vendredi 10 avril 2009

Quand le silence survient après la guerre



Voici les livres dont je parlerai demain matin, entre 9h30 et 11h, à ma chronique littéraire aux Divines Tentations.

Les filles, Lori Lansens Traduction de Lori Saint-Martin et Paul Gagné, éditions ALTO.

Catalogue de parents pour les enfants qui veulent en changer. Claude Ponti - École des Loisirs.

Six milliards d’Autres. Yann Arthus-Bertrand. Éditions de La Martinière.

Le cerveau de Kennedy. Henning Mankell. Éditions du Seuil.

Prix pour le paragraphe d'introduction le plus coup-de-poing à Les filles. Si votre budget ne vous permet que d’acheter un seul roman cette année, je vous conseille celui-ci, qui raconte l’histoire ordinaire et extraordinaire de jumelles jointes à la tête.
« Je n’ai jamais regardé ma sœur dans les yeux. Je n’ai jamais pris mon bain toute seule. Je n’ai jamais tendu les bras vers une lune ensorceleuse, la nuit, les pieds dans l’herbe. Je ne suis jamais allée aux toilettes dans un avion. Je n’ai jamais porté de chapeau. On ne m’a jamais embrassé comme ça. Je n’ai jamais conduit une voiture. Ni dormi d’une seule traite du soir au matin. Je n’ai jamais marché en solitaire… »

Prix pour la postface la plus révélatrice, celle d’Henning Mankell dans Le cerveau de Kennedy. Dans ce thriller existentialiste, l’auteur suédois dénonce avec véhémence la crise du VIH-SIDA en Afrique.
« Enfin, un roman peut s’achever à la page 212 ou 384, mais rien n’arrête le cours de la réalité. Ce que j’ai écrit ne dépend que de mes choix personnels, de la même façon que la colère qui m’a poussé à écrire n’appartient qu’à moi. »

Prix pour la plus poétique description de parents solitaires de Claude Ponti. Dans son nouvel album format géant, ce créateur à l’imaginaire abracadabrant propose différents types de parents aux enfants qui voudraient changer les leurs.
« Parents tendres et bougons, les solitaires sourient plusieurs fois par jour. Ils vivent loin des autres, dans des nids d’aigles ou des perchoirs à nuages. Ils sont les meilleurs cartographes des pays imaginaires. Ils se promènent souvent sur les bords de l’univers. Ils lisent dans les gouttes d’eau. (…) Les solitaires sont des parents qui trouvent un grand bonheur à partager des secrets incroyables avec les enfants, à leur raconter les histoires interminables qu’ils voient par-delà l’horizon, dans les brumes bleues des lointains confins.

Prix pour la plus bouleversante description du silence, dans le documentaire Six milliards d’Autres.
Tsatsita, une jeune femme qui a connu la guerre civile en Tchétchénie, répond à la question : qu’est-ce que le bonheur?
« C’était le 15 ou 16 janvier, je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui. Tout d’un coup, c’était le silence absolu. Plus d’avions, plus d’explosions, on pouvait de nouveau tout entendre. Je me rappelle être remontée de la cave pour me retrouver dehors, et j’ai vu une énorme lune; c’était la pleine lune et, associée à ce silence, c’était vraiment sublime. Alors je me suis dit que si la huitième merveille du monde existait, ce devrait être celle-ci : quand le silence survient après la guerre. Même si ça dure, une, deux ou dix secondes, le silence, c’est trop beau. »

jeudi 9 avril 2009

Lire les auteurs qui sont au cimetière



Suis allée hier soir écouter une conférence de Jacques Godbout, à la Bibliothèque de Gatineau. Alerte, l’œil vif et la pointe d’humour acérée, le père de Salut Galarneau ne fait pas du tout ses 75 ans.

Plutôt que de nous raconter son parcours de romancier-poète-essayiste-cinéaste-chroniqueur-alouette, il a répondu aux questions de l’auditoire. Le résultat était un peu décousu mais pas du tout fade. Voici quelques morceaux juteux :

Sur la lecture :
Godbout aime lire les auteurs qui sont au cimetière. La logique derrière cette préférence? Comme ce sont souvent les meilleurs livres de ces écrivains qui survivent à l’oubli, on risque moins de tomber sur un navet. L’auteur des Têtes à Papineau a cependant avoué qu’il n’avait jamais lu Marcel Proust, malgré les reproches de son ami Denys Arcand qui lui dit que ça manque à sa culture. « Proust me fait bailler », a décrété Godbout.

Sur l’inspiration :
Pour Godbout, l’écriture d’un nouveau livre commence dans la culpabilité : celle de ne pas écrire. Lire un bon livre lui donne envie d’en écrire un.

Sur la mécanique de l’écriture :
Lorsqu’il écrit, Jacques Godbout met tout de côté pour concentrer sur le manuscrit en cours. Il travaille de 7 heures du matin à 13h de l’après-midi, sept jours par semaine, jusqu’à ce qu’il ait terminé le dit livre. « Je ne peux pas écrire et répondre au téléphone ou sortir avec des amis », a-t-il expliqué. Et si on tente de le distraire, il se fâche.

