mardi 10 novembre 2009
La boue, ce « désespoir du soldat »
Cet automne, j’ai passé plusieurs jours avec un jeune Acadien dans la vingtaine. J’ai suivi Théodore Dugas dans les tranchées boueuses du nord-ouest de la Belgique, au cœur des combats les plus meurtriers de la Première Guerre mondiale. Plongée dans son journal de guerre, je l’ai suivi pendant quatre années aux champs de bataille, à travers le froid, la faim, la peur, à travers les obus, les camarades blessés ou déchiquetés par les bombes.
Bien qu’il ait été blessé à deux reprises, Théodore Dugas est retourné au combat, même si on lui avait offert un poste dans un bureau de l’armée. En septembre 1918, il est blessé une troisième fois. Cette fois, la balle traverse ses vertèbres dorsales. Paraplégique, le caporal est rapatrié au Canada, où il meurt après quelques mois de souffrances terribles.
Des carnets de guerre de Théodore Dugas, je devais choisir des extraits et rédiger des liens de narration pour un scénario de huit minutes, commandé par la CCN à l’occasion du Jour du Souvenir.
À la lecture des carnets du soldat Dugas, je n’ai pu faire autrement qu’admirer son stoïcisme. Malgré ses descriptions détaillées de la barbarie de la guerre, cet Acadien courageux ne se laisse jamais verser dans l’apitoiement.
Paradoxalement, un des passages qui m’a le plus émue, c’est quand le jeune caporal parle de la boue, l’omniprésente boue des tranchées. Cette boue, il l’appelle « le désespoir du soldat ».
Et je l’ai imaginé, ce jeune Dugas, pataugeant dans la boue, grelottant dans la boue, mangeant dans la boue, dormant dans la boue, se battant dans la boue, chiant dans la boue, pleurant dans la boue, traînant les blessés dans la boue, abandonnant les morts dans la boue. Et j’ai compris pourquoi cette maudite boue était le « désespoir du soldat ».
Si on forçait les armées modernes à vivre dans la boue quelques semaines, y compris les généraux – surtout les généraux! – la paix serait peut-être plus vite négociée.
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Ohhh, ça m'intéresse! Ses carnets de guerre ont été publié chez quel éditeur?
RépondreEffacerBonjour Allie,
RépondreEffacerLes carnets du Soldat Dugas ont été publiés (tirage limité) dans la Revue d'histoire de la Société historique Nicolas Denys. Sur le site web, il est indiqué qu'on peut, sur demande, acheter des numéros de cette revue. Voici leur adresse de courriel:
shnd@umsc.ca
Andrée
Tout a fait d'accord. Si les doigts blancs et les ongles immaculés des bureaucrates preneurs de décisions (au commandement !), étaient obligés de faire leur mois par année dans la boue, fort à parier que de la guerre, y en aurait moins.
RépondreEffacerMerci Andrée pour l'information! Je garde ce courriel en note!
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