dimanche 30 mars 2014

Croire au sel



Plutôt que de m’asseoir à l’arrière du taxi, je me suis installée devant, à côté du chauffeur. Y’a pas de meilleure façon pour prendre le pouls du pays que de placoter avec un chauffeur de taxi.

J’ai tout de suite remarqué son poing fermé.
- Qu’est-ce que vous tenez dans votre main?

Il a ouvert le poing. Sur sa paume, une poignée de cristaux de sel.
- Quand je lance le sel, je sais que mes ancêtres veillent sur moi, a expliqué le chauffeur. Il faut toujours le lancer derrière, jamais devant, a-t-il précisé.

La protection des ancêtres?
Pourtant, on ne partait pas pour une traversée du Sahara.
Le chauffeur me conduisait de Thiès à Dakar, à peine 80 km sur une route goudronnée, avec moins de nids de poules que certaines des rues de Gatineau…

Le chauffeur a baissé sa fenêtre et, d’un geste décisif, a lancé le sel à l’extérieur, derrière lui.
Puis il s’est tourné vers moi avec un sourire presqu’aussi large que le fleuve Sénégal.
Devant son air rassuré, devant son sourire si indubitablement confiant, si authentiquement joyeux, je lui ai envié sa foi dans le sel. 

Je me suis retournée et j’ai regardé derrière moi.
J'ai vu un long ruban de goudron, du crottin de chèvre, beaucoup de sable et quelques baobabs.
Mais pas l'ombre de ma grand-mère.

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