Sur son succès :
Godbout explique avec modestie son succès d’écrivain. « Je suis né au bon moment », dit-il simplement. Quand il a publié ses premiers livres, dans les années 60, les Canadiens-français publiaient alors tellement peu que chaque création recevait énormément d’attention.
« Pour un écrivain qui commence aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile de faire sa marque », reconnaît Godbout. Il a donné quelques chiffres éloquents. Lorsqu’il a participé à la création de l’Union des écrivains québécois (UNEQ) en 1977, l’objectif était d’avoir 50 membres. L’UNEQ en compte aujourd’hui près de 1 400. Pas moins de 900 écrivains seront présents au Salon du livre de Québec, dont Godbout est d’ailleurs le Président d’honneur.

Sur son nouveau bouquin:
Il nous a lu un extrait de son plus récent bouquin, Autos biographie, illustré par son gendre, Rémy Simard. Le passage choisi raconte une de ses désopilantes mésaventures à bord d’un camion militaire de l’armée canadienne, en compagnie de son ami Pierre Bourgault.

mercredi 8 avril 2009

Rien de mal à copier une idée géniale

Il n’y a rien de mal à copier une idée géniale. Surtout quand elle est simple comme bonjour, captivante, pleine de potentiel et riches en possibilités. Voici donc, juste pour vous, une idée simple mais formidablement astucieuse à faire connaître ou à imiter.

L’idée vient de Mireille Cléroux, qui enseigne à l’école Lamoureux, d'Ottawa. Cette enseignante futée a trouvé une façon originale de souligner l’anniversaire de ses élèves durant l’année scolaire. À la rentrée des classes, elle demande à chaque parent de lui apporter un livre emballé que son enfant ouvrira le jour de son anniversaire.

Le jour de sa fête, l’élève déballe son cadeau devant la classe et a ensuite le privilège de se faire lire le livre (ou un chapitre du livre), à haute voix, par l’enseignante.

«Les élèves adorent ce moment qui leur est entièrement consacré. J'ai même remarqué que certains enfants ont pris goût à la lecture après avoir reçu leur livre en cadeau. Pour certains, c'est la première fois qu'on leur offre le plaisir de la lecture et ils sont très fiers de retourner à la maison avec leur livre », raconte l’enseignante.

Prévoyante, Mme Cléroux a même des stratégies pour les enfants dont l’anniversaire tombe en juillet/août (choisir une date au hasard du calendrier) et pour ceux dont les parents « oublieraient » d’apporter le cadeau (elle a une réserve de livres pour ne pas priver un élève de son cadeau-lecture).

Cette idée fabuleuse a plusieurs retombées bénéfiques : éviter d’offrir des bébelles de Dollorama ou des sucreries propices aux caries, montrer qu’un livre peut faire un cadeau excitant, faire découvrir un nouveau livre, un nouvel auteur, titiller le goût de lire chez les autres élèves, etcétéra…

Bon, maintenant que je vous ai raconté cette idée toute simple mais géniale, allez hop, empressez-vous de la répandre, de la faire connaître, de l’imiter… Vous pouvez même vous inspirer de la lettre aux parents écrite par Mme Cléroux et qui se trouve ici.

lundi 6 avril 2009

Un discours qui vaut le détour



En juin dernier, J.K. Rowling, la célébrissime auteure du non moins célébrissime Harry Potter a prononcé un discours très émouvant lors de la réunion annuelle des anciens de l’Université Harvard. Avec une franchise désarmante, elle a parlé des bénéfices marginaux de l’échec et de l’importance de l’imagination.
Sur l’échec :
La séduisante multimilliardaire a parlé franchement de ses années douloureuses, avant le succès homérique de sa série, alors qu’elle était chômeuse et monoparentale. À cette époque, J.K. Rowling était convaincue que sa vie était ratée. Cet échec lui a cependant permis de découvrir qu’elle avait plus de volonté et de discipline qu’elle ne soupçonnait. La vie est compliquée et on ne peut pas tout contrôler, affirme-t-elle avec une modestie touchante. Avoir l’humilité de reconnaître cette simple vérité permet de survivre aux vicissitudes de la vie.
Sur l’imagination:
Avant de devenir écrivain, J.K. Rowling a travaillé pour Amnistie Internationale, une expérience qui l’a profondément marquée. Elle a été épatée de voir des milliers de gens se mobiliser pour défendre les gens emprisonnés et torturés, alors qu’eux-mêmes n’avaient jamais été emprisonnés ou torturés. Elle a admiré tous ces gens ordinaires qui se sont mobilisés pour sauver des gens qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils ne connaîtraient jamais. Elle a été impressionnée de constater comment le pouvoir de l’empathie pouvait mener à l’action collective et à sauver des vies. Tout ça grâce à l’imagination. Pour la mère d’Harry Potter, l’imagination a le fabuleux pouvoir de nous faire éprouver de l’empathie pour des personnes dont nous n’avons jamais partagé les expériences. Elle conclut son discours en disant: « Pas besoin de magie pour changer le monde. On a tous les pouvoirs nécessaires à l’intérieur de soi-même. On a le pouvoir d’imaginer mieux. »
En plus de ces perles de sagesse, J.K. Rowling pratique l’auto-dérision, fait rire son auditoire avec plusieurs touches d’humour bien placées, le tout livré avec un charmant accent bien british ma chère. Incontestablement, voilà un discours qui vaut le détour. On peut l’écouter ou le lire ici .