samedi 5 avril 2014

Bouche bée devant le baobab



J’ai autant de talent qu’un âne pour la photo. Je prends rarement des photos. Pourtant, ici, au Sénégal, je n’arrête pas de jouer à la kid-kodak devant les baobabs.



Les forêts de baobab du Sénégal sont classées au patrimoine mondial de l’humanité pour l’Unesco.



J'aime le surnom du baobab: pachyderme végétal. Baobab, l’arbre éléphant.


Ce pachyderme penché me semble à la fois si massif et si vulnérable, figé dans son inconfortable inclinaison.


Les branches tordues du baobab ressemblent à des racines. Une légende raconte d’ailleurs qu’il aurait été planté la tête en bas.



Ce baobab doit avoir plus de 200 ans, me dit Thomas Diop, qui le regarde grossir depuis soixante ans.


Je ne vais plus à l’église. Je n’ai pas de vie spirituelle. Pourtant, en contemplation devant le baobab, une question me prend par surprise... et si Dieu existait?

jeudi 3 avril 2014

Le jour où j’ai presque tué une souris…


O.k les copains, regardez bien cette espadrille car aujourd'hui, ce soulier de course en apparence anodin a presque commis un meurtre...  Enfin, presque...
Et moi qui portait la dite espadrille, je suis passée à un cheveu de vivre un moment mémorable.  Du genre qu'on raconte à ses petits-enfants...  Enfin, presque...

Voici l’histoire donc, dans toute son absurde drôlerie.

Précisons d’abord que j’en suis à ma quatrième journée au village de Lalane et que j’y vais maintenant en espadrilles. Le premier jour, je portais des sandales mais à la fin de ma journée, j'avais les pieds si crottés que j’en étais moi-même dégoûtée. Alors je me suis dit, tant pis pour la mode, au diable l’élégance, je me promène en espadrilles. Les bas blancs reviennent bruns mais au moins, je ne passe pas mon temps à enlever mes sandales pour en vider le sable.

Donc, j’ai passé la journée au village de Lalane, à fouiner, à jouer aux cartes avec les enfants, à manger du yassa, à poser des tonnes de questions et à prendre des tonnes de notes. Mais il est 16h et il faut vite me rendre à la grande route, où m’attend le taxi qui me ramènera en ville.

Comme je suis en retard, je prends un raccourci en piquant à travers la cour de l’école, une grande cour de sable, déserte à cette heure-là. En courant, mon pied heurte un objet. Poc! Un petit choc, assez fort pour que je le sente. Tiens, que je me dis, une mangue vient de me rouler sous le pied. Mais au moment où j’ai cette pensée, du coin de l’œil, je vois la « mangue » continuer de rouler derrière moi. Sauf que la mangue n’est ni verte, ni ronde, mais plutôt d’une forme allongée et d’une couleur blanc sale.

Ting! que ça fait dans ma petite tête de citadine nord-américaine.

Je m’arrête et retourne sur mes pas. Et je trouve, allongée contre le seuil en ciment d’une salle de classe… une souris. Je suis entrée en collision avec une souris! Je sors aussitôt mon appareil photo pour prendre une photo de ma mangue/souris. Je pense déjà à la tête de mes filles quand je leur montrerai cette photo de la souris que j’ai tuée en pleine course.

Mais au moment où je pointe l’objectif sur le cadavre, ma souris reprend vie (ou retrouve son souffle) et s’enfuit comme si elle avait un djinn aux fesses. Adieu photo, bye-bye fanfaronnade. L’histoire juteuse de comment j’ai tué une souris vient de se transformer en une non-histoire insipide de comment j’ai presque tué une souris.

Y’a tout de même une morale à tirer de cette aventure : si vous allez dans un village de campagne au Sénégal, oubliez les gougounes ou espadrilles. Optez plutôt pour une botte de construction avec pointe renforcée. Comme ça vous serez certain de tuer la souris et de ramener une photo captivante.

mardi 1 avril 2014

Peut-être qu’ils n’aimaient pas ma tronche?




On s’est approchées pour prendre des photos du fleuve Sénégal.
Ils nous ont dit : 1 000 francs. Il faut payer.
Ils étaient cinq, bombant le torse dans leurs t-shirts de soccer.
Cinq pré-ados, plus tout à fait des enfants, pas encore des hommes.

Ils ont continué à nous demander de l’argent.
On a continué de dire non.
Ils ont répété nos paroles, d’un ton nasillard, se moquant de notre accent québécois.

Quand j’ai tourné le dos pour retourner à notre voiture, l’un d’eux m’a lancé une balle de tennis.
La balle m’a frappée dans le dos.
Comme la balle était molle et le lancer tout aussi mou, je n’ai eu aucun mal.
À part l’égratignure à ma dignité.

Une fois dissipé le mouvement initial d’indignation, m’est resté surtout l’étonnement.
Un étonnement peiné.
Et cette même question lancinante : pourquoi?
Pourquoi?
Pourquoi?

  • Parce que je suis Blanche?
  • Parce que je suis une étrangère?
  • Parce qu’ils pensaient que je suis riche?
  • Parce que j’ai refusé de donner de l’argent?
  • Parce qu’ils voulaient mettre un peu d’excitation dans leur dimanche trop calme?
  • Parce qu’ils en ont ras-le-bol de voir des touristes débarquer sur leur île?
  • Parce que je ne suis pas musulmane?
  • Parce qu’ils rejettent la teranga, cette fameuse hospitalité dont les Sénégalais se font une fierté?
  • Parce qu’ils n’aimaient pas ma tronche? 

Pourquoi?
Sais pas.
Saurai jamais.
Voyager, c’est aussi accepter que certaines questions restent sans réponse.

dimanche 30 mars 2014

Croire au sel



Plutôt que de m’asseoir à l’arrière du taxi, je me suis installée devant, à côté du chauffeur. Y’a pas de meilleure façon pour prendre le pouls du pays que de placoter avec un chauffeur de taxi.

J’ai tout de suite remarqué son poing fermé.
- Qu’est-ce que vous tenez dans votre main?

Il a ouvert le poing. Sur sa paume, une poignée de cristaux de sel.
- Quand je lance le sel, je sais que mes ancêtres veillent sur moi, a expliqué le chauffeur. Il faut toujours le lancer derrière, jamais devant, a-t-il précisé.

La protection des ancêtres?
Pourtant, on ne partait pas pour une traversée du Sahara.
Le chauffeur me conduisait de Thiès à Dakar, à peine 80 km sur une route goudronnée, avec moins de nids de poules que certaines des rues de Gatineau…

Le chauffeur a baissé sa fenêtre et, d’un geste décisif, a lancé le sel à l’extérieur, derrière lui.
Puis il s’est tourné vers moi avec un sourire presqu’aussi large que le fleuve Sénégal.
Devant son air rassuré, devant son sourire si indubitablement confiant, si authentiquement joyeux, je lui ai envié sa foi dans le sel. 

Je me suis retournée et j’ai regardé derrière moi.
J'ai vu un long ruban de goudron, du crottin de chèvre, beaucoup de sable et quelques baobabs.
Mais pas l'ombre de ma grand-mère.