vendredi 17 février 2012

Sa maman a le sourire de la Joconde et la voix d’Obélix


Ma plus récente recension, publiée sur le site de Ricochet.

Dans le paysage de la littérature jeunesse au Québec, il n’y a pas plus incontournable que Robert Soulières. Incontournable comme auteur (depuis plus de trente ans) et aussi comme éditeur (depuis une quinzaine d’années). En tant qu’éditeur, Soulières a fait sa marque avec un catalogue diversifié de grande qualité, avec sa générosité légendaire à l’égard des auteurs et par son indéfectible engagement à promouvoir la littérature pour les jeunes. En tant qu’auteur de deux douzaines de livres et plus encore, Soulières se démarque par son humour à tout crin.

Avec son abécédaire sur la famille moderne, l’écrivain reste fidèle à lui-même, offrant un simili-documentaire farci d’humour, conjugué sur plusieurs tons et diverses formes. Jeux de mots, calembours, humour de situation ou humour absurde abondent dans ce livre où Soulières nous présente sa famille élargie.

Fée des dents...

Pour l’humour absurde, il faut lire ce désopilant épisode où les enfants cuisinent des montagnes de crêpes et appellent ensuite le capitaine Crounche à l’aide. Beau punch rigolo aussi dans cette page où l’enfant découvre que la fée des dents est nulle autre que la personne qui lui cuisine des desserts et lui donne des becs sucrés…

La mort avec sa marchette...
Malgré ses pitreries, Robert Soulières ne craint pas d’aborder des sujets plus rébarbatifs. À la lettre H, sous hospice, les deux frères voient la mort en face, pour la première fois. Elle avance vers eux «avec une marchette». Ce texte est un audacieux mélange d’humour de salle de bain et de propos sur la mort et Soulières, savant équilibriste, réussit à juxtaposer les deux sans que cela ne semble déplacé ou saugrenu.

Paradis des chatouilles
Au fil de l’abécédaire, les thèmes et les angles d’approche varient. Certaines pages offrent une histoire complète, avec une finale en pirouette. D’autres relèvent davantage de l’anecdote, de la tranche de vie et parfois, de la question philosophique, etc. Les passages les plus poétiques sont ceux où l’auteur raconte ses souvenirs d’enfance, telle cette irrésistible description du lit de ses parents, à la fois bateau de pirate et paradis des chatouilles.

Le format de l’abécédaire impose certaines contraintes mais l’auteur s’en tire plutôt bien dans les lettres difficiles, le K devenant un hommage taquin aux tendances « kid kodak » du grand frère, le W étant une ode nostalgique aux vacances au lac Wareau et le X offrant une superbe lettre d’amour à Xi Wuyan, le petit adopté.

Bien que Robert Soulières présente sa famille avec beaucoup d’humour et d’amour, il évite le piège du sentimentalisme. Sous sa plume, les adultes sont loin d’être des modèles de perfection : avec leurs barbes grises et leurs mains crevassées, les aïeux font peur à voir. La gardienne mange des chips et boit du coke. La tante Philomène (qui prend son bain dans du lait de chèvre) est riche et snob. Quant à la maman de l’auteur (dont il parle avec une tendresse indicible), elle a le sourire de la Joconde mais une voix qui ressemble à celle d’Obélix. En soulignant sans sourciller les défauts des adultes, Soulières les rend plus intéressants et plus attachants.

Illustration: Marie Lafrance

Côté illustration, l’auteur/éditeur n’a pas ménagé ses efforts. Soulières a fait appel à pas moins de 26 artistes québécois, dont plusieurs grands noms de l’illustration au Québec : Marie-Louise Gay, Stéphane Poulin, Philippe Béha, Stéphane Jorisch, etc. Les styles des illustrateurs étant fabuleusement variés, chaque nouvelle page constitue une surprise assurée. Plusieurs illustrateurs ont opté pour l’humour et enrichi l’illustration avec des éléments non présents dans le texte…Comme cette coquine de Danièle Simard qui aligne les bonbons sur une branche de céleri ou encore l’espiègle Marie-Claude Favreau qui illustre un pet sonore avec des notes de musique. À la lettre A, le clin d’œil de Philippe Germain à un tableau classique du peintre américain Grant Wood, mérite le détour. Avec son illustration dépouillée mais flamboyante de la « petite dernière », Marie Lafrance s’est mérité la Médaille de Bronze au 3X3 Children's show, le magazine de l’illustration contemporaine.

1 commentaire:

  1. J'ai aussi été charmé par cet album tendre et jouissif !
    Quel plaisir de faire partie de cette famille qui nous ressemble tellement.
    Je le conseille à tous ceux qui le méritent ... c'est-à-dire, tout le monde !
    Merci d'avoir si bien transmis toute la sensibilité de Robert ... et de sa famille !
    Amicalement.

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