Aujourd’hui, mon
journal devient centenaire. Hé oui, le quotidien LeDroit a été publié pour la
première fois le 27 mars 1913. Si je dis « mon » journal, c’est que
LeDroit occupe depuis longtemps une grande place dans ma vie.
Tout a commencé alors
que j’étais encore une fillette avec des couettes. À cette époque, LeDroit était un journal « du
soir » et arrivait donc chez les abonnés en fin de ma journée. À mon retour de l’école, je voulais raconter
ma journée à ma mère qui elle n’avait qu’une envie : lire son Droit. Elle me répondait donc par des « hanhans »
distraits ou ne me répondait pas du tout.
Je me souviens d’avoir été vaguement jalouse de cette gazette qui me
volait ma mère…
Je dois au Droit
mes trois carrières. La première :
celle de journaliste. Après quelques
années à Montréal comme rédactrice d’une revue de quincaillerie (oui, oui, ça
existait vraiment!), j’avais envie de journalisme plus « glamour ». J’ai donc été ravie d’avoir été embauchée
comme journaliste au Droit, d’autant plus que ce nouveau poste me permettait de
revenir dans mes terres (l’Ontario français) après des études à Québec et un
passage dans la métropole.
Au Droit, j’ai
appris à écrire vite, de façon claire, concise, précise et sans fioriture. D’abord affectée au palais de justice, j’ai
été bouleversée en couvrant un procès pour viol, où j’ai découvert que la
justice était parfois aveugle… J’ai vite
compris que je n’étais pas douée pour les faits divers. Au Droit, j’ai affiné l’art de poser des
questions, mes entrevues les plus mémorables étant celles de Robert Labine, Dany Laferrière, Denise Bombardier, John
Ralston Saul, d’un naturiste (en costume d’Adam) et de Rose Ndayahoze, dont la
vie fut détruite par le génocide au Burundi.
Le Droit m’a
lancé dans ma deuxième carrière : le développement international. C’était alors la belle époque du quotidien de
la rue Rideau : nous étions une cinquantaine de journalistes dans la salle
des nouvelles et on nous libérait pour nous permettre de travailler sur des
séries. Le grand luxe. Grâce à une
bourse de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, j’ai passé deux mois en
Inde, à rédiger une série d’articles dans
le cadre de l’Année internationale des sans-abris. Je me suis fait refuser une
entrevue par Mère Térésa mais comme je tenais absolument à rapporter dans mes
bagages de la matière pour un article,
je suis allée faire quelques jours de bénévolat à Kalighat, premier mouroir fondé par Mère Térésa à Calcutta.
C’est en
découvrant Dharavi, l’un des plus grands bidonvilles d’Asie, que j’ai trouvé ma deuxième carrière : le
développement international. LeDroit m’a
donc amené à l’Agence canadienne de développement international où, pendant près d’une décennie, j’ai travaillé à
ce rêve immense et impossible, noble et utopique : soulager la pauvreté
dans le monde.
Le quotidien
fondé par les Oblats m’a aussi lancé dans ma troisième carrière : celle
d’écrivaine. Car même après avoir quitté
LeDroit pour la fonction publique fédérale,
j’ai continué d’y collaborer, pendant une douzaine d’années, comme critique
littéraire. Pour LeDroit, j’ai lu,
recensé, critiqué, encensé, des centaines de livres. À force de lire la fiction des autres, j’ai eu envie d’en créer moi aussi. Après le
journalisme et le développement international, j’ai donc sauté dans ma
troisième passion : la littérature.
Là encore, j’ai
une grande dette de gratitude envers LeDroit, qui au cours de la dernière
décennie, a généreusement honoré mes bouquins, en m’accordant trois fois son
prix littéraire jeunesse en plus de deux mentions honorables.
LeDroit a été
créé pour défendre les Francophones
de l’Ontario, menacés par l’infâme Règlement XVII qui faisait de l'anglais la langue
d'enseignement dans toutes les écoles de la province. Pour moi qui suis née en Ontario et qui y ai passé les 18
premières années de ma vie, si le Droit n’avait pas existé, I
would be speaking English today.
« Mon » journal n’a pas été épargné par la
crise mondiale qui mine la presse écrite. Aujourd’hui, LeDroit est plus petit,
plus maigre, plus pauvre et plus fragile qu’à l’époque où j’y ai travaillé. N’empêche,
je trouve fabuleux que ce quotidien francophone en
Ontario ait survécu pendant cent ans alors que tant d'autres journaux ont succombé
et fermé leurs portes.
Merci au Droit
d’être là.
Merci au Droit de continuer d’appliquer sa devise si bellement combative: L'avenir est à ceux qui luttent.
Merci au Droit de continuer d’appliquer sa devise si bellement combative: L'avenir est à ceux qui luttent.