jeudi 19 novembre 2009

«Mon papa ne pue pas» doit sentir un petit peu bon…


La plupart de mes livres ont été accueillis par un silence médiatique tonitruant.
Pas mon petit dernier.

On en a parlé dans Le Devoir, sous la plume de Josée Blanchette.

Puis dans Le Libraire.

Puis dans LeDroit




Puis dans le 7-Jours

Puis à Radio-Canada en Outaouais.

Puis à Radio-Canada à Québec.

Est-ce le titre qui titille?
Ou la page couverture qui accroche?
Comme dirait l’autre, Va savoir…

Mais je ne m’en plains point.
Et je m’en vais de ce pas prendre un train pour la métropole
Question de voir si cet album pas puant du tout trouvera preneur ici.

mardi 17 novembre 2009

Certains livres nous font rougir de notre nombrilisme


Trois tasses de thé, Greg Mortenson et David Oliver Relin. Glénat Québec.

Certains livres nous font rougir de notre nombrilisme.
Certains livres nous confrontent à notre confort et notre indifférence.
Certains livres nous donnent envie d’être meilleur.
C’est le cas de Trois tasses de thé.

En 1993, Greg Mortenson s’est perdu en redescendant de K2, le deuxième plus haut sommet du monde. Cette erreur allait changer sa vie… À tel point que cet infirmier de formation et cet alpiniste par passion a été mis cette année en nomination pour le prix Nobel de la paix, remis à qui l’on sait.

Donc, perdu dans les montagnes du Pakistan, ce jeune Américain est secouru par les habitants d’un village isolé. Ému par l’accueil chaleureux de ce village musulman et par le dénuement des gens, il promet de revenir pour construire une école.

Trois tasses de thé est l’histoire de cette promesse, de sa réalisation et de la façon dont elle a bouleversé la vie de Mortenson.

Construire une école, ce n’est pas si compliqué, pensez vous. Ouais. Sauf qu’on parle ici d’une des régions les plus isolées et les plus dangereuses de l’Asie, d’une région où au mieux, on se méfie des Américains et, au pire, on les déteste.

Pour tenir sa promesse de construire une école, Mortenson vivra dans son auto pendant des mois afin d’épargner de l’argent. Il se fera kidnapper, recevra des menaces de mort, acceptera d’être séparé de sa famille pendant de longues périodes. Parce qu’il avait désormais une mission, plus importante que son confort personnel: promouvoir la paix à travers l'éducation.

À force de nuits blanches, d’efforts, d’entêtements et d’humiliations (il a dû en faire des courbettes devant les donateurs), Greg Mortenson a réussi à créer une ONG, le Central Asia Institute, qui a construit, à ce jour, plus de 130 écoles au Pakistan et en Afghanistan.

Le grand intérêt du livre, c’est de voir Mortenson évoluer au fur et à mesure que son projet avance. Au début, il débarque au Pakistan comme un chien dans un jeu de quilles, pressé, hop, hop, allons-y, construisons l’école. Mais il développe la patience et l’humilité. Il apprend à respecter les différences culturelles et le rythme des Pakistanais.Il apprend surtout à ne pas faire l’erreur d’arrogance, si souvent répétée en coopération internationale, qui est de déclarer aux locaux:«Nous allons vous aider. Nous savons de quoi vous avez besoin.»

Le titre du récit est inspiré d’un proverbe Balti (un groupe ethnique du Pakistan) qui dit : la première fois que vous prenez le thé avec un Balti, vous êtes un inconnu. La deuxième fois, vous êtes un ami. La troisième fois, vous faites partie de la famille. Malgré son statut d’étranger et d’ « infidèle », Greg Mortenson a réussi cet exploit d’être accepté comme un membre de la famille, dans des dizaines de villages musulmans du Pakistan. Il a réussi à force de patience, d’écoute et de respect.

Le journaliste David Olivier Relin, qui a écrit l’histoire de Greg Mortenson, nous le montre comme un homme ordinaire qui a accompli l’extraordinaire. On nous présente ici un héros pétri de défauts. Il est timide, s’habille mal et est toujours en retard. Ça le rend irrésistiblement humain.

Et ça nous fait réaliser, avec encore plus d’acuité que l’impuissance n’est pas une excuse. Que l’inaction n’est pas une option. Malgré l’ampleur du défi, Mortenson n’a pas dit « C’est trop gros, je ne peux rien faire… » Il a retroussé ses manches et il a mordu dans l’éléphant, une bouchée à la fois…

Outre le bouquin pour adultes, on a publié deux autres moutures, pour enfants, de la fascinante histoire de Greg Mortenson.



dimanche 15 novembre 2009

Ni aspartame, ni scène braillarde dans ce roman...



Je compte les morts, Geneviève Lefebvre, Libre Expression. 320 pages

Je la lisais, avec moult délices, depuis déjà un certain temps sