dimanche 27 janvier 2013

À Auschwitz, douze femmes courageuses ont « joué à être normales »




 « La nuit de janvier, une nuit précoce et féroce, grignotait déjà la lumière. L’oreiller de neige, percé et secoué depuis le matin sur la ville, semblait vidé. Seules quelques plumes voltigeaient encore.  Il songea à la neige d’Auschwitz. »  (Artefact, page 42)

 Il y a 78 ans, jour pour jour, le camp d’Auschwitz était libéré.  C’était le 27 janvier 1945.  En cette Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, on honore le souvenir des millions de Juifs tués par les Nazis.

Auschwitz est au cœur du roman de Carl Leblanc, qui en parle de façon à la fois poignante et lumineuse dans  Artéfact.  Ce roman raconte les horreurs de ce sinistrement célèbre camp de concentration,  mais raconte aussi la résilience des humains, l’incroyable force de l’instinct de survie.  Superbe paradoxe : ce livre qui parle de la mort (la mort dans ce qu’elle a de plus horrible et de plus injuste)  offre en même temps une superbe leçon de vie.

J’en ai parlé récemment aux DivinesTentations de Radio-Canada.     

   

Le livre nous transporte en 1944, donc proche (si proche…) de la fin de la guerre.  Quelques femmes qui travaillent à l'usine de munitions d’Auschwitz, décident de confectionner une carte de fête pour leur amie Klara, qui va avoir 20 ans.   Rien de plus banal qu’une carte de fête, direz-vous. Pas à Auschwitz.  Dans ce camp de la mort, fabriquer une carte est extrêmement dangereux. Les prisonnières doivent voler du papier, des crayons et du temps.  Si elles se font prendre par les gardes SS, elles risquent d’être fusillées ou pendues.

Cette simple carte de fête devient donc un acte de rébellion et de courage. Alors pourquoi?  Pourquoi risquer sa vie pour fabriquer une carte de fête?  Parce que, pour un bref instant, ces femmes qui côtoyaient quotidiennement la mort, voulaient se sentir en vie.  « Elles ont joué à être normales. »

Les douze femmes risquent donc leur vie en signant cette carte de fête. Quelques décennies plus tard,  un journaliste tombe sur cette carte et part à la recherche de ces douze femmes. Combien d’entre elles ont survécu à Auschwitz?  Et Klara, jeune juive qui a eu 20 ans en 1944, a-t-elle été engloutie par la Shoah?

Chaque chapitre de ce roman coup de poing est une histoire en soi. Certaines sont déchirantes, d’autres pleines d’espoir.  Conteur émérite, Carl Leblanc réussit, en quelques pages, à nous faire entrer dans la vie de ces femmes. À nous faire vibrer avec elles. 

On sent chez l’auteur un immense respect pour ce sujet si grave et si complexe, qu’il rend avec une grande sobriété, une sublime élégance.  En plus de satisfaire notre besoin d’histoire (avec petit H et grand H),  Artefact nous rappelle, avec une louable éloquence, l’importance du devoir de mémoire.

« Pour comprendre Auschwitz, il fallait de l’imagination. Comme il en fallait pour se sentir proche d’un Arménien qui s’enfuit de la Turquie en 1916, d’un Noir du Mississipi qui implore en 1955 ou d’un Juif qui se dénude en 1943. Il fallait cette imagination du cœur qui vous rend perméable aux destins humains à travers les âges; cette imagination qui fait de vous un membre de l’espèce humaine dans le continuum, réactif et compatissant. »  (Artefact, page 37)

Carl Leblanc a réalisé un documentaire Le cœur d'Auschwitz, au sujet de cette mystérieuse carte de souhaits en forme de cœur, fabriquée dans un camp de la mort.   Cette carte de fête est exposée au Centre commémoratif de l'Holocauste à Montréal.  


Artefact, Carl Leblanc, Éditions XYZ, 160 pages



4 commentaires:

  1. l'ai acheté à mon fils pour NOël. Le lirai ensuite!

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  2. Auschwitz... il est important de se souvenir, de savoir ce qui s'est passé.
    Merci Andrée, je ne connaissais pas du tout ce roman, et, comme à chaque fois que je te lis, tu me donnes le goût de m'y plonger.

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  3. C'est le genre de littérature, touchante, qui m'intéresse ! Merci Andrée pour la suggestion. Je le mets sur ma liste de lecture pour 2013.

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  4. Andrée-Anne: je serai curieuse de savoir ce qu'en a pensé ton fiston.

    Alice: c'est réciproque alors... car toi aussi tu me lances vers des lectures...

    Lucille: vive les listes de lecture! La mienne mesure trois pieds de long...

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