vendredi 8 janvier 2010
41 coups
Je suis tombée sur cette histoire tout à fait par hasard. Ou peut-être qu’il n’y a pas de hasard.
Je n’ai pas de raison spéciale d’en parler ici. Ce n’est pas un anniversaire. Il n'y a rien de nouveau à signaler. Les événements datent de plus de dix ans. Mais l’histoire m’a agrippée, aussi sûrement qu’une truite qui se fait accrocher un hameçon dans la gueule.
La façon dont j’ai découvert cette histoire est une histoire en soi. Je vous la raconte vite, vite (l’histoire qui compte ici étant celle d’Amadou) car je ne cesserai jamais de m’étonner des rencontres déroutantes que suscite le Web.
Alors voici. J’ai écrit une nouvelle, sur commande, pour un magazine destiné aux 8 à 10 ans.
Dans cette courte histoire, j’avais nommé l’un des personnages, d’origine africaine, Idrissa Diallo. La responsable du magazine m’a demandé de modifier le prénom pour éviter que les lecteurs s’imaginent qu’Idrissa était une fille. Pas de problème. Je rebaptise donc mon personnage Amadou Diallo. Spontanément, sans même réfléchir à la raison, je pitonne le nom Amadou Diallo sur Google. Et c’est comme ça que je suis tombée sur l’histoire d’Amadou.
J’ai tout de suite compris que je ne pouvais pas appeler mon personnage Amadou Diallo.
Impossible.
Et je me suis demandé sur quelle planète je vivais en 1999 pour avoir raté cette histoire.
Au mauvais endroit, au mauvais moment
Amadou Diallo, originaire d’Afrique de l’Ouest, était vendeur de gants et de chaussettes dans les rues de Manhattan. Le soir du 4 février 1999, le jeune homme de 23 ans rentrait dans son appartement du Bronx lorsqu’il a été interpellé par quatre policiers en civil, à la recherche d'un violeur. Les policiers ont tiré 41 coups sur Amadou Diallo. 19 balles l’ont touché.
Amadou ne portait pas d'arme et n'avait pas de casier judiciaire. Il a été assassiné parce qu’il était Noir. Parce qu’il vivait dans le Bronx. Parce qu’il avait une vague ressemblance avec un criminel.
Les quatre policiers, tous blancs, ont été jugés et acquittés par un jury de douze personnes (huit blancs et quatre noirs). Cet acquittement a suscité de nombreuses manifestations et protestations. La ville de New York a fini par dédommager la famille d’Amadou, en lui allouant 3$ millions, somme qui a permis de démarrer une fondation en la mémoire d’Amadou.
Sur la rue Wheeler, où habitait Amadou, on a créé une murale de 18 pieds, devenue un arrêt incontournable pour les circuits de touristes, au même titre que la statue de la Liberté ou Ground Zero.
La mort d’Amadou Diallo a inspiré de nombreux artistes. À commencer par les caricaturistes, qui ont dénoncé le racisme avec des œuvres coup de poing, certaines criantes d’ironie, d’autres bouleversantes de vérité.
La mort d’Amadou Diallo a aussi inspiré plusieurs chanteurs: Wyclef Jean, Youssou N’Dour, Bruce Springsteen et d’autres encore, ont composé des chansons dénonciatrices.
Oh! qu’elle donne le motton, cette chanson de Springsteen, avec ce leitmotiv qui hante : 41 shots… 41 shots… 41 shots…
Je me suis demandée pourquoi la murale? Pourquoi les chansons? Pour quelle raison est-ce que cette mort fascinait à ce point Monsieur et Madame Tout-le-Monde, les touristes et les artistes?
Je n’ai pas de réponse. Mais ça me réconforte de savoir que des gens continuent de se sentir intéressés, interpellés et consternés par l’injustice. Et je me réjouis de connaître un autre bel exemple d’une situation où l’art, non seulement émeut ou éblouit, mais dénonce aussi.
Labels:
C'est ça la vie
mardi 5 janvier 2010
Transformer les déchets en jouets
Le Gigueux, créé par une élève de l'école de l’Île d’Orléans
J’ai un côté frugal que je cultive comme je peux. À chaque année, je réalise à quel point je la trouve accablante, l’incontournable obligation de Noël, cette détestable course aux cadeaux. Et à quel point je trouve déprimante la surconsommation, qui est le corollaire inévitable de ce sprint aux bébelles.
