« La nuit de janvier, une nuit précoce et féroce, grignotait
déjà la lumière. L’oreiller de neige, percé et secoué depuis le matin sur la
ville, semblait vidé. Seules quelques plumes voltigeaient encore. Il songea à la neige d’Auschwitz. » (Artefact, page
42)
Il y a 78 ans, jour pour jour, le
camp d’Auschwitz était libéré. C’était le
27 janvier 1945. En cette Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, on honore le souvenir des millions de Juifs tués par les Nazis.
Auschwitz est au cœur du roman de Carl
Leblanc, qui en parle de façon à la fois poignante et lumineuse dans Artéfact. Ce roman raconte les horreurs de ce sinistrement célèbre camp de
concentration, mais raconte aussi la
résilience des humains, l’incroyable force de l’instinct de survie. Superbe paradoxe : ce livre qui parle de
la mort (la mort dans ce qu’elle a de plus horrible et de plus injuste) offre en même temps une superbe leçon de vie.
J’en ai parlé récemment aux DivinesTentations de Radio-Canada.
Le livre nous transporte en 1944, donc proche (si proche…) de la fin de la guerre. Quelques femmes qui travaillent à l'usine de
munitions d’Auschwitz, décident de confectionner une carte de fête pour leur
amie Klara, qui va avoir 20 ans. Rien
de plus banal qu’une carte de fête, direz-vous. Pas à Auschwitz. Dans ce camp de la mort, fabriquer une carte
est extrêmement dangereux. Les prisonnières doivent voler du papier, des
crayons et du temps. Si elles se font prendre
par les gardes SS, elles risquent d’être fusillées ou pendues.
Cette
simple carte de fête devient donc un acte de rébellion et de courage. Alors pourquoi? Pourquoi
risquer sa vie pour fabriquer une carte de fête? Parce que, pour un bref instant, ces femmes
qui côtoyaient quotidiennement la mort, voulaient se sentir en vie. « Elles ont joué à être normales. »
Les douze femmes risquent donc leur vie en signant cette carte de fête. Quelques
décennies plus tard, un journaliste tombe
sur cette carte et part à la recherche de ces douze femmes. Combien d’entre elles ont survécu à Auschwitz? Et Klara, jeune juive qui a eu 20 ans en 1944,
a-t-elle été engloutie par la Shoah?
Chaque chapitre de ce roman coup de poing est une histoire en soi. Certaines
sont déchirantes, d’autres pleines d’espoir. Conteur émérite, Carl Leblanc réussit, en
quelques pages, à nous faire entrer dans la vie de ces femmes. À nous faire
vibrer avec elles.
On sent chez l’auteur un immense respect pour ce sujet si grave et si
complexe, qu’il rend avec une grande sobriété, une sublime élégance. En plus de satisfaire notre besoin d’histoire
(avec petit H et grand H), Artefact nous
rappelle, avec une louable éloquence, l’importance du devoir de mémoire.
« Pour comprendre Auschwitz,
il fallait de l’imagination. Comme il en fallait pour se sentir proche d’un
Arménien qui s’enfuit de la Turquie en 1916, d’un Noir du Mississipi qui
implore en 1955 ou d’un Juif qui se dénude en 1943. Il fallait cette
imagination du cœur qui vous rend perméable aux destins humains à travers les
âges; cette imagination qui fait de vous un membre de l’espèce humaine dans le
continuum, réactif et compatissant. »
(Artefact,
page 37)
Carl
Leblanc a réalisé un documentaire Le cœur d'Auschwitz, au sujet de cette
mystérieuse carte de souhaits en forme de cœur, fabriquée dans un camp de la
mort. Cette carte de fête est exposée
au Centre commémoratif de l'Holocauste à Montréal.
Artefact, Carl Leblanc, Éditions
XYZ, 160 pages
l'ai acheté à mon fils pour NOël. Le lirai ensuite!
RépondreEffacerAuschwitz... il est important de se souvenir, de savoir ce qui s'est passé.
RépondreEffacerMerci Andrée, je ne connaissais pas du tout ce roman, et, comme à chaque fois que je te lis, tu me donnes le goût de m'y plonger.
C'est le genre de littérature, touchante, qui m'intéresse ! Merci Andrée pour la suggestion. Je le mets sur ma liste de lecture pour 2013.
RépondreEffacerAndrée-Anne: je serai curieuse de savoir ce qu'en a pensé ton fiston.
RépondreEffacerAlice: c'est réciproque alors... car toi aussi tu me lances vers des lectures...
Lucille: vive les listes de lecture! La mienne mesure trois pieds de long...