jeudi 10 avril 2014

Quand l’ordinateur meurt…




Mon premier réflexe, au réveil, est d’allumer l’ordinateur. Hé oui, même en voyage, même au Sénégal... Prendre des nouvelles de la famille, d’un client, d’un éditeur, de la dégringolade du PQ, de l’Ukraine. Me brancher sur le monde. Puis, un matin, sur l’île de Saint-Louis, voilà que mon ordinateur meurt. Pile à plat et adaptateur oublié dans ma valise, à Thiès. Impossible de recharger le Toshiba, impossible de me brancher.

Je m’installe donc sur mon balcon, au deuxième étage de l’hôtel. Stylo en main, carnet sur les genoux, j’observe le dimanche matin des Saint-Louisiens. De mon balcon, je vois tout et rien, du joli et de l’anodin.
Je vois :
  • Une fillette acheter cinq baguettes au kiosque du coin, cinq pains presque aussi longs qu’elle.
  • Deux hommes qui palabrent paisiblement en wolof.
  • Une chèvre qui grignote un morceau de carton.
  • Une gougoune rouge, abandonnée au milieu de la rue.
  • L’océan, bleu luisant et fringant, au bout de ma rue.
  • La vie qui coule, lente et ordinaire, suave et frémissante, un dimanche matin ensoleillé sur l’île Saint-Louis. 
Quand mon ordinateur meurt, je peux renaître à la vraie vie.

mardi 8 avril 2014

Même si toutes les mers étaient de l'encre, ça ne suffirait pas...


Photo: la Porte du voyage sans retour, qui donne sur la mer, dans la Maison des esclaves.

Sur la petite île de Gorée, en face de Dakar, là où se trouve la Maison des esclaves, là où des milliers d’Afro-Américains viennent chaque année en pèlerinage, j’ai écouté le conservateur raconter des horreurs innommables, détailler la cruauté humaine dans ce qu’elle a de plus extrême, de plus laid. J’ai écouté avec intérêt, mais sans émotion. Pourtant, les images du film 12 years a slave m’ont bouleversée et m’ont hantée pendant des jours.

Le conservateur de la Maison des esclaves nous a raconté les atrocités que l’on connaît déjà : les enfants arrachés à leur mère, les viols des femmes, la faim, les fers, les coups de fouet, les corps jetés aux requins, etc. Il nous a aussi raconté l’anecdote de Nelson Mandela, qui a passé quelques minutes dans la Cellule des récalcitrants, une minuscule cellule au plafond très bas, conçue pour empêcher les hommes de se mettre debout. Mandela en serait sorti les larmes aux yeux.

Plus que le récit de ce catalogue d’horreurs, c’est une simple plaque sur le mur qui m’a émue. Une plaque sur laquelle on peut lire une phrase, très courte, très simple mais si lourde de sens.

« Même si tout le ciel était fait de papier et toutes les mers étaient de l’encre, je serais incapable de décrire la brutalité de la traite des esclaves. »
                     William Bosman, marchand d’esclaves. 1701.