Pour cette raison, j’adore le concours, à la fois modeste et ambitieux, organisé depuis près de deux décennies par Oxfam Québec et sa division jeunesse, le Club 2/3, qui mène un fabuleux travail de sensibilisation au développement.
L’idée est simple mais formidable: fabriquer un jouet à partir de matériaux récupérés. Se triturer les méninges pour transformer un bout de tissu, un morceau de carton, un fragment de métal… en un jeu.
Faire du neuf avec du vieux m’a toujours attiré. Ce geste me semble à la fois créateur et porteur. J’en ai d’ailleurs fait le thème de cet album.
Super Wouff, créé par deux élèves de l'école de la Baie-Saint-François
La beauté de ce concours de jouets, c’est qu’il permet aux jeunes de 6 à 19 ans d’aiguiser leur imagination, de développer leur inventivité autrement qu’avec un Ipod Touch ou une console Wii… Ça leur fait découvrir les 6R. Et avec un peu de chance, ça stimule leur conscience environnementale. Ce n’est pas rien.
La cerise sur le sundae? Cette exposition gratuite, joliment intitulée Déchets d’œuvres. Suffit de se rendre au Biôdome pour y admirer plus d’une centaine de jouets fabriqués par des jeunes du Canada, du Bénin, du Burkina Faso, du Paraguay, du Pérou, du Nicaragua et du Vietnam. Jusqu’au 7 mars 2010.
Ceux qui ne peuvent se rendre sur place peuvent admirer virtuellement les jouets conçus par les gagnants, d’un clic ici.
Labels:
Vive les profs
dimanche 3 janvier 2010
Irrésistible et monstrueuse pieuvre
Je l’avoue, sans fausse honte, j’adore le début de l’année, justement parce qu’on peut y prendre de bonnes résolutions. J’aime que le possible s’ouvre devant moi, vierge, pétri d’espoir, bourré de potentiel inexploré...
Étant l’une de celle qui joue (et se bataille) constamment avec les mots, qui confronte sans cesse la page blanche (symbole ultime de l’éternel recommencement), je ne peux faire autrement qu’aimer tourner une nouvelle page. Je me plais dans l’excitation des nouveaux départs, dans la joie des débuts ardents... J’aime penser que je peux encore changer, me réformer, m’améliorer, me bonifier, me dépasser… Je ne vois pas les résolutions comme un boulet mais comme un cerf-volant qui me tire vers le haut…
Voici donc mes résolutions pour 2010. Je les étale sur la place publique, sans fausse pudeur.
Et je vous donne la permission de me relancer, dans deux jours, deux semaines ou deux mois.
- Pis, tes résolutions? Les tiens-tu?
Résolutions pour 2010 :
- Rire plus souvent.
- Manger du chocolat moins souvent.
- Accélérer mon rythme d’écriture pour mieux progresser dans mes manuscrits entamés.
- Ralentir mon rythme de croisière pour mieux jouir des petites choses de la vie.
Et la dernière résolution, celle qui sera la plus douloureuse, la plus difficile, la plus corsée. Mieux résister au chant de sirène du Web, me dégager davantage, plus souvent et plus longtemps de son emprise tentaculaire. De sa chaîne sans fin de liens envoûtants.
Pour une travailleuse autonome de mon espèce, qui passe la journée devant l’ordinateur, la Toile peut facilement se transformer en fléau. Comme des millions d’autres l’ont constaté avant moi : l’Internet peut facilement devenir l’ennemi de la productivité.
Saviez-vous que si l’on vérifie son courriel à chaque cinq minute, ça veut dire 24 000 fois par année?
Et 24 000 fois par année, ça équivaut sans doute à 5 ou 6 chapitres d’un roman. Pour m’amuser (ou me fortifier dans ma résolution) j’ai inscris dans Google les mots suivants: «time wasted on the internet». Il y a 1 630 000 pages sur le sujet. Je ne suis donc pas la seule à me battre avec cette irrésistible et monstrueuse pieuvre…
Le Web, pour moi, ça devrait être comme le Pinot ou le Godiva. Bon en modération. Maudite modération.
Voilà. Je vous ai révélé mes défauts et mes aspirations.
Et les vôtres, vos résolutions?
Labels:
C'est ça la vie
S'abonner à :
Messages (Atom)