jeudi 5 novembre 2009
J'aurais voulu voir l'oeil de bouc
Je reviens d’une virée de trois jours à Winnipeg, dans le cadre de la tournée Lire à tous vents. J’ai aimé ce bain éclair dans la culture manitobaine.
Petit pot-pourri de plaisirs vus et entendus:
- Je suis allée dans les écoles des villages de St-Pierre Jolys, Lorette, St-Norbert, Ste-Anne. Ces petits ilots francophones m’ont rappelé Astérix et Obélix et ce village têtu de la Gaule qui résiste à l’envahisseur…
- J’ai vu à l’œuvre une conseillère pédagogique modèle, passionnée par les livres et ardemment engagée pour transmettre aux jeunes son amour de la langue française.
- À force de sillonner les plaines, ça m’a donné envie d’aller ici, écouter cette chanson indémodable d’un fils du Manitoba. Oui, Daniel Lavoie, je l’entends gémir la langue de votre mère…
- Je n’ai pas compris la controverse autour de la sculpture de Louis Riel nu, qui m’a paru frappante, sobre et digne.
- J’ai souhaité que le frimas descende sur nous pour voir mon premier œil de bouc. Mais les grands froids sont restés au Nord…
- J’ai écouté des enfants de six ans chanter du Beau Dommage accompagnés à la guitare par leur enseignant, le dynamique et dévoué Monsieur Pierre.
- Dans la maison de Gabrielle Roy, sur la célèbre rue Deschambault, une gentille guide bénévole m’a raconté en long et en large les étapes de restauration de la maison. Mais je n’ai pas appris grand-chose sur l’âme ou l’art de l'auteur de Bonheur d'occasion.
- Dans une classe de première année, j’ai vu un petit garçon déplacer avec mille précautions sa guitare imaginaire. Il avait l’air tellement sérieux, tellement intense, que j’aurais voulu le chatouiller pour l’entendre rire. J’aurais voulu lui donner un de mes livres, la KitKat que j’avais dans mon sac, un bisou sur la joue. Mais l’auteure en visite n’a pas le droit d’avoir des chouchous.
- J’ai été charmée par l’accueil chaleureux des Manitobains, qui vous regardent dans les yeux, vous lancent un bonjour bien franc, semblent contents de vous voir et n'ont pas l'air de faire semblant.
- J’ai échangé un de mes albums contre un dessin d’un garçon de troisième année (dessiné pendant ma présentation). Il m’a offert le sourire vainqueur d'un gagnant de loterie et je me suis sentie aussi triomphante que lui.
- J’ai vu une lune ronde et pâlotte s’incruster dans le ciel au-dessus du pont Provencher, à huit heures du matin. Cette rebelle refusait d’aller se coucher.
- Je me suis assise devant la lucarne du grenier où Gabrielle Roy a commencé à écrire. La gentille guide m’a dit que cette chambre célèbre avait inspiré bien des artistes. J’ai attendu patiemment l’inspiration. Elle n’est pas venue.
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Dans les écoles
mardi 3 novembre 2009
J’ai failli être célèbre en Allemagne
J’ai failli être célèbre en Allemagne. Ben, euh, c’est-à-dire que je me suis imaginé, pour un bref instant, que je pourrais peut-être toucher la gloire au pays d’Angela Merkel… Je me suis laissé voguer sur une jolie chimère : mes livres seraient traduits dans la langue de Goethe et lus par des masses de petits Allemands aux quatre coins du Deutschland.
Pour un moment amèrement fugace, j’ai manqué de lucidité et j’ai glissé vers l’irrésistible attrait de la gloire, l’appel envoûtant de la renommée…
Tout a commencé avec ce foutu courriel que j’ai reçu. Un message entièrement en allemand. Hein? Quoi? Les seuls mots que je comprenais dans ce courriel étaient le titre d’un de mes romans Les Impatiences de Ping. Alors moi, dans ma vanité d’auteure, j’ai aussitôt fait un lien avec un autre courriel, reçu quelques mois plus tôt, d’une enseignante au Département de français de l’Université York, qui me disait qu’elle allait présenter mon roman sur Ping au Congrès biennal de la International Research Society for Children’s literature qui avait lieu cet été à Francfort.
