Anne-Claire Delisle a illustré Un bain trop plein, notre nouvel album maintenant en librairie. Rencontre avec une créatrice méticuleuse, rigoureuse et passionnée.
Trois jours de travail sur une page
Andrée : Raconte-moi ton processus de création
Anne-Claire : Je fais des tonnes de croquis, à la main, au crayon à la mine de couleur. La conception, la création sont les parties que je préfère. Le tracé de l’image est fait à la main et je fais ensuite la coloration à l’ordinateur. Chaque illustration, chaque page, me prend trois jours de travail.
J’ajoute beaucoup de détails, pour que l’enfant puisse vraiment entrer dans l’univers de l’histoire. J’aime que les images rajoutent un peu d’histoire. Par exemple, j’ai ajouté un crabe sur la page, ce qui n’est pas mentionné dans le texte.
Mon défi, c’est d’amener les enfants à se poser des questions. Les jeunes aiment se faire raconter une histoire mais je veux aussi qu’ils aient envie de regarder l’album eux-mêmes, sans adulte. J’ai vu ça quand mes filles étaient petites. Lorsque je leur lisais des albums avec des images plus complexes, elles re-racontaient l’histoire après, à leur façon.
Étudier les pieuvres à la poissonnerie
Andrée : Fais-tu de la recherche avant de commencer à créer?
Anne-Claire : Je fais beaucoup de recherches sur le web. Avec Google images, on a tellement de documentation au bout des doigts. Je suis allée dans une poissonnerie où il y avait des pieuvres dans le comptoir alors je les ai observées, surtout pour la couleur.
J’ai travaillé sur cet album pendant que j’étais en vacances à Chandler, en Gaspésie. J’ai photographié des textures de rocher, textures que j’ai reprises pour illustrer les pieuvres et donner une profondeur à leurs couleurs. J’ai aussi photographié l’effet des vagues au bord de la plage, cette sorte de broue créée par le ressac. Je me suis servie de cette photo pour créer l’illustration où Léanne nage avec les bernard-l’ermite.
Cinq dizaines (et plus...) de créatures dans un bain!
Andrée : Quels ont été tes défis pour illustrer Un bain trop plein?
Anne-Claire : Le texte était un beau défi, car le personnage a plein d’animaux dans son bain et je voulais montrer cela, sans que ce soit dégueulasse. Le plus difficile était donc de montrer en environnement « propre ». Pour les anguilles par exemple, (un animal pas très joli…) il fallait que je leur donne un air inoffensif et rigolo.
Le nombre d’animaux dans le bain m’a aussi donné du fil à retordre, surtout vers la fin où il faut mettre plus de cinq dizaines d'animaux dans la même page! Je voulais être certaine qu’ils soient tous présents dans la pagaille. Il ne fallait surtout pas qu’il manque un oursin ou que j’aie une anémone de trop! Je les recomptais sans cesse.
Toute nue et même pas de feuille de vigne!
Andrée : Pendant toute cette histoire, le personnage principal est nu. Est-ce que cela posait un défi au niveau de l’illustration? T’es-tu censurée?
Anne-Claire : Je voulais que le lecteur oublie que Léanne est nue. Au niveau des positions, ça m’a amenée à faire des pirouettes pour cacher la nudité. Pour une des images, je me suis servie de la frontière du pli pour séparer le papa et la fillette, afin qu’il n’y ait rien de suggestif dans l’illustration.
En amour avec l’humour!
Andrée : Je suis tombée en amour avec l’humour dans tes illustrations, où toutes les créatures marines ont des mimiques très expressives. Est-ce que tu travailles fort pour atteindre ce niveau de comique visuel ou est-ce que cela vient naturellement, sans trop d’efforts?
Anne-Claire : Je me suis beaucoup amusée en illustrant ce texte. Chaque bibitte a sa personnalité. La tortue a l’air un peu désabusée au début mais s'amuse de plus en plus à mesure que le récit progresse. Les hippocampes ont l’air un peu punk sur les bords. Quant aux pieuvres, je voulais qu’elles soient délinquantes. D’où l’idée de mettre une pieuvre qui sort du bain et qui se met à lire sur la toilette. Et d’en montrer une qui envoie de l’eau dans l’œil de l’autre.
Andrée : Quelle est ton illustration préférée dans Un bain trop plein?
Anne-Claire : J’ai deux illustrations préférées, pour des raisons différentes. La première est l’image où les poissons-clowns arrivent et Léanne s’étend sous l’eau en retenant sa respiration. C’est l’image que j’ai le plus travaillée pour avoir un effet de transparence et pour m’assurer que le lecteur comprenne que l’enfant est sous l’eau. Il y avait aussi le défi de montrer le mouvement des cheveux frisés de Léanne dans l’eau. C’est la plus belle illustration que j’ai faite.
Ma deuxième illustration préférée : celle où le papa ramène 10 pieuvres à sa fille. Cette image a été très longue à faire, car chaque pieuvre a sa couleur, sans compter les innombrables tentacules. J’étais contente de mon idée de cette pieuvre qui tient le papa par le cou, comme pour lui dire : « Je t’ai en affection. »
Bio et biblio
Anne-Claire Delisle enseigne le graphisme au cégep. Elle est collaboratrice régulière aux magasins « Pomme d’api » et à la revue Popi. Elle a publié :
Vrai de vrai Papi. Texte de Émilie Rivard. Bayard Canada. 32 pages.
L’abécédaire de Pomme et Pépin. Texte de Paule Brière. Bayard Canada. 60 pages.
C'est vrai que l'illustration de Léanne sous l'eau est extraordinaire.
RépondreEffacerAgnès Grimaud