dimanche 1 avril 2012
Conseils aux écrivains
« Il fera souvent seul en chien, et noir à en pleurer, mais tôt ou tard…un éclaboussement de lumière et d’eau vive.. » Monique Proulx.
À tous les écrivains qui sont découragés, démotivés, désespérés, déconcrissés.
À tous les écrivains qui s’angoissent et qui doutent.
À tous les écrivains qui sont horrifiés après avoir évalué combien il leur en a coûté d'écrire un livre.
À tous les écrivains qui se posent la question d'une tonne : «est-ce que ça vaut la peine? »
Allez, courez, lire ce texte sublime de Monique Proulx.
J’ai bien dit sublime. Et je pèse mes mots. Sublime.
Ce texte, l’écrivaine Monique Proulx l’a présenté en mai dernier lors d’un forum sur la création littéraire au Québec, organisé par le CALQ.
Ce texte, je l’ai lu et relu et relu encore.
À chaque fois, je m’écriais : Oui! C’est ça! C’est exactement ça!
Si vous me permettez les clichés, ce texte m’a donné des ailes, m’a permis de me sentir moins seule et m’a donné envie, non pas de déposer la plume, mais de la reprendre avec encore plus d’ardeur et de conviction.
Monique Proulx, je ne pourrai pas vous remercier assez.
Voici donc deux extraits, qui m’ont fait vibrer. Mais vraiment, il faut lire au complet ce texte incontournable. Suffit de cliquer ici.
En tant qu'à y être, ne vous privez surtout pas des romans de Monique Proulx, une des grandes auteures du Québec, à la plume aussi élégante qu’envoûtante.
Monique Proulx sur ce qu’il en « coûte » à un auteur d’écrire un roman
« Prenons l’exemple peu rare d’un roman qui nous a habités pendant 10 ans, qu’on a mis 5 ans à écrire, deux ans à promouvoir et qui nous a valu au final quelque chose comme 10 000 livres écoulés, chiffre lui-même prodigieux en ces temps où le bon lecteur ou s’étiole ou s’éparpille, face à l’offre immense clignotant devant lui. 10 000 vendus, 40 000 $ – si on a un éditeur plus généreux que la moyenne, qui pratique un taux de droit d’auteur progressif, plus disons 20 000 $ de bourse obtenue du Conseil des arts et des lettres du Québec – ou de l’autre Conseil, celui du grand pays auquel il faut bien réclamer de temps à autre notre dû puisqu’on y paie encore nos taxes, qu’on y sacrifie nos idéaux les plus élémentaires, et qu’on y souffre quotidiennement mille morts. 60 000 $, donc. On parle d’un succès. Wow. Wow ? Calcul en cours (je m’exprime comme le GPS que mon chum salarié m’a offert).
Calcul en cours: 60 000 $, 24 000 heures. Deux dollars cinquante l’heure. »
Monique Proulx sur l’importance de résister aux feux de paille
« Tu crois t’en aller vers la lumière en choisissant l’écriture comme mode de vie, mais c’est dans le maquis que tu t’enfonces. Bienvenue. C’est avec jubilation que nous t’accueillons dans notre clandestinité broussailleuse, parmi nos tireurs d’élite. Tu combattras en solitaire, mais tu sentiras toujours, dissimulés dans tes parages, des frères qui visent les mêmes cibles que toi, si leurs armes diffèrent. Tu viens d’entrer dans la Résistance. En face de toi, ça clignote ferme. C’est justement à ça qu’il faudra que tu résistes, aux verroteries scintillantes et aux feux de paille. Aux modes d’emploi et parfois même aux éditeurs. Comprends bien : il ne s’agit pas de fuir le succès, mais de ne pas gaspiller ton énergie à le chercher. Il s’agit de jouer ta musique à toi, même si elle semble cacophonique aux autres. Embusque-toi sur ton territoire – un mètre carré suffit – et creuse. Creuse à en avoir des courbatures aux reins, de la terre, plein la gueule. C’est là-dessous que ça se trouve. Là-dessous, il fera souvent seul en chien, et noir à en pleurer, mais tôt ou tard ça ne pourra pas ne pas être là : un éclaboussement de lumière et d’eau vive, un filon d’or, ton or à toi, que tu ramèneras précautionneusement à la surface pour le partager avec les autres. Plus tu n’écriras que pour la partie dure de toi, l’implacable, plus fort tu rejoindras les autres. »
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Tout simplement un gros merci, Andrée.
RépondreEffacerMoi, c'est moins de 25 cennes de l'heure, malgré ma production régulière. Merci pour ces beaux extraits!
RépondreEffacerLa même pensée vaut pour les musiciens, les peintres, les sculpteurs, les gens de théâtre, les danseurs, les sportifs... etc.
RépondreEffacerEt les métiers conventionnels. Rien n'est facile mais dans la plupart des cas on parvient à en vivre, rarement à en devenir riche ou connu. Certains s'épanouissent en créant ou en bâtissant, ils sont rares. C'est l'envers de la médaille.
Bref, il ne faut pas écrire pour l'argent. Sortez-vous ça de la tête car trop peu de gens sont prêts à payer pour lire.
Grand-Langue
Sylvie: De rien.
RépondreEffacerSavantefolle: 25 cennes de l'heure? Vous avez toute mon admiration.
Grand-Langue: "trop peu de gens sont prêts à payer pour lire"... c'est bien ça, n'est-ce pas, une partie du problème. Qu'on ne pourra jamais régler je crois...
Pour reprendre Grande-langue "trop peu de gens sont prêts à payer pour lire" et j'ajouterais mais combien sont prêts à payer le prix d'un livre qui durais une vie pour 2h au cinéma ou quelques bieres dans un bar... ça fait réfléfir n'est-ce pas?
RépondreEffacerd'un grand lecteur apprentis écrivain
Ouais, j'étais à ce Forum et j'avais entendu son manifeste. Je me rappelle avoir songé que son exemple, déjà, était un exemple de riche: Mme Proulx est une abonnée des bourses du CALQ ou du CAC, et elle peut citer -- sans rire -- des ventes hypothétiques de dix mille exemplaires. L'écrivain «ordinaire», pas ou peu connu des médias, peut diviser ce nombre par dix et exclure les bourses de l'équation.
RépondreEffacerPour ma part je n'ai jamais fait l'exercice masochiste évoqué ici, mais le résultat serait plus proche des 25¢ de Michèle que des 2,50$ de Mme Proulx...
Daniel: 25 sous de l'heure... ouch... j'ose à peine moi-même faire mon calcul, qui se rapproche sans doute du tien... Et tu as bien raison de dire qu'un roman qui se vend à 10 000 exemplaires, auujourd'hui, c'est dans le très rare...
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