.

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  2. De vraies critiques! Super! Félicitations pour ce nouveau mandat chez Ricochet! La page couverture de ce livre m'intriguais (il semble tellement attachant, ce chevalier, et j'adore ce que fait Geneviève Després), je vais aller jeter un oeil, assurément.

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  3. J'ai bien hâte de plonger dans l'univers de ce petit chevalier avec mes trois mousses. Merci pour le partage.

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  4. Anonyme07 h 56

    J'accrochrais bien les maisons dans les arbres chez moi.
    Rafraichissant et tellement vivant.
    Un autre job en 2012!!!!
    POPO

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  5. Claude: Il y a plein d'albums pour les tout-petits qui sont publiés au Québec. Va faire un tour sur le site de Communication Jeunesse et tu trouveras plein d'idées, par groupes d'âge.

    Julie et Isabelle: Si vous n'avez pas un coup de coeur pour cet album, je mange ma chemise.

    Popo: Moi, ce n'est pas les maisons que je veux dans mes arbres, mais moi dans ce village perché au sommet du forêt...

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  6. Bravo pour Ricochet Andrée!

    Pour Le petit chevalier, ta critique va me le faire relire je pense. Je n'ai pas aimé, mis à part les illustrations de Geneviève Desprès.
    J'aime lire les différents points de vue, car tout ce que tu relèves, je le pointais négativement: les deux narrations, le texte échelonné un peu partout, la mise en page que je n'ai pas trouvé aéré du tout, etc.
    On est d'accord sur un point: les illustrations! ;-)
    C'est très intéressant de confronter les critiques, et ta façon d'en parler, le plaisir que tu partages va peut-être me faire mettre de l'eau dans mon vin. Peut-être, parce que le vin, slurp!;-)
    merci car ta critique est vraiment constructive! Ça nous change de ce qu'on lit dans nos médias...

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  7. Alice: tu n'as pas aimé?! Eh ben, ça c'est intéressant. Vive la confrontation des idées. Mais tu sais, de l'eau dans le vin, c'est jamais très bon...

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  8. Anonyme06 h 02

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