Ne faisant ni de une, ni de deux, je saute à pieds joints sur la conclusion qui me plaisait le plus: cette chercheure avait présenté mon roman au congrès et les éditeurs éblouis par le charme de ma prose se ruaient pour acheter les droits de publication.Je rêvais déjà d’une montée des enchères entre divers éditeurs. Je me voyais déjà reine de la Foire du livre de Francfort, attirant devant ma table un interminable cordon de lecteurs, des files encore plus longues que celles suscitées par une nouveauté de Janette Bertrand ou de Jacques Demers…
Trépignant d’expectative, j’ai expédié illico le fameux courriel à mon beau-frère, qui parle l’allemand.
POW! Froutttt.... (son d'un ballon (ou d'un égo?) qui se dégonfle...)
Dans ce fameux courriel, les organisateurs du congrès me disaient avoir trouvé une trousse pédagogique sur Les Impatiences de Ping et me demandaient s’ils devaient me retourner ou pas ce document.
Et voilà mes rêves de gloire et de grandeur anéantis d'une seule petite traduction...
Si le ridicule tuait, je serais morte sur-le-champ.
Même après moult années de fréquentation de la jungle de l’édition jeunesse, même après m’être frottée plus souvent qu’autrement à la cruelle réalité du milieu littéraire, il semble que je nourris encore (à mon corps défendant) des désirs de gloire, des envies de frapper le filon d’or (lire best-seller). Malgré mon apparente lucidité, je garde toujours espoir d’acquérir un vaste lectorat, j’ai malgré tout cet appétit pour une place un peu plus grande sous les feux de la rampe…
Elle se calme à quelle heure, la soif de reconnaissance?
lundi 2 novembre 2009
«Pourquoi vivre si on ne fait rien après avoir rêvé de tout? »
Gil Courtemanche, Le Monde, le lézard et moi, 232 pages. Boréal
Dans ses chroniques pour Le Devoir, Gil Courtemanche fait souvent se côtoyer dénonciation et indignation. On retrouvait, à fortes doses, ces mêmes ingrédients dans son roman Un dimanche à la piscine à Kigali. Contrairement à ce que suggérait le titre, ce roman sur le génocide au Rwanda n’avait rien d’enchanteur et d’ensoleillé. Le journaliste devenu romancier décrivait la cruauté humaine dans ce qu’elle a de plus profond et de plus terrible.
Avec Le Monde, le lézard et moi, Courtemanche présente encore une fois un drame africain, dans ce cas-ci, un conflit entre deux groupes ethniques au Congo, qui se disputent la province de l’Ituri, riche en or et en pétrole. Le personnage principal, Claude Tremblay, est analyste politique à la Cour pénale internationale à La Haye. Il travaille avec acharnement sur le dossier d’un chef de guerre congolais qui embrigade des enfants pour devenir soldats, qui a violé à répétition et causé des milliers de morts.
Ambitieux sur le plan thématique, ce roman pose les Grandes questions: jusqu’où peut aller la Justice avec le grand J, jusqu’où pousser l’engagement?
On n’a pas affaire ici à un auteur qui trempe dans le littéraire. Gil Courtemanche met plutôt l’accent sur les idées, les convictions et la dénonciation. On lit des témoignages bouleversants d’enfants soldats et de femmes violées. On trouve toutefois des scènes très belles, très sensuelles, entre le narrateur et une Africaine qu’il a envie d’aimer. Le talent d’écrivain de Courtemanche se manifeste davantage dans ces scènes plus tendres.
