
Mon père a quêté toute sa vie. D’aussi loin que je me souvienne, il a quêté de l’argent pour les autres. Pour les causes auxquelles il croyait. Pour sa communauté. Pour les Franco-Ontariens. Je ne sais pas où il trouvait l’énergie, entre élever huit enfants et ses responsabilités de haut gestionnaire au gouvernement fédéral, pour faire autant de bénévolat. (Heureusement qu’il avait une épouse toute aussi énergique…)
À la fois visionnaire et homme d’action, Gérald Poulin a aidé à créer d’importantes institutions culturelles franco-ontariennes. Si Orléans a aujourd’hui un visage francophone, c’est grâce à l’extraordinaire engagement communautaire de mon père. Il a fait partie des bâtisseurs pour ce projet, celui-ci et celui-là. Pas pour rien qu’on lui a remis l’Ordre de la Pléiade et un tas d’autres médailles et honneurs.
Récemment, je me suis retrouvée dans la position de celle qui devait quêter, c’est-à-dire trouver des commanditaires. Or, quêter, j’haïs ça au point d’en faire de l’urticaire. Même pour une bonne cause, j’ai une forte réticence à demander de l’argent. J’ai même arrêté de faire la guignolée avec mes filles parce que je trouvais ça trop décourageant. Peur de se faire dire non? Aversion au refus? Un peu de ça sûrement, en plus d’une pudeur mal placée…
Mais comme on voulait offrir des prix aux étudiants pour notre concours de bande annonce littéraire, il fallait trouver des commandites. L’équipe a envoyé des courriels à droite et à gauche, mais ça ne répondait pas.
C’est qu’ici que Gérald entre en scène. Mon papa qui a 79 ans, et qui n’avait jamais vu une bande annonce de sa vie, a décidé de nous aider. Il trouvait notre projet intéressant et voulait donner un coup de pouce à ses deux filles, l’auteure qui avait pondu le roman et la chercheure qui pilotait cette recherche-action.
Et l’indécrottable activiste a ressorti son bâton de pèlerin. Mon papa qui a 79 ans est allé faire le tour des commerces de Buckingham, pour trouver des commanditaires. Il a frappé à des portes, rencontré des commerçants pour essayer de les convaincre de donner des sous pour des prix dans le cadre d’un concours de bandes annonces littéraires. Pas évident d’essayer de convaincre un épicier d’embarquer là-dedans! Comme essayer de vendre une lampe de bronzage à un Cubain…
Mais l’inexpugnable Gérald a persévéré. Et il a récolté des dons! Ce n’est ni la quantité, ni l’envergure des dons qui comptent. C’est qu’à 79 ans, il a eu le désir, l’énergie et le cran de le faire.
Vraiment, je vous le dis, je veux vieillir à la façon de mon papa.