jeudi 29 avril 2010

Dire ou ne pas dire le mot pénis?



Comme j’ai déjà parlé de pipi sur ce blogue, ici et ici, je ne vais pas en reparler encore aujourd’hui.

Je vais cependant rester dans les mêmes eaux (hum…) et parler de pénis.
Comme dirait ce cher Guy A., voici la question qui tue:
Dans une classe de maternelle, devant 20 enfants de 4-5 ans, peut-on dire le mot pénis ou devrait-on plutôt dire :
- bijou de famille?
- zizi?
- quéquette?
- baguette?

Je reviens d’un petit séjour à Newmarket pour des animations scolaires. J’ai échangé là-bas avec des profs sur la controverse autour de la désormais célèbre réforme du programme d’éducation sexuelle destiné aux élèves du primaire. Ce nouveau programme, où le Ministère proposait de renseigner les jeunes sur la masturbation, le sexe anal et la fellation, est mort avant même d’avoir pu être testé, grâce à la levée de boucliers des parents catholiques et musulmans. Oui, certains coins de l’Ontario sont encore assez traditionnels merci.

J’en avais eu la preuve quelques semaines plus tôt dans une classe de maternelle en banlieue d’Ottawa. Quand j’ai proposé de leur lire un de mes albums, les petits ont réclamé à grands cris Pipi dehors. J’ai vu tout de suite que l’enseignante n’était pas à l’aise. Debout derrière la classe, elle a croisé les bras et a regardé au loin, sans sourire. Évitant mon regard.
Qui décevoir? Les enfants ou la maîtresse?
J’ai choisi de décevoir la maîtresse.

Je leur ai lu Pipi dehors.
Les enfants ont rigolé comme des petits fous.
Pas moi.
C’était la première fois que je lisais cet album à voix haute, dans une classe.
Devant l’air mécontent de la maîtresse, j’ai eu peur que ma lecture dérape en séance de bouffonnerie.

J’aurais voulu faire remarquer aux enfants le talent et l’habileté de l’illustrateur, Frédéric Normandin, qui a réussi à montrer Pierrot, le petit héros, urinant dehors à plusieurs reprises sans jamais que l’on voit son zob.

Tandis que je lisais à voix haute devant les enfants rigoleurs, une question s’agitait frénétiquement dans mon cerveau: Est-ce que je peux dire le mot pénis dans une classe de maternelle en Ontario? Si je dis ce mot, est-ce que je vais provoquer un esclandre? Est-ce que les parents se plaindront? Est-ce que je serai barrée à tout jamais des écoles ontariennes?

Pour reprendre une expression chère à ce cher PET, j’ai été pleutre.
J'ai joué fessier.
Je n’ai pas dit pénis.
J’ai dis zizi.

mercredi 28 avril 2010

Et si on créait le "Prix du Livre oublié"?


Histoires de livres, recueil de nouvelles. Sous la direction de Jacques Allard. Hurtubise HMH. 245 pages.

Vingt bons auteurs qui nous concoctent vingt bonnes histoires parlant de livres. Célébrons! C’est justement pour célébrer leur 50e anniversaire que les Éditions Hurtubise ont demandé à des auteurs de la maison d’écrire des nouvelles sur le sujet du livre.

Ça donne un petit recueil à la couverture discrète, trop même je dirais. Mais on aurait tort de se fier aux apparences. On trouve dans Histoires de livres des textes aussi vibrants que chatoyants. J’en ai parlé dans ma chronique de samedi dernier aux Divines Tentations.

Il faut lire le récit autobiographique de Lise Bissonnette, ancienne rédactrice en chef du Devoir et ancienne grande patronne de la Grande Bibliothèque, qui nous raconte, de sa plume élégante et un brin précieuse, l’histoire tragique de sa sœur qui voulait désespérément être auteure, mais dont les manuscrits ont toujours été refusés.

Il faut lire le récit d’une ironie mordante signé Madeleine Monette, qui nous montre la naïveté de ces gens qui sont convaincus de porter en eux le prochain best-seller du siècle.

Il faut lire comment André Carpentier met de délicatesse et de tendresse dans le portrait de son père et de son amour pour les livres.

Il faut lire Maryse Rouy et ressentir sa joie profonde et sa nostalgie toute aussi profonde lorsqu’elle évoque l’unique livre que possédaient ses grands-parents: un fablier dont elle a hérité.

Il faut lire la nouvelle originale d’Hervé Foulon, sur la vie d’un roman, narrée par le bouquin lui-même. Dans ce texte, le président de HMH lance une idée fantastique en suggérant d’imiter nos cousins français et de créer le Prix du livre oublié. Quand on pense qu’au Québec, la vie d’un livre en librairie ne dépasse guère plus de trois mois, ce ne serait pas un luxe que d’avoir un tel prix. Plusieurs même!

dimanche 25 avril 2010

Avoir devant soi quatre morceaux et n'en manger qu'un seul...


Je suis seule dans une chambre d’hôtel de Newmarket, dans le bel Ontari-ari-ario...

Une bibliothécaire bien intentionnée m’a conduite ici et m’a laissée seule avec un cadeau empoisonné: un sac d’acaïs et de bleuets enrobés de chocolat noir.
Une enseignante très attentionnée m'a apporté un plat de fruits frais. Des kiwis au vert vibrant, des fraises fraîches, du melon qui fond sur la langue...

Mais ce sont les chocolats qui m'attirent aussi sûrement qu'un aimant. Sur le sac, comme pour mieux me narguer, la publicité clame sournoisement: "Contient les bienfaits des flavanols du cacao."

Je répète, je suis seule.
Seule avec ma gourmandise.
Il n’y a personne pour voir combien j’ai déjà mangé de bleuets chocolatés.
Et combien j’en mangerai encore…
Ça tombe bien mal, car ce soir, j’ai autant de volonté qu’un lombric septuagénaire.

La force.
Hum.
Certains jours j'en ai des barils pleins.
D'autres jours, même pas de quoi remplir un dé à coudre.

Elle est tombée en plein dans le mille,Judith Viorst, en décrivant ainsi la force:
«La force, c’est la capacité de briser à mains nues une tablette de chocolat en quatre morceaux et ensuite… de manger un seul de ces morceaux.»

Ce soir, la force (en tout cas la mienne) a pris la poudre d'escampette.
Et non, ne me demandez pas, car même sous la torture, je n’avouerai pas combien de bleuets chocolatés j’ai mangés…