vendredi 28 octobre 2016

Enzo Lord Mariano : talent, fougue et besoin constant de créer


Il joue de la mandoline, vit avec une grosse patate de chat et n’a aucune difficulté à illustrer des personnages méchants. Rencontre avec un jeune artiste bourré de talent, Enzo Lord Mariano, qui a illustré Y’a pas de place chez nous.


Parle-nous de toi Enzo Lord Mariano

Je m’appelle Enzo et dans la vie, je mange, je dors, je dessine, je joue de la musique et je vis avec une grosse patate de chat. Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours eu peur de grandir. C’est triste, mais en grandissant on dirait qu’on perd notre étincelle de petit enfant. Et ce qui est génial avec ce boulot d’illustrateur, c’est que je peux redevenir un petit garçon une fois de temps en temps!

Depuis que je suis tout petit, je baigne dans un océan artistique assez farfelu… Avec une mère costumière sorcière et un père directeur photo bucheron dans l’âme. Mes parents m’ont fait beaucoup voyager et découvrir le cosmos des arts. J’ai toujours beaucoup dessiné avec ma mère et bricolé avec mon père. Je pense que c’est cela qui a déclenché mon besoin constant de créer! Par une heureuse coïncidence, je suis tombé à 12 ans dans une école secondaire fondée sur l’enseignement à travers les arts. Quel bonheur! J’ai donc vécu mon adolescence avec Arlequino, Buster Keaton, Picasso et Mozart… C’est d’ailleurs à ce moment que j’ai développé une passion pour la musique!

Après avoir terminé des études en cinéma, j’ai eu un “déclic” suite à un stage de jazz vocal au Domaine Forget. J’ai réalisé que je m’ennuyais beaucoup de la musique. J’ai donc décidé de recommencer le cégep et d’entamer une technique en musique. J’ai maintenant le bonheur de réaliser des études en mandoline jazz en plus d’illustrer des livres!

En tant que petit-fils d’immigrant (donc 2e génération au Québec), quelle est ta réaction
à l’égard de ces milliers aux réfugiés qui arrivent au Canada?

Toute cette histoire de guerre en Syrie est complètement horrible et absurde en 2016… Je suis triste de voir cette remontée du racisme dans les pays occidentaux… Les gens n’ont donc pas appris depuis la ségrégation à la première moitié du 20ème siècle? J’ai aussi remarqué quelque chose de déplorable… Mes grands-parents italiens sont arrivés au Canada dans les années 60 et ont eu aussi souffert du racisme. On les traitait de “voleurs de jobs” et d’être tous reliés à la mafia italienne. Ça s’est calmé au fil des années et ils ont pu s’intégrer. Malheureusement, quand je parle de cette vague de réfugiés syriens qui arrive au Canada à ma Nonna, elle tient les mêmes propos que les Québécois criaient aux Italiens quand ils venaient d’immigrer au pays. C’est le monde à l’envers…

Peux-tu décrire la technique que tu as utilisée pour illustrer Y’a pas de place chez nous ?
J’ai fait beaucoup de tests avant de trouver le style que j’allais donner à l’album. Après plusieurs essais, j’étais toujours déçu du rendement final et le brouillon me semblait toujours plus joli et approprié que l’illustration finale. J’ai donc opté pour un style de traits plutôt brouillon en mélangeant le fusain et la mine. Pour la colorisation, je me suis créé une banque de lavis d’aquarelle de différentes couleurs et textures que j’ai ensuite “collé” en transparence au dessin grâce à un logiciel d’illustration. 

Et ton processus de création?
Avant de commencer le projet, j’ai fait énormément de recherches à propos de la situation actuelle au Moyen-Orient. Je me suis beaucoup inspiré de photos des réfugiés Syriens dans leur embarcations de fortunes afin de rester le plus fidèle possible à la réalité, malgré mon style de dessin pas trop réaliste. Les fameuses montagnes de vestes de sauvetages oranges abandonnées au bord de l’eau sont un emblème puissant qui représente bien cette guerre. J’ai donc choisi des couleurs plutôt sombres et grises, pour faire contraste au orange vif de ces vestes de sauvetages.

Quels ont été tes défis pour illustrer cet album?
Ce n’est pas compliqué d’illustrer les habitants dans les îles. C’est toujours facile de réaliser des personnages méchants et pas contents! Le plus difficile a été de ne pas trop tomber dans un style dramatique langoureux, sans non plus dénaturer ces événements difficiles et tristement réels…

Quelle est ton illustration préférée dans Y’a pas de place chez nous ?
Celle des pages 30-31! Je me suis directement inspiré d’une image très connue des réfugiés arrivant sur la berge des îles Grecs. Ça me fait plaisir aussi de voir les deux frères sourire pour la première fois…
© Sergey Ponomarev, The New York Times 

Illustration: Enzo Lord Mariano (Y'a pas de place chez nous)
Tes projets à venir?
J’ai le constant besoin de créer! Je viens de terminer un album jeunesse qui paraîtra en janvier… Je suis présentement en train de coréaliser, avec un talentueux scénariste, un beau projet de bande dessinée qui va se dérouler à Montréal. Je fais partie aussi d’un groupe de swing manouche! On se garde occupé avec des concerts et on va enregistrer en studio un peu avant Noël… En attendant, je travaille sur une (deuxième!!) bande-dessinée relatant notre tournée improvisée cet été en Gaspésie et sur la côte nord!

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