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Pour quelle raison un petit garçon voudrait-il faire pleurer son papa?
Oui, dites-moi, pour quelle raison?
Je me suis creusé les méninges pendant plusieurs semaines pour la trouver cette raison.
Mais commençons par le début.
Je croyais avoir terminé mon nouvel album, le troisième de la trilogie. Cette histoire devait succéder aux deux précédentes :
Mon papa ne pue pas et
Mon papa n’écoute pas.
Je croyais avoir rédigé la fin de cette
histoire, mais ça c’était avant de la faire lire à une amie auteure. Une excellente
lectrice, doublée d’une critique impitoyable. Comme je les aime.
Et ma lectrice me dit : il manque un élément important dans ton texte. On ne comprend pas la motivation du garçon. Pourquoi veut-il absolument faire pleurer son père?
Et j’ai cherché.
Cherché.
Cherché.
Pourquoi le garçon veut-il faire pleurer son père?
Parce qu’il est curieux?
Pas convaincant.
Pour le consoler?
Pas convaincant.
Pour voir si son papa a des émotions?
Pas convaincant non plus.
Comme je ne trouvais pas, j’ai fourré le manuscrit dans un tiroir et je l’ai laissé s’empoussiérer.
Puis, au Salon du livre de Montréal, j’ai placoté de cette embûche avec l’énergique adjointe à l’édition chez Isatis. En plus d’être une passionnée de littérature jeunesse, d’avoir l’esprit vif et la curiosité aiguisée, la dame
Rhéa a étudié en psychologie. Elle l’avait le bagage pour me débloquer mon blocage. Elle me lance comme ça, tout bonnement: « Le garçon veut que son papa pleure, car il veut pouvoir lui-même pleurer sans se faire dire: « Un homme, ça ne pleure pas. »
Tope là! Heureusement que Rhéa est là!
Après avoir colmaté cette grosse brèche dans mon intrigue et renforcé ainsi le profil psychologique de mon héros, j’ai balancé de nouveau mon manuscrit dans l’arène de mes amies-critiques. L’une
d’entre elles m’a suggéré une rigolote idée pour éviter de pleurer en épluchant des oignons. La
deuxième m’a souligné en rouge les passages kétaines. La
troisième m’a fermement rappelé à l’ordre quand je sombrais dans la « psycho-pop ».
Non mais qu’est-ce que je ferais sans mes lectrices??? On dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Je dis aussi qu’il faut un cercle de lectrices/critiques pour terminer un manuscrit en beauté.