Le canot-lecture de Caroline
D’abord :
-
L’enseignante invite une auteure
à son école, une auteure-qui-vient-de-loin, elle organise tout, les
vérifications d’usage avec la bibliothécaire, l’achat des livres de l’auteure,
le budget, les horaires pour neuf animations sur trois jours, les affichettes
postées dans tous les corridors de l’école… ouf, ouf, ouf.
Précisons que :
-
L’enseignante n’a pas de
subvention du MELS pour faire venir cette auteure-d’ailleurs, elle n’a que les
sous de la Fondation de l’école,
vaillamment ramassés par les parents.
Alors :
-
L’enseignante décide d’inviter
l’auteure-venue-d’ailleurs à dormir chez elle, question d’étirer son budget,
d’offrir des animations à toutes les classes de l’école et même d’avoir un peu
de $$$ en surplus pour acheter des livres de l’auteure.
Ce qui fait que :
-
Elle se précipite avec son
conjoint (un saint homme) pour faire le ménage, le lavage, l’époussetage, préparer la chambre d’amis, etcétéra. Tout ça
avant l’arrivée de l’auteure qui elle-même (avouons-le) n’a jamais été très
zélée sur le ménage…
Tout ça alors que :
-
L’enseignante sort à peine de
la gestion de l’initiative Poètes itinérants, où les enfants sortent des écoles pour réciter
des poèmes dans un lieu public, dans le cadre du Festival international de la poésie de Trois-Rivières et qu’en plus l’enseignante a un travail de maîtrise à
remettre et quatre grands enfants qui demandent encore tout de même un peu d’attention
de leur maman.
Mais tout de même :
-
L’enseignante est en avance, au
terminus d’autobus, à 21 h 30, un dimanche soir, pour venir chercher cette
auteure-venue-d’ailleurs et l’installer dans sa maison, aussi douillette et
accueillante que sa propriétaire.
Et en plus :
-
L’enseignante se lève à 5 h 30 le
lendemain matin pour faire des muffins aux dates qu’elle sert chauds à
l’auteure qui a ronflé jusqu’à 7 h dans sa chambre d’amis.
Mais ça ne fait que commencer :
-
Car l’enseignante se précipite
à l’école pour finaliser les détails logistiques de la visite de l’auteure (on
va dans la bibliothèque ou pas?) et prend quand même le temps de raconter à l’auteure (bouche bée d’admiration) tous les projets
passionnants qu’elle organise pour sa classe de maternelle.
La perruche de Caroline
À cet égard :
-
Il existe une preuve bien concrète que
cette enseignante n’a pas peur d’innover et de se renouveler, car dans sa
classe se côtoient, en un joyeux désordre : un canot-lecture (fabuleuse idée!), une perruche, un
robot, un bac à sable (pour les « fouilles archéologiques » qu’elle
compte faire avec ses élèves de cinq ans, mais chut, ne le dites pas, c’est
encore un secret) et je ne vous parle même pas des 56 autres projets qu’elle a
pour ses élèves (dont ces pierres tombales qu’elle leur fait dessiner…) car on
serait là toute la nuit.
Le robot de Caroline
Puisque :
-
L’enseignante porte son cœur sur
la manche et qu’en plus, elle a une capacité d’écoute assez formidable, et que
l’auteure-venue-d’ailleurs avait eu le malheur d’avouer son péché mignon (un euphémisme
pour gourmandise éhontée) , l’enseignante rentre chez elle après sa journée à l’école
et prépare un pouding au chocolat absolument décadent qui cuit lentement dans la mijoteuse (merci Ricardo),
que l’auteure déguste en fin de soirée, les yeux fermés pour mieux savourer.
Et après tout ça :
-
L’enseignante a un dernier
délice à offrir à l’auteure-venue-d’ailleurs… elle l’envoie se coucher dans la
chambre d’amis avec une petite pile de livres, les albums préférés de l’enseignante,
qu’elle tire de sa grande bibliothèque bien garnie. Et l’auteure se trouve trop choyée parce que
ça fait au moins 40 ans qu’elle attend que quelqu’un l’envoie se coucher avec
des albums à lire. En fait, l’auteure est
si ravie qu’elle a envie d’embrasser l’enseignante, mais ne le fait pas de peur de la gêner.
Tandis que :
-
L’auteure-venue-d’ailleurs,
bien calée dans ses oreillers, se régale d’images et d’histoires, l’enseignante
reste à travailler dans sa cuisine, jusqu’à minuit, afin de faire le montage d’une
vidéo tournée dans la journée avec ses élèves, un petit film à expédier à une classe à l’autre
bout du Québec, pour initier un joli projet de correspondance. Et l’auteure, qui entend d'en haut les échos
lointains des voix d’enfants, se demande comment l’enseignante fait pour
préserver sa passion pour les projets et garder ainsi son ardeur de
petite-jeune-débutante malgré ses deux décennies en salle de classe.
D’autant plus que :
-
Le lendemain matin, l’enseignante
avoue qu’elle n’a pas très bien dormi, car elle s’inquiète pour un de ses élèves
qui vit des choses difficiles à la maison.
N’empêche que :
-
Voilà l’enseignante repartie
pour une autre journée chargée, la voilà repartie cette petite géante, cette
mini-tornade, avec son sourire si spontané, son énergie inlassable, sa
sensibilité à fleur de peau et sa titanesque générosité.
Devinez-ce que les enfants lisent dans le canot-lecture de Caroline?
Tout ceci étant dit :
-
Il faut que je rajoute une
dernière chose. Chère enseignante, chère Caroline Ricard, quand j'ai quitté l’école Jacques-Buteux, où vous rayonnez avec tant de gaieté et d’efficacité, je n’avais qu’un seul regret : ne pas
pouvoir retourner en maternelle pour m’asseoir dans votre canot et vous écouter
lire des albums aux enfants.