Ma mère a trois quarts de siècle et des poussières. Ces jours-ci, elle
m’aide à refaire la plate-bande/pelouse devant la maison.
Ma mère a trois quarts de siècle et des poussières, mais elle travaille
comme un bûcheron à peine trentenaire. Fougueuse, intense, petit paquet
de nerfs et de muscles, elle bûche, bêche et défriche sans relâche.
Ma mère fait revoler les pelletées de terre comme si elle voulait
creuser un tunnel jusqu’en Chine en 24 heures. Elle arrache les mauvaises
herbes comme si l’avenir de la planète en dépendait. Elle transplante
fleurs et plantes avec l’ardeur des premiers colons qui défrichaient la terre.
Elle s’arrête juste le temps de prendre une gorgée d’eau et d’essuyer la
sueur qui lui goutte au bout de nez.
Ma mère a trois quarts de siècle et des poussières.
Son énergie m’éblouit.
Son souffle m’époustoufle.
Ces jours-ci, ma pelouse ressemble à un terrain saccagé, jonché de bouts
de racines, de pierres, de mauvaises herbes, de mottes disparates. Tout
est à mettre en forme dans ce chantier bordélique. Tout est à planter. Tout est
à créer. Heureusement que j’ai ma maman pour m'aider.
Mon roman en chantier ressemble à ce terrain saccagé. Informe,
chaotique, parsemé de grosses mottes de phrases graveleuses, de longs paragraphes
raboteux et indéfrichés. Tout est à mettre en forme dans ce roman. Tout est à
créer. Malheureusement, ma maman ne peut pas m’aider pour ce chantier.