Loin du divertissement bonbon, ce livre dur brasse et bouleverse, mais offre une intrigue habilement ficelée ainsi qu’un portrait solidement documenté d’une partie du monde dont on ne parle pas assez.
Cette citation, frappante d'espoir ET de désespoir, illustre bien l’idéalisme de l’auteur (et de ses personnages): «Pourquoi vivre si on ne fait rien après avoir rêvé de tout? »
Voici les autres livres dont j’ai parlé samedi matin, à l’émission à Radio-Canada. La chronique peut-être écoutée sur la page web de l’émission Les Divines Tentations, ici.
Myriam Beaudoin 33, Chemin de la baleine, Leméac ,192 pages
Son Hadassa a été pour moi une lecture si prenante, si envoûtante, que je me suis promis de relire ce roman si beau, sur l’expérience d’une enseignante de français dans une école juive orthodoxe.
Myriam Beaudoin revient ici avec une histoire d’amour, l’histoire d’un grand amour désespéré. Le roman s’ouvre sur le portrait d’une vieille dame, qui a une moitié du crâne chauve et une oreille qui manque. On comprend tout de suite que le drame a frappé durement dans sa vie.
Moins original, moins lyrique que Hadassa, ce roman a cependant une charge émotive très intense. Oh, comme on s’attache à cette femme aussi éperdue qu'inconsolable et comme on veut que l’amour, le vrai, s’avance vers elle. Tableau évocateur du Montréal des années 1950, portrait poignant d’un amour tragique, ce roman confirme le talent indéniable de Myriam Beaudoin.
Alexandre Jardin Quinze ans après Grasset. 354 pages.
A-t-il eu trop de pressions de son éditeur? De ses lecteurs? Comment savoir? En tout cas, Alexandre Jardin a succombé à la tentation de la suite. Quinze ans après ramène donc le couple dorénavant célèbre de son roman archi-populaire Le Zèbre. Alexandre tentera, une fois de plus, de séduire Fanfan et de l’amener vers les joies du mariage.
Si l’histoire sent un peu le réchauffé, j’ai néanmoins été fascinée par l’agileté de la plume de Jardin, sa virtuosité avec les mots. Il a un style d’une élégance rare, qui fait un peu ancien français, toute en fioritures, frôlant parfois le tape-à-l’œil. Ce style, Alexandre Jardin l’assume et en est fier. Il a d’ailleurs dit en entrevue au Parisien qu’il était en guerre contre l’écriture maigre. «Parce que je ne vois pas comment être un écrivain de la joie en écrivant maigre. Mais je vois bien que l’essentiel de mes contemporains évoluent vers un style lyophilisé.»
Alexandre Jardin reste ici dans la même veine que pour ses romans précédents:c’est gai, charmant, follement romantique. Mais au risque de passer pour une nostalgique bougonne, je dirai que cette suite n’a pas la fraîcheur, ni le punch du Zèbre.
L'Anniversaire d'Astérix et Obélix, le livre d'or. 54 pages Les Éditions Albert René.
Astérix et Obélix ont 50 ans. Hé oui, le petit malin moustachu et son complice «quelque peu enrobé» célèbre leur demi-siècle. Time flies!
Ce duo célèbre, qui a transformé l’univers du 9e art, a eu un succès phénoménal : 325 millions d'albums vendus dans 107 langues, sans compter les trois films et les neuf dessins animés.
Dans L’Anniversaire d’Astérix et d’Obélix, on trouve plein de jeux de mots et de clins d’œil à des situations familières: la potion magique, les baffes en rafales, la chasse au sanglier et le besoin de résister à l'ennemi tout-puissant.
Ce 34e album de la série n’offre pas une seule histoire, mais plutôt une série de tableaux d’humour, un peu inégaux. Albert Uderzo fait entrer Astérix et Obélix dans l'art classique. Mes planches préférées: celles où l’on voit Obélix dans la pose du penseur de Rodin et Falbala en Joconde.
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