dimanche 22 février 2015

Une équipe-école qui fait des merveilles pour donner aux jeunes la piqûre de la lecture



Depuis une décennie, je roule ma bosse dans toutes les écoles du pays. Pour faire connaître le métier d’écrivain, mais d’abord et avant tout, pour donner aux jeunes le goût de lire.

En dix ans, j’ai donné des centaines d’animations à tous les niveaux du primaire et du secondaire. Ce genre de rencontres vient avec son lot de griseries et de frustrations, de risques et périls, d’essoufflements et de ravissements.

Ma plus grande frustration, c’est d’arriver dans une classe et que les élèves ne connaissent aucun de mes livres et n’ont aucune idée de qui je suis. Alors que les coupures pleuvent et que «l’austérité » abat sa chape de plomb sur tout le milieu de l’éducation, je m’explique mal comment des écoles peuvent me payer pour offrir des animations, sans préparer aucunement leurs élèves. Comme me disait récemment un directeur d’école, ne pas faire lire les élèves avant une rencontre d’auteur, c’est comme payer le gros prix pour aller voir un spectacle de Justin Bieber sans rien connaître de la musique de Justin Bieber…

Quand j’arrive dans une classe et que les élèves n’ont pas lu une seule ligne de ce que j’ai publié (ce qui se produit hélas trop souvent) je balance entre la désolation et l’exaspération. Pas pour mon ego à moi d’auteure. Désolée plutôt pour les dollars investis et non maximisés, pour l’occasion ratée, pour les bénéfices pédagogiques perdus pour les enfants…

J’ai passé récemment une semaine à Yellowknife, dans deux écoles d’immersion, où les élèves avaient été fabuleusement préparées. Une foule d’initiatives avaient été conçues, préparées et orchestrées par l’incomparable Caroline Roux, mentor de littératie pour la commission scolaire de Yellowknife Education District 1. À la fois leader et catalyseur, Caroline est entourée d’une équipe d’enseignantes énergiques, vaillantes et qui n’ont pas peur de sortir des sentiers battus.

Voici donc un petit portrait des initiatives prises par ces écoles pour ma visite. Quand on tombe sur un modèle aussi stimulant et aussi sensationnel, quand on voit des pratiques aussi exemplaires, on ne peut faire autrement que de les diffuser.

Outils pédagogiques conçus en prévision de ma visite :

Une immense affiche avec toutes les pages couverture de mes livres. Il fallait voir les élèves lors des animations, venir me dire fièrement, en pointant du doigt : j’ai lu celui-ci et celui-là et lui aussi!!!
  • Une présentation Power Point pour les enseignants sur l’auteure et son œuvre.
  • Une présentation Power Point pour les élèves sur l’auteure et son œuvre. 
  • Mes livres en vedette à la bibliothèque de l’école.
 


Un concours Devine qui se cache derrière le livre?, où les enseignants se sont amusés à faire des photos d’eux-mêmes déguisés, derrière une page couverture d’un de mes livres.


Une affiche avec la binette de l’auteure pour chaque classe. 

L’achat de tous mes livres en plusieurs copies. Ces livres ont été placés dans un bac dans le salon du personnel afin que les enseignants puissent les lire et les emprunter pour les lire à leurs élèves.

Autres préparatifs avant ma visite :

  • Toutes les classes avaient lu non pas un, mais plusieurs de mes livres. Toutes! Sans exception!
  • Un article dans l’hebdomadaire Aquilon et dans l’hebdomadaire Yellowknifer, annonçant ma visite dans les écoles.
  • Un sac d’épiceries (avec chips, gruau, humus et confiture aux bleuets sauvages) qui m’attendait dans ma chambre d’hôtel.
Projet réalisés par les élèves avant ma visite :
  • Dessins épinglés sur une corde à linge, inspiré de mon album La corde à linge magique (2e année, classe de Jennifer Boudreau) 
 

Textes inspirés de mon album Un bain trop plein. (3/4 année, classes de Stéphanie Rondeau et de Laurence Turcotte)
Projet mathématique et livres d'Andrée Poulin (2e année, classe de Jennifer Boudreau) 
  • Textes inspirés de mon album Un bain trop plein. 1re année de Claudette Marquis et 1re année de Mélanie Daigle. 
  Création d’un livre inspiré par mon album Pipi dehors. (maternelles, classe de Jacqueline Béland).

