Un
salon du livre est pour moi synonyme de tourbillon de rencontres, d’avalanche d’informations
variées, de débordement d’impressions. Par-dessus tout, ces grandes foires du
livre déclenchent inévitablement dans mon petit cerveau un maelstrom d’émotions,
certaines réjouissantes, d’autres accablantes.
En voici quelques-unes, en vrac.
Joie
Qui
ne se gonfle pas de joie quand on lui offre des chocolats? Ma joie était d’autant plus grande qu’au
Salon, en pleine séance de signature, voilà qu’on m’apporte une boîte de
chocolats inimitables! Des chocolats qui
pétillent! Faits à la maison. Cette délicate et généreuse attention est de Kanie
Beaupré-Parent, une enseignante passionnée de littérature jeunesse, qui avait
fabriqué ces mêmes chocolats irrésistibles, lors de mon passage dans son école,
il y a deux ans. Pour savoir toute l’histoire
et avoir la recette de chocolats qui pétillent, cliquer ici.
Dépassement
Dire
que pendant toutes ces années où je croyais faire assidûment mon devoir d’auteure
dans les salons du livre, j’ai insulté mes lecteurs sans le savoir. Toutes ces années de séances de dédicaces où j’aurais
été aussi bien de cracher dans le livre qu’ils venaient d’acheter. Selon le très facétieux Stéphane Dompierre,
si on écrit « bonne lecture » en dédicace, c’est drabe, insultant et
l’équivalent d’un crachat… Oupelaille! J’avais intérêt à réformer mes habitudes au
plus sacrant. Alors, n’écoutant que mon sens du dépassement, je n’ai pas signé
une seule dédicace cette année avec les mots honnis (bonne lecture).
Attendrissement
Je
lui aurais donné 8 ou 9 ans et elle avait de mignonnes petites couettes comme
mon personnage de Babette. La petite fille ne souriait pas. Par timidité je crois. Elle z’yeutait mes signets depuis un bon
moment. C’est que les signets d’Isatis
se démarquent.
- Veux-tu un signet?
Elle a
secoué la tête de droite à gauche
- J’en ai déjà plusieurs, a-t-elle répondu
gravement.
Comme je ne
voulais pas égratigner sa dignité, je n’ai pas insisté.
Tout de même.
Si petite et déjà si
raisonnable.
Humilité
Le
Salon du livre de Montréal est une chaîne de montagnes de livres. Un Everest après l’autre de bouquins. Et tellement de livres fabuleux et
formidables. Comment ne pas se sentir insignifiant devant tout ça? Confrontés ainsi aux Grands, comment rester
sereine devant les limites de son propre petit talent? Longtemps, j’ai pensé que l’humilité devait
être un baume alors qu’elle se vit parfois comme une brûlure.
Douleur
Samedi
matin, je me réveille dans l’appartement de ma sœur, qui a déjà quitté pour le
weekend. Prête à attaquer ma deuxième
journée au Salon, je cherche mes
souliers. Plus de souliers. Disparus. Volatilisés. J’appelle ma sœur qui
confirme qu’elle a apporté mes souliers par mégarde… En panique, je fouille
dans tous les placards et j’essaie toutes les godasses que je peux trouver. Le hic, c’est que ma sœur chausse du 5 ½ tandis que moi je chausse du 7. Je
suis aussi désespérée que les demi-sœurs de Cendrillon, qui tentaient de
coincer leurs gros pieds dans l’escarpin minuscule de la belle. Je finis par trouver une paire, « faite
un peu plus grande ». En enlevant mes bas, je réussis – de peine et de misère
– à enfiler les souliers. Tout mon
samedi (de 9 h le matin jusqu’à 22 h, après le souper d’auteurs) pieds nus dans
des souliers trop petits pour moi.
Bonjour les ampoules.
Se
mettre dans les souliers de l’autre?
Je
l’ai fait, je ne le ferai plus.
Jamais.
Envie
Quel
auteur normalement constitué n’envie pas les interminables files de lecteurs en
attente devant la table de Simple Plan,
de Michel Tremblay ou de Ricardo? Si on
accepte d’entrer dans l’arène cruelle de l’édition, il faut apprendre à
piétiner son envie.
Agacement
Ce
n’est pas parce qu’on écrit pour des jeunes qu’il faut leur parler « bébé » ou leur tordre le bras (figurativement) pour qu'ils achètent nos livres. Moi qui ne suis pas très douée pour l’autopromotion
(surtout celle qu’il faut pratiquer « en direct » sur le plancher du
Salon) j’ai vu durant ce salon des auteurs agrafer (pour ne pas dire harponner) des jeunes en
leur posant quelques questions condescendantes avant de leur balancer un monologue
publicitaire sur les mérites de leurs livres. Voilà ce qu’on appelle de la
vente sous pression. En plus, c’est que
les jeunes (et je ne parle pas des ados) forment une clientèle vulnérable. Là
où un adulte aurait simplement tourné le dos à cette approche agressive, les
jeunes eux restaient sur place, se dandinant sur un pied puis sur l’autre, intimidés
et mal à l’aise… Pas très efficace, il me semble, comme approche pour donner
aux enfants le désir de lire ou le goût d’approcher les auteurs…
Soulagement
Pour
mon dernier jour au salon, je n’avais toujours pas récupéré mes souliers. Mais pas question que je passe une autre
journée pieds nus dans des souliers trop serrés. J’ai fini par dénicher, dans le fin fond d’un
placard chez ma sœur, des godasses pour marcher dans l’eau. Euréka!
J’aurais l’air d’une folle avec des souliers de plage en novembre, mais
au moins mes ampoules n’allaient pas éclater et mes pieds cesseraient de
hurler. Durant tout mon dimanche au
Salon, pas un auteur, pas un éditeur, pas un lecteur – personne! – n’a fait de
commentaires sur mes godasses hors-saison.
Soit que les auteurs/éditeurs/lecteurs sont des gens hyper-polis ou
soit que tous ces gens sont tellement passionnés par les livres qu’ils se fichent
de la mode.
Émerveillement
À
certains moments du Salon, dans certaines allées, la foule était tellement
dense qu’il fallait jouer du coude. Tous
ces gens, plus de 100 000 visiteurs,
attirés ici par le plaisir de lire!!!
Oui, ça va mal dans l’industrie du livre, oui, ce marasme nous pèse, mais NON!!!! le
livre n’est pas mort! Loin de là!