vendredi 13 mars 2009
Bukowski et le bipolaire crotté
Voici les livres dont je parlerai demain matin, entre 9h30 et 11h, à ma chronique littéraire aux Divines Tentations.
- Black bazar, Alain Mabanckou. Éditions du Seuil.
- Êtes-vous mariée à un psychopathe? Nadine Bismuth. Éditions du Boréal.
- Au bonheur de lire, Comment donner le goût de lire à son enfant de 0 à 8 ans. Dominique Demers, Éditions Québec Amérique.
- Les chercheurs d'étoiles. Françoise Lepage. Éditions L'Interligne.
Phrase percutante :
Je l’ai cueillie dans le roman Black Bazar, qui décrit la détresse et l’allégresse des immigrants noirs ( la « négraille africaine ») à Paris. Mabanckou dit: « Nous les Noirs, nous ne renoncerons pas à nous blanchir la peau tant que nous serons persuadés que notre malédiction n’est qu’une histoire de couleur. »
Phrase provocante:
Je l’ai cueillie dans le recueil de nouvelles de Nadine Bismuth, qui présente une vision assez cynique de l’amour. Un de ses personnages cite l'auteur américain Bukowski : « L’amour sèche plus vite que le sperme ». Et l’autre personnage de répondre: « Beurk, Bukoswki. Quand je rencontre un gars qui tripe sur Bukowski, c’est toujours un bipolaire crotté aux cheveux gras. »
Phrase édifiante :
Je l’ai cueillie dans l’essai de Dominique Demers, fort persuasive pour convaincre de l’immense importance de lire, de l'intense plaisir de lire. Elle use d’une formule choc pour nous mettre en garde contre les bouquins ennuyeux : « Méfiez-vous des livres fades… un livre fade, c’est plus dangereux qu’un livre « cochon ».
Phrase vivifiante:
Je l'ai cueillie dans le roman de Françoise Lepage, qui raconte comment le courage d'un aviateur célèbre (Charles Lindberg) inspire une adolescente à suivre ses propres rêves : "Un nuage, c'est presque rien, sauf quand un artiste le fige en une oeuvre d'art, qui transforme en réalité quelque chose d'irréel. Je pense au pouvoir des artistes. Ce sont tous des magiciens."
On pourra écouter dès demain ces chroniques de lecture à l'adresse suivante:
http://www.radio-canada.ca/regions/ottawa/Radio/divines.shtml
jeudi 12 mars 2009
Oser l'originalité
Hier soir, j’ai fais mon bénévolat du mois, en agissant comme juge pour la finale d’un concours oratoire organisé par une commission scolaire d’Ottawa. Les élèves, âgés entre 11 et 13 ans, s’étaient consciencieusement préparés. Ils avaient choisi des thèmes sérieux pour leurs discours: le réchauffement de la planète, les Palestiniens, l’importance de préserver l’eau, l’intimidation, etc. Bien documentés, ces jeunes orateurs nous ont bombardés de faits, de statistiques et d’arguments convaincants. Ils étaient sérieux, pétris de bonne volonté et bonnes intentions.
Jusqu’à ce qu’arrive le candidat M. (en tant que juge, nous n’avions pas accès à leurs noms avant la fin du concours). Le thème de son discours : qu’est-ce que je ferais si je gagnais un trillion de dollars? M. a commencé par les scénarios connus et habituels: donner une partie de l’argent à sa famille, ses amis, aux bonnes œuvres. Ensuite, il nous a dit les « vraies affaires », ce qu’un garçon de 11 ans ferait avec une tonne d’argent: s’acheter trois tonnes de bonbons, puis un palais (pour rendre les voisins jaloux) puis son avion personnel, puis des domestiques pour ne plus être obligés de faire le ménage de sa chambre. C’était drôle, irrévérencieux, candide et d’une fraîcheur inégalée. Il a charmé le jury au complet et la salle entière. Quand nous nous sommes retirés dans la salle des profs pour délibérer, nous (les trois juges) avons été spontanément unanimes : dans sa catégorie, notre « trillionnaire » méritait la médaille d’or.
En retournant chez moi, j’ai tenté de mettre le doigt sur les raisons pour lesquelles le jeune M. s’était à ce point démarqué des autres candidats? Contrairement aux autres, qui s’étaient largement appuyés sur des informations factuelles, M. avait osé être profondément personnel. Plutôt que de nous restituer des renseignements copiés sur le Web, il nous avait dévoilé un pan (très rigolo) de la pensée d’un garçon de 11 ans. Il avait raconté ce qu’il pensait lui, dans ses mots à lui, avec humour et fantaisie. Et j’ai pensé, c’est à ça qu’on reconnaît les vrais créateurs : leur audace à oser l’originalité.
Jusqu’à ce qu’arrive le candidat M. (en tant que juge, nous n’avions pas accès à leurs noms avant la fin du concours). Le thème de son discours : qu’est-ce que je ferais si je gagnais un trillion de dollars? M. a commencé par les scénarios connus et habituels: donner une partie de l’argent à sa famille, ses amis, aux bonnes œuvres. Ensuite, il nous a dit les « vraies affaires », ce qu’un garçon de 11 ans ferait avec une tonne d’argent: s’acheter trois tonnes de bonbons, puis un palais (pour rendre les voisins jaloux) puis son avion personnel, puis des domestiques pour ne plus être obligés de faire le ménage de sa chambre. C’était drôle, irrévérencieux, candide et d’une fraîcheur inégalée. Il a charmé le jury au complet et la salle entière. Quand nous nous sommes retirés dans la salle des profs pour délibérer, nous (les trois juges) avons été spontanément unanimes : dans sa catégorie, notre « trillionnaire » méritait la médaille d’or.
En retournant chez moi, j’ai tenté de mettre le doigt sur les raisons pour lesquelles le jeune M. s’était à ce point démarqué des autres candidats? Contrairement aux autres, qui s’étaient largement appuyés sur des informations factuelles, M. avait osé être profondément personnel. Plutôt que de nous restituer des renseignements copiés sur le Web, il nous avait dévoilé un pan (très rigolo) de la pensée d’un garçon de 11 ans. Il avait raconté ce qu’il pensait lui, dans ses mots à lui, avec humour et fantaisie. Et j’ai pensé, c’est à ça qu’on reconnaît les vrais créateurs : leur audace à oser l’originalité.
Labels:
Dans les écoles
mercredi 11 mars 2009
Quand l'inspiration viendra...
Il mouillasse aujourd’hui.
Le ciel n’a que du gris à offrir.
Je viens de me lever et mon lit m’appelle, tel une sirène aguichante.
Je relis les pages de mon manuscrit révisées hier. Ce roman me semble chétif, terne, tirant vers le banal.
Je vais répéter, comme un mantra, le bon mot de Picasso: « Je ne sais pas ce qu’est l’inspiration, mais quand elle viendra, j’espère qu’elle me trouvera en train de travailler. »
Le ciel n’a que du gris à offrir.
Je viens de me lever et mon lit m’appelle, tel une sirène aguichante.
Je relis les pages de mon manuscrit révisées hier. Ce roman me semble chétif, terne, tirant vers le banal.
Je vais répéter, comme un mantra, le bon mot de Picasso: « Je ne sais pas ce qu’est l’inspiration, mais quand elle viendra, j’espère qu’elle me trouvera en train de travailler. »
Labels:
Écriture
mardi 10 mars 2009
L'odeur du fumier comme un trophée
Quand je suis rentrée à la maison, hier soir, ma fille m’a dit :
- Maman, tu sens le caca!
- Non, pas le caca, le fumier de vache, que j’ai protesté. Ce n’est pas du tout pareil.
Cette odeur de fumier, je la portais comme un trophée, puisqu’elle m’a permis de régler un élément clé de l’intrigue de mon roman pour ados (celui-là même que je me suis engagée à terminer le 1er avril…)
J’ai passé près de trois heures hier dans une ferme laitière, à observer la traite des vaches.
Ce qui m’a frappée:
- la placidité des vaches (le cliché est vrai) qui s’enlignaient docilement pour passer à la salle de traite.
- le geste si compétent et si machinal du producteur laitier (on ne dit pas fermier mais bien producteur laitier, m’a-t-on précisé) nettoyant les trayons avant d’installer la trayeuse. Je serais prête à parier qu’il peut faire ça dans son sommeil.
- l’air mélancolique et morose d’une vache qui avait l’estomac retourné, littéralement, suite à un vêlage. Elle aura sa chirurgie aujourd’hui, la pauvre.
- La quantité de merde produite par 65 vaches.
- Le temps et la patience nécessaires pour traire (à la main) une vache souffrant d’une mammite (infection du trayon).
- Le truc du producteur laitier pour empêcher la vache de lui donner un coup de patte : il lui tient la queue, bien haut.
- L’histoire du récupérateur de carcasses, qui vient de fermer boutique parce que la récession a fait baisser le prix du cuir des vaches et qu’il est désormais interdit de vendre la viande pour en faire de la nourriture pour chats.
Ce qui m’a charmée:
- La brosse mécanisée, qui permet à la vache de se livrer à une petite séance d’auto-brossage, quand bon lui chante.Ça donne à l’étable une aura de « spa ».
- Les oiseaux minuscules (des moineaux?) qui coursaient joyeusement et dangereusement près du toit de l’étable
- La complicité du producteur laitier et de son fils. Ils se comprenaient à demi-mots et travaillaient avec une efficacité calme et une harmonie enviable.
- La curiosité des vaches, qui me regardaient d’un air inquisiteur, l’air de dire: qu’est-ce qu’elle vient faire dans notre étable, cette étrangère avec ses bottes de citadine et son manteau de ski de fond?
J’adore faire de la recherche pour un livre, voir d’autres couleurs, sentir d’autres odeurs, découvrir d’autres univers. Maintenant, je dois me donner un coup de pied dans l’arrière-train (ce que ne ferait pas une vache), sortir mon calepin (taché de quelques éclaboussures de merde de bovin) afin de façonner le lien manquant de mon intrigue et sculpter un texte à partir de ce magma de notes…
NDLR: La photo (vache de Sylvio Gagnon, de Price) date de 1969. Les vaches ne changent pas!
Labels:
Écriture
dimanche 8 mars 2009
Trop occupés pour lire?
Je suis en train de lire le récent bouquin de Dominique Demers, intitulé Au bonheur de lire. Comment donner le goût de lire à son enfant de 0 à 8 ans. C’est un livre pratico-pratique, bourré d'informations utiles et de suggestions pertinentes, animé d’un enthousiasme ardent, la marque de commerce de l'infatiguable Dominique Demers. Bref, un bouquin incontournable pour parents, bibliothécaires, enseignants et directeurs d’école.
L'auteure y raconte une anecdote révélatrice au sujet d’un directeur d’école. Après avoir donné une conférence sur la lecture, Dominique Demers est approchée par un directeur qui lui dit que c’est une excellente idée de lire devant les enfants, mais que lui n’avait tout simplement pas le temps. Ce à quoi elle lui a répondu : « Si vous n’arrivez pas à trouver du temps pour lire, pourquoi les enfants en trouveraient-ils eux? »
Au cours des dernières années, j’ai dû faire plus d’une centaine d’animations d’auteure dans les écoles. Rares sont les visites dans les écoles où j’ai eu un contact avec le directeur. C’est pourtant lui qui signe mon contrat et par la suite mon chèque. Pourtant, les directeurs d’écoles ne viennent pratiquement jamais me saluer, ni à mon arrivée, ni au départ. Ce n’est pas que je veux qu’on déroule le tapis rouge pour ma visite. Mais, comme je sors souvent exaltée moi-même par l'enthousiasme des élèves, j'aurais très envie de raconter à la direction comment les jeunes étaient préparés, attentifs, qu'ils avaient des tonnes de questions, que certains m'ont dit qu'ils voulaient courir lire, que d'autres m'ont dit qu'ils allaient écrire une histoire... Je voudrais raconter au directeur que c'est possible de faire pétiller les yeux des enfants en parlant de livres et qu'il faut absolument continuer à entretenir cette piqûre de la lecture.
Je m'inquiète... Si un directeur n'a pas quelques minutes pour venir s'enquérir des résultats des ateliers donnés par l'auteur, combien de temps choisit-il de consacrer à la promotion de la lecture dans son école?
Certains jours, je me trouve timorée, peureuse. Je devrais tout simplement aller frapper à la porte du directeur et lui raconter ces moments magiques d'une rencontre entre lecteurs et auteur. Mais je n'ose pas. Après tout, les directeurs d'école sont si occupés...
Labels:
Dans les écoles
S'abonner à :
Messages (Atom)