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L’accomplissement suprême, c’est d’arriver à brouiller la frontière entre le travail et le jeu, disait un historien britannique.
Eh ben, cette semaine, j’ai écouté un auteur qui semble l’avoir atteint, cet accomplissement suprême. Qui semble sincèrement S’AMUSER à écrire. Ce créateur à la fois détaché et passionné, sérieux et facétieux, s’appelle François Gravel.
Plusieurs fois, au cours de ce café littéraire organisé par la Bibliothèque publique de Gatineau, il est revenu sur son plaisir d’écrire. À 58 ans et avec 57 livres publiés derrière la cravate, il affirme haut et fort qu’écrire le fait encore jouir. « Il faut que ce soit le "fun" sinon j’arrête», a-t-il indiqué. En fait, il a l’intention d’écrire jusqu’à l’âge de 85 ans, puis de prendre deux semaines de vacances.
Voici quelques-unes des perles qu’il a lancé dans l’auditoire: (et non, pour les esprits tordus, il n’y avait aucun pourceaux dans la salle…)
Au cégep, il détestait ses cours de français, ce qui l’a aiguillonné vers des études en économie.
Modeste, il se décrit comme un conteur plutôt qu’un littéraire. Il ne cherche pas à renouveler la langue mais simplement à raconter une bonne histoire.
Il a plus de plaisir à écrire pour les enfants que pour les adultes.
Il écrit trois heures par jour et il est de mauvaise humeur quand il n’a pas écrit pendant quelques jours.
Il a été membre du jury du prix du Gouverneur général, l’année où Michèle Marineau a reçu cet honneur pour son roman La route de Chlifa. Cette auteure talentueuse, que François Gravel n’avait alors jamais rencontrée, est par la suite devenue sa femme.
De ses 57 livres en circulation, il y en a un seul qu’il regrette d’avoir publié, estimant qu’il n’est pas à la hauteur.
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Une fois qu’il a publié un livre, il ne le relit jamais. « C’est comme entendre sa voix ou se revoir sur des photos. Je n’aime pas ça. »
Sa blonde (également auteure) fait des plans à n’en plus finir avant de commencer un roman tandis que lui ne fait jamais de plan.
Il lui est arrivé – quatre ou cinq fois (oh my God!) de jeter un manuscrit de roman à la poubelle, le jugeant trop mauvais.
Il ne sait pas si ses meilleurs livres sont devant lui ou derrière lui.
Il rêve encore d’écrire un GRAND livre. Il a terminé en citant Flaubert: «La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.»