Et ça donne quoi tout ça? Eh bien, ça donne des rencontres de grande qualité, où les élèves sont intéressés, enthousiastes, avec des tonnes de questions à poser à l’auteure et beaucoup de commentaires à lui faire sur les livres lus. Ça donne des élèves qui ont le goût de lire et même des élèves qui ont le goût d’écrire!

mercredi 18 février 2015

La chocophile piégée


Aiden et ses fossettes affriolantes

Qu’est-ce qu’une chocophile ne ferait pas pour un igloo au chocolat?
En fait, je ne devrais même pas commencer cette histoire par l’igloo au chocolat, car le gâteau est ici accessoire. Cette histoire n’est pas la mienne (même si c’est moi l’incurable chocophile), mais plutôt celle d’un petit garçon qui croque dans la vie avec autant de délectation que moi je croque dans le chocolat.

Il s’appelle Aiden, il a cinq ans et des fossettes affriolantes. Quand j’ai rencontré sa classe à l'école J.H. Sissons, pour une animation d’auteure, par un matin frigorifié à Yellowknife, la première chose qu’Aiden m’a dite – qu’il a hurlée! – c’était Pipi dehors! Pipi dehors!

Aiden voulait absolument que je lui raconte cette histoire que leur dynamique enseignante, Danie Boudreau, leur avait pourtant déjà lue. J’ai fait mon animation habituelle pour élèves de maternelles. À la grande déception d’Aiden, je n’ai pas lu Pipi dehors. Il a quitté mon local en sautillant et chantonnant : Pipi dehors! Pipi dehors!


L'omelette norvégienne dans toute sa splendeur, préparée par Danie Boudreau et ses élèves
Un peu plus tard, en avant-midi, la classe d’Aiden est revenue dans mon local d’animation pour me montrer la pâtisserie très sophistiquée qu’ils préparaient avec leur enseignante : un gâteau au chocolat en forme d’igloo, avec crème glacée à l’intérieur et meringue cuite à l’extérieur. Les Anglais appellent ça un baked Alaska et en français, ce dessert s’appelle une omelette norvégienne (bien que ce gâteau ressemble autant à une omelette qu’une patate ressemble à un papillon). Passons.

Fidèle à moi-même et à ma chocomanie, j’ai demandé aux élèves de la classe de Danie de me garder un morceau de leur igloo au chocolat. Oui, oui, ont-ils promis. Je croyais alors qu’ils étaient de bonne foi. Hmmmfff...Quant à Aiden, fidèle à lui-même, il a hurlé : Pipi dehors! Pipi dehors!

Le voilà, ce superbe gâteau dont je n'ai pas mangé une miette...
 Le lendemain, je croise la classe de maternelle dans le corridor:
- Et puis, votre igloo en chocolat? Il était bon? que je demande.
- Oui!!! répondent les enfants en chœur.
- Et mon morceau?

Les enfants ont haussé les épaules. Disparu l’igloo. Entièrement englouti. Même pas deux ou trois miettes mises de côté pour l’auteure. Zut de zut.

- Pipi dehors, Pipi dehors! a hurlé Aiden.

Je me suis alors demandé s’il croyait que mon nom était non pas Andrée Poulin, mais Pipi dehors. Mais non, dans son français hésitant, il a réclamé que je lui raconte encore cette histoire. Ou que je lui donne une copie du livre. Désolée Aiden. Impossible. D’autres classes m’attendent.

À l’heure du dîner, je feuilletais des albums à la bibliothèque de l’école J.H. Sissons quand le petit Aiden surgit à côté de moi. Cette fois, il ne hurle pas Pipi dehors!, mais me dit dans son français approximatif : Gâteau! Gâteau!

- Vous m’avez gardé un morceau de votre igloo au chocolat?
- Oui, oui! dit Aiden, aussi sautillant qu’une sauterelle.

Me voici donc à suivre ce bout de chou dans les corridors de l’école, salivant déjà comme un chien de Pavlov. Arrivée à sa classe, pas le plus petit signe d’igloo au chocolat. La chocophile avait été piégée. Et ce coquin d’Aiden qui riait, riait à s’en fendre les babines.

- Tu m’as joué un tour? Y’a pas de gâteau?! que je lui ai demandé, incrédule.

Pour toute réponse, Aiden a ri encore plus fort. Radieux de sa bonne blague. Ravi de sa ruse. Ravi d’avoir pris l’auteure dans son attrape-nigaud. J’ai ri moi aussi. Charmée par son culot. Émerveillée par sa flamboyante joie de vivre.

Deux heures plus tard, à la récréation, voilà Aiden qui se pointe de nouveau dans mon local d’animation. Il m’a tendu un bout de carton coloré.
- Cadeau! décrète-t-il.

Une oeuvre d'art signée Aiden

J’ai pris le carton. Je l’ai examiné soigneusement avant de me prononcer. Je ne voulais surtout pas insulter l’artiste.
- C’est un gâteau, a-t-il décrété, comme si j’étais la pire des niochonnes.
- Ah… C’est un morceau de l’igloo au chocolat?
- Oui!

