jeudi 20 juin 2013

Voilà un éditeur qui n’a pas le « cœur en chômage »




C’est une habitude (pas toujours bonne), une sorte de sport (pas très sain) ou même parfois un automatisme…  pour les auteurs de se plaindre de leurs éditeurs.  Ces dernier temps, les décibels des geignements et jérémiades ont monté en flèche, à cause de cette période houleuse-et-douloureuse  que traverse le milieu du livre.   

Les plaintes des auteurs à l’égard des éditeurs sont aussi nombreuses que diverses :
  •  Ils prennent trop de temps à répondre à nos courriels.
  •  Ils ne répondent pas à nos courriels.
  • Ils ne donnent pas d’à-valoir.
  • Leurs à-valoir sont pathétiques.
  • Ils négocient durement les droits numériques.
  • Ils sont pingres sur le marketing de notre « œuvre »
  • Ils sont chiches sur les frais d’hébergement dans les salons du livre.
  • Ils ne comprennent pas vraiment notre « œuvre ».

Et j’en passe.
Donc, pour moult auteurs, même pour ceux qui apprécient-aiment-ou-adorent leur éditeur, subsiste toujours ce désir secret de voir l'éditeur en question se montrer plus généreux. 

Eh ben récemment, j’ai eu le plaisir de voir à l’œuvre un éditeur renommé pour sa générosité.  Je l’ai pris – cet éditeur -  en flagrant délit de magnanimité.  Comme je ne publie pas dans sa maison, je peux raconter librement l’épisode sans qu’on me traite de lèche-bottes.

Lors d’un récent souper impromptu à Montréal, avec quelques auteurs jeunesse, cet éditeur a été invité. C’est pour vous dire à quel point il est apprécié (z’en connaissez beaucoup vous, des éditeurs qui vont manger avec des auteurs???  Et je ne parle pas d'un repas-pour-discuter-boulot, mais bien d'un repas partagé simplement pour le plaisir...)

Bref,  durant ce souper, une des auteures taquine l’éditeur en lui rappelant qu’il a refusé un de ses manuscrits, mais qu'il a adouci sa lettre de refus avec l’envoi d’un livre. Et moi de m’exclamer, incrédule : « Hein? C’est pas vrai! Un éditeur qui envoie un livre avec une lettre de refus!  Du jamais vu!!! »

Et l’éditeur en question, Robert Soulières, pour ne pas le nommer, répond :  « Ben oui, j’envoie souvent des livres avec des lettres de refus.  Surtout aux auteurs qui débutent, pour les encourager. »  

Combien d’éditeurs prennent le temps de rédiger des lettres de refus?  Et d’envoyer un livre en sus, en guise de consolation!  Je parie que c'est dans le très rare.

En 1998, Robert Soulières a gagné le prix Christie en 1998 pour son roman Un cadavre de classe. 
De la classe,  Soulières en à revendre.   


Est-ce parce qu’il est auteur lui-même que cet éditeur démontre une si belle empathie à l'égard des écrivains? Si tous les éditeurs étaient aussi des écrivains, l'édition s'en porterait-elle mieux? 
 
Comme éditeur, Soulières est un chercheur  d’étoiles (littéraires).  Par sa bonté (coucou Colombe…), il allume aussi des étoiles dans les yeux des écrivains-en-devenir. 


Mais l’histoire ne s’arrête pas là. 
À ce même souper se trouvait une jeune femme (qui par hasard était ma sœur…) qui travaille pour l’organisme Hippy-Québec.

Ma sœur donc raconte les activités de Hippy auprès des enfants d’âge préscolaire à Robert Soulières, qui écoute poliment. En coordonnatrice zélée, elle lui refile même sa carte d’affaires à la fin de la soirée.  Quelques jours plus tard, ma soeur reçoit, au bureau de Hippy-Québec, une enveloppe de livres de Soulières éditeur,  destinés aux enfants inscrits dans le programme. 

Robert Soulières a une qualité qu’on voudrait voir plus souvent, et pas seulement chez les éditeurs.  Cette qualité s'appelle le sens des autres.
Oui, vraiment, voilà un éditeur qui n’a pas le cœur en chômage
 
NDLRAux OSBL qui pourraient lire ce billet de blogue,  surtout n'envoyez pas votre carte d'affaires aux éditions Soulières.  L'homme a beau être généreux, il ne vit pas de l'air du temps...