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Cet été, je suis allée écouter un ami jouer du saxo dans un petit ensemble jazz. Ça se passait dans un minuscule resto d’un quartier bohême d’Ottawa. La peinture s’écaillait sur les murs, la table était bancale et le gâteau aux carottes plutôt sec. Nous n’étions même pas dix personnes.
Mais les musiciens ont joué comme si leur vie en dépendait. Et mon ami saxophoniste soufflait et se donnait et transpirait et vibrait et nous faisait aussi vibrer. Il était complètement, totalement dans sa musique. Et je me souviens d’avoir pensé: il ne joue pas pour la gloire, mais pour le pur plaisir de jouer.
Ce qui m’amène à cette statistique démoralisante sur laquelle je suis tombée récemment.
Entre avril 2009 et mars 2010, il s’est publié plus de 700 livres jeunesse au Québec. 700!!! Le déluge quoi. Pour un marché aussi petit… déjà envahi par tous les livres jeunesse venus d’Europe, sans compter les innombrables traductions qui nous arrivent de chez nos voisins américains.
Avec 700 nouveaux titres qui inondent le marché à chaque année, comment un auteur peut-il espérer se démarquer dans cette avalanche de livres? Comment faire des ventes "raisonnables" quand l'offre dépasse aussi largement la demande?
Ce chiffre effarant me fait l’effet d’un coup de massue.
Comme statistique éteignoir (du moins pour une auteure), on peut difficilement faire mieux.
Alors il y a des jours où je me demande : mais ça donne quoi?
Tant de livres et si peu de lecteurs.
Et le ciel me semble bien bas.
Et les centaines d’heures passées devant mon écran me semblent futiles…
Et le manuscrit sur lequel je sue me semble superflu.
Alors je pense à mon ami saxophoniste qui a trouvé la réponse: jouer pour le pur plaisir de jouer. Il faut que je me répète, à la façon d'un mantra: écrire pour le pur plaisir d’écrire.