Aiden a souri de toutes ses fossettes, fier de lui, fier de son dessin, heureux de la vie.
J’avais devant moi une incarnation de l’enfance dans ce qu’elle a de plus lumineux, de plus vivifiant:cette fabuleuse capacité de tirer un vif bonheur de petits riens.

Je n’ai pas pu résister.
J’ai donné à Aiden ma dernière copie de Pipi dehors.
Il est reparti en gambadant.

dimanche 15 février 2015

Des chiens et des hommes, ou comment choisir nos leaders




À Yellowknife, j’ai fait ce que font tous les touristes de passage : une balade en traineau tiré par des chiens.

J’ai observé le musher tandis qu’il attachait les 12 chiens au harnais, selon un système qui semblait soigneusement planifié.  

  - Comment choisissez-vous le chien qui sera à la tête de l’attelage?   
       - Le leader, c’est le chien le plus intelligent, le plus rapide, le plus endurant et surtout, celui qui a envie d’être leader. Ce n’est pas tous les chiens qui veulent être leader, a répondu le musher.



Les hommes auraient avantage à imiter les chiens : ne choisir que les leaders les plus intelligents, les plus rapides et les plus endurants.

mercredi 11 février 2015

Quand le froid fait peur…



-    

  
- Vous n’allez pas sortir ce matin? m’a demandé, incrédule, un des résidents du bloc appartement, qui sortait au même moment que moi.

- Vous n’allez pas marcher jusqu’au Monument des pilotes ce matin? m’a demandé la caissière du dépanneur. Elle avait le ton légèrement impatient de celle qui pense « V'là encore une touriste imprudente du Sud qui ne connaît rien au Grand Nord…)

- Sortir par un temps comme ça, c’est prendre le risque de se geler les extrémités, sans s’en rendre compte, m’avait prévenue une enseignante.

Pour la première fois de ma vie, le froid m’est apparu comme un ennemi.
Pour la première fois de ma vie, le froid m’a fait peur.

J’ai marché un bloc. Puis deux.
J’ai tergiversé.
Je continue ou je retourne au chaud?
Je suis hardie? Ou poltronne?

Ce matin-là, à Yellowknife, il faisait - 25 (-39 avec le facteur vent).
Le froid faisait coller mes narines.
J’avais du frimas sur les cils.

Mais j’avais des pantalons de neige qui m’obligeaient à marcher jambes arquées, comme un cowboy du Far West.
Mais j’avais des bottes très chaudes et très lourdes, à rendre un astronaute jaloux.
Mais j’avais une parka Canada Goose, tout aussi chaude et tout aussi lourde. Avec un briquet et un rouge à lèvres dans la poche de la parka. (Prévenante Nataly…)
Bref, je n’avais pas d’excuse.
Pas de raison de faire la poltronne.
J’ai donc continué, à pas de pingouin, sur l’avenue Franklin.



J’ai bravé le Froid, avec mes narines collées et mes cils blanchis.
J’ai marché 2,5 kilomètres.
Avec la neige crissant sous mes pas.
Avec le vent brutal qui s’infiltrait sous mon cache-nez. L'insolent.
Pas un chat dans la rue, à part quelques corbeaux patibulaires.

J’ai monté en ahanant (lourdes, mes bottes d’astronaute…) la colline qui menait au Monument des pilotes.
J’avais les narines collées.
Et du frimas sur les cils.
Et le Grand lac des Esclaves (neuvième plus grand lac au monde) à mes pieds. 
      
      Une fois en haut, j’ai eu envie d’un drapeau à planter.
Victoire!
Poltronne, je ne suis pas!
J’avais les lèvres gelées et le sourire croche.
J’avais aussi de la Joie.

J’ai fait un pied de nez au Froid.
Puis je suis retournée au Chaud. 

samedi 31 janvier 2015

De la magie des livres




« Les livres sont peut-être la seule vraie magie. »  Alice Hoffman.


« Les livres sont de la magie portative. »  Stephen King.


« L'écriture est peut-être la plus grande invention de l'Humanité, liant entre eux des gens qui ne se sont jamais connus, des citoyens d'époques lointaines. Les livres brisent le carcan du temps. Un livre est la preuve que les humains sont capables de véritable magie. »  Carl Sagan.

samedi 17 janvier 2015

Qu’est-ce que la littérature offre? "La haute montagne en pleine banlieue..."






Qu’est-ce que la littérature offre?  

« Elle offre un frère à la fille unique, une lanterne au néon, la haute montagne en pleine banlieue, du courage au découragé, des illusions à perdre, des idées quand on n’en a pas, de l’humidité quand on est au sec, de la compassion, de la rage, de l’ambition.  (…) Bref, elle fait grandir, elle agrandit. » 

Florence Delay.  Dans La littérature dès l’alphabetGallimard Jeunesse. 2002.