jeudi 6 mai 2010
À quel âge est-ce qu’on commence à être un peu content de son talent?
Ces jours-ci, je relis mes écrits en chantier et je soupire.
Blah…
Je trouve ça très quelconque.
Terne.
Aussi drabe qu’un jour de pluie.
Et c’est lourd à porter.
Y’en a-t-il des créateurs qui ont le talent de leurs ambitions?
Dans une entrevue donnée cet hiver au Libraire, l’auteur Stéphane Bourguignon disait à cet effet: « Tous les écrivains le disent : le moment le plus dur, émotionnellement, c’est quand tu réalises que ne seras pas capable de ce que tu espérais réaliser. »
J’admire énormément l’auteure américaine Jane Yolen, qui a publié plus de 300 livres pour jeunes et pour adultes. À plus de 70 ans, la dame continue de créer et de publier à un rythme effarant (pour ne pas dire effréné…). Récemment, elle a écrit ceci sur son journal/blogue:
«Je suis satisfaite de mon petit talent et j’en ai tiré le maximum. Je connais ma place sur "l'échelle du succès". Je n'ai pas de raison de me plaindre.»
J’admire la sérénité de Jane Yolen vis-à-vis de ce qu’elle appelle son « petit talent ».
En fait, je lui envie sa sérénité.
À quel moment est-ce qu'on accepte qu'on a un "petit talent" plutôt qu'un "immense talent"?
À quel âge est-ce qu’on commence à être un peu content de son talent?
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Écriture
mercredi 5 mai 2010
Pourquoi les enfants n’ont pas de bouche?
Illustration tirée de Mon papa ne pue pas.
C’est qu’ils sont de fins observateurs les élèves de la classe de Mme Turcotte, à l’école du Grand Boisé, à Chelsea. Dans cette classe de 1ère et 2e année, où je suis allée récemment donner une animation, les enfants m’ont posé une question fort intéressante (et un peu embêtante pour moi qui écrit mais ne dessine pas…) sur une des illustrations de Mon papa ne pue pas.
Pourquoi les enfants en classe n'ont-ils pas de nez ou de bouche?
Et de répondre l’illustre illustrateur de l’album, Jean Morin lui-même en personne :
« Parce que les enfants à l'arrière-plan sont secondaires et même tertiaires à l'action, j'ai évité de leur donner trop d'importance en leur faisant entre autres, des yeux blancs comme ceux de la première rangée. Pour celui de droite auquel il manque un nez, ça s'explique parce que le dessin devait être cadré un peu plus vers la gauche, ce qui lui aurait coupé le visage, d'où le manque de finition. Il faut dire que j'ai peut-être aussi complètement oublié de lui faire le nez. Le manque de bouche montre que les enfants n'ont pas de réaction particulier, ne rient pas, ne crient pas et sont bien sages... »
Ah… n’est-ce pas que c’est merveilleux un livre, où il suffit d’effacer quelques bouches pour avoir des enfants sages…
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Dans les écoles
lundi 3 mai 2010
« Sois brave. Travaille fort. Étudie bien à l’école »
En naviguant sur le fascinant site web de l’écrivain Chris Cleave, je suis tombée sur l’histoire derrière l’histoire. C'est-à-dire le fait vécu qui lui a inspiré son époustouflant roman Et les hommes sont venus, dont j’ai parlé ici.
L’histoire de Manuel Bravo est du drame pur, pas distillé, pas nuancé, mais brut et brutal.
En lisant ça, je n’ai pu m’empêcher d’avoir peur de l’intensité des sentiments.
Ils devraient être bien puissants, les sentiments de ce Manuel, pour le forcer à faire un tel geste.
Et quels sentiments?
Le désespoir?
L’amour pour son fils?
Les deux?
Alors voici l’histoire en question.
En 2001, un Angolais du nom de Manuel Bravo quitte son pays et se réfugie en Angleterre. Il y demande l’asile en disant que lui et sa famille seront persécutés s’ils retournent en Angola. Les autorités britanniques le font poireauter pendant quatre ans.
Quatre ans d’incertitude et d’angoisse, à se demander s’il avait un avenir et où?
Le 15 septembre 2005, Manuel Bravo et son fils de 13 ans sont saisis à l’aube et internés dans un Immigration Removal Center, dans le sud de l’Angleterre. On leur annonce qu’ils seront déportés en Angola le lendemain matin.
Cette nuit-là, Manuel Bravo se pend dans une cage d’escalier.
Les gardes qui vont réveiller le jeune fils dans sa cellule doivent lui annoncer la mort de son père.
Manuel Bravo était au courant du règlement selon lequel un mineur non accompagné ne peut pas être déporté de la Grande-Bretagne.
Il s’est enlevé la vie pour sauver celle de son fils.
Ses derniers mots pour son fils ont été: «Sois brave. Travaille fort. Étudie bien à l’école.»
dimanche 2 mai 2010
Dépêchez-vous M. l'Auteur, j'ai hâte de lire votre prochain livre
Et les hommes sont venus, Chris Cleave. Nil. 352 pages
Deuxième roman de l'auteur britannique Chris Cleave, dont j’ai parlé dans ma chronique de samedi dernier aux Divines Tentations
Cher Chris Cleave,
L’éminent critique français, Pierre Assouline, a dit de votre premier roman Incendiaires qu’il l’avait lu en marchant tellement il était prenant.
Et bien, je vais reprendre le bon mot de M. Assouline et répéter la même chose au sujet de votre deuxième roman Et les hommes sont venus. Je l’aurais lu en marchant s’il m’avait fallu le faire.
Vraiment.
Mais dès que je l’ouvrais, votre fameux livre, je n’avais plus la moindre envie de bouger, plus la moindre envie de quoi que ce soit qui m’obligerait à m’en extirper.
Le saviez-vous à quelle intensité votre intrigue nous accroche? À quel point on veut que ça « finisse bien » pour votre inoubliable Petite Abeille, cette jeune Nigériane traquée dans son pays, puis traquée en Grande-Bretagne, cette adolescente qui a vu les pires horreurs mais qui persiste à sourire devant un rayon de soleil?
Et saviez-vous qu’on se tortille d’inconfort devant le dilemme moral de Sarah et Andrew, qui tenteront (ou ne tenteront pas…) d’aider Petite Abeille. Et qu’on comprend bien (oh, si bien…) le manque de courage de l’un et les trahisons de l’autre…
Cher Chris Cleave, je vous remercie d’avoir mis tout ce que j’aime (et encore plus) dans votre roman :
- du drame
- de l’humour (parfois noir, parfois tendre, souvent ironique…)
- des personnages si étoffés qu’on a l’impression de les avoir toujours connus.
- des thèmes ambitieux (l’injustice, la cruauté, la solidarité) mais pas de réponses toutes faites.
- des images d’ailleurs (du Nigéria à une banlieue huppée de Londres)
- du suspense
- de l’intensité
- du rythme.
- du lyrisme.
Cher Chris Cleave, maintenant que je vous ai découvert, je vous suivrai à la trace.
Dépêchez vous!
J’ai hâte de lire votre prochain livre.
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