
Depuis longtemps, je fais passer mon confort avant mon élégance. Ce qui explique que j’ai toujours été mal fagotée (au grand désespoir de ma mère). Je suis l’antithèse de la carte de mode. Ce qui m’a frappé chez les Cubaines, ce sont les sacrifices (pour ne pas dire les supplices…) qu’elles endurent au nom de la mode.
La blouse qui boudine
D’abord, les vêtements. De nombreuses Cubaines achètent leurs fripes une taille trop petite. Des pantalons serrés à vous rendre stérile. Serrés à vous enlever toute envie de vous asseoir. Des blouses qui boudinent le haut du corps et lui donnent l’allure peu aguichante d’un saucisson. Des camisoles avec des bretelles spaghetti d’où les seins pendent et débordent.
Je me suis sentie plutôt inélégante dans mon short/chemisette en nylon de Royal Robbins, infroissable, lavable et sec en cinq minutes.
Inélégante oui, mais oh combien confortable!
Ces talons traîtres qui font tituber
Des talons des Cubaines, on peut dire que ce sont les talons parfaits pour faire tituber.
C’est qu’elles sont nombreuses à les porter, ces talons aiguilles et ces talons hauts.
Et pas juste hauts.
Vertigineusement hauts.
Dangereusement hauts.
Avec ces traîtres talons, bonjour les entorses.
Ou les foulures qui nous guettent à chaque trou de trottoir… et dieu sait que les trottoirs délabrés de Cuba sont un péril constant pour les piétons.
Je me suis sentie plutôt inélégante dans mes espadrilles.
Inélégante oui, mais oh combien confortable!

Comment font-elles pour se gratter le nez?
Mais plus que les fringues trop moulantes et les talons trop hauts, ce sont les ongles des Cubaines qui m’ont fasciné. Le mot griffe ici est trop timide pour décrire ces longs fragments pointus de plastique bariolé. Oh, les redoutables faux ongles des Cubaines. Chaque fois que j’en voyais une paire, je ne pouvais m’empêcher de les dévisager, ahurie devant ce qui me semble un excès de coquetterie.
Si on ne se fie qu’à leurs ongles, les Cubaines sont des princesses qui ont le loisir de se prélasser à longueur de journée. Avec des ongles d’une longueur aussi extravagante, impossible de se peler une orange, de faire la vaisselle ou même de taper sur un clavier…
Et je n’ose même pas penser à ce qui se passe au moment où elles vont au petit coin et doivent se servir du papel hygienico…
Ces fameux faux ongles, j’en ai vu de toutes les couleurs. Bariolés, burlesques et décadents. Avec des motifs de fleurs en relief, comme des coraux miniatures collés directement sur l’ongle.
À l’hôtel, la réceptionniste nous a dit : « L’artiste peint les fleurs à la main. Je change le dessin tous les 20 jours.»
Chaque fois que je demandais si je pouvais prendre une photo de leurs ongles, les Cubaines les étalaient avec fierté. Aucune ne s’est plainte des inconvénients.

J’ai regardé mes ongles, qui n’ont pas vu de vernis depuis mes années de secondaire, mes ongles que je garde invariablement très courts (le clic clic des ongles sur le clavier m’agace).
Mes ongles ont autant d’élégance que ceux d’un fermier… Inélégants oui, mais oh combien confortables!
N’est-ce pas fabuleux de pouvoir se gratter le nez sans crainte de se l’écorcher?