mardi 4 août 2009

Avez-vous mangé votre riz aujourd’hui?


Si j’étais un paysage, je serais une rizière.

Tout au long de notre voyage, durant nos trajets en autobus et en train, j’ai passé de longs moments à contempler les rizières. Même si le développement industriel et urbain a fait baisser de façon draconienne la superficie des rizières en Chine (obligeant le pays à importer), le riz reste la céréale emblématique de ce pays.

Ces marées verdoyantes, ondulant dans le vent, c’était pour moi la quintessence de l’Empire du Milieu.

Ce qui me fascinait des rizières :
- La symétrie méthodique de ces grandes étendues cultivées.
- La concision des sentiers et des canaux qui ouvraient des sillons dans ce tapis lisse.
- Les cultures en paliers dans les montagnes, démonstration éloquente de l’art paysager, de l’ingéniosité et de la sueur humaine.
- L’éclat du vert sous les rayons glorieux du soleil de midi.
- La douceur du vert dans la lumière tamisée de fin de journée.


Le riz en Chine, c’est 10 000 ans d’histoire. En analysant au carbone 14 des grains de riz découverts lors de fouilles, on a établi qu’il était cultivé dès les années 8200 - 7800 avant J.C.


En regardant les travailleurs dans les champs de riz, certains portant le traditionnel chapeau de paille, j’ai pensé : les Chinois font ces gestes depuis des millénaires. Après les gratte-ciel de Shanghai et de Beijing, la Chine ancienne me semblait encore vivante dans les rizières… car la culture de cette céréale emblématique semble peu mécanisée. La routine d’un fermier chinois de 2009 reste sans doute assez semblable à celle d’un fermier de 1809…

Dans le passé, il était d'usage pour les Chinois de se saluer en disant: "Avez-vous mangé votre riz aujourd'hui?" Quelle façon élégante de dire bonjour, en exprimant illico son intérêt pour le bien-être de l’autre.


Contempler les rizières avait sur moi un effet hypnotisant. Avec leur aura d’ordre, de netteté, ces champs de riz étaient reposants à regarder. Je sais pourtant qu’il est éreintant d’y travailler. Que chaque étape de cette culture (plantation, repiquage, labourage, irrigation et récolte) amène son lot de sueur et de douleurs. «Back-breaking labor», comme disent les Anglais.

Je sais aussi que les fermiers qui y travaillent sont loin d’être riches. N’empêche. La vue de ces rizières si minutieusement entretenues offrait une impression d’ordre et d’harmonie, me donnait l’illusion d’un monde cohérent et serein, où le riz pousse paisiblement entre l’eau, le soleil et le bleu du ciel.

Si je pouvais être un paysage, je serais une rizière.


Toutes les photos sont de mon conjoint, Neale MacMillan.

2 commentaires:

  1. Que c'est bien dit et joliment raconté. Mais, si j'étais paysage, je serais mer et je demanderais "avez-vous mangé votre crustacé aujourd'hui?".
    Tu as fait mon sourire de la journée avec ce genre de question

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  2. Bonjour Claude,
    Ah... tu voudrais être mer... un psychologue pourrait s'amuser à analyser ça... La mer, c'est si vaste, si dramatique, un peu épeurant aussi, avec tous ces orages, nauffrages, épaves, requins et pieuvres et autres crustacés... Moins reposant qu'une rizière, mais sûrement plus excitant.
    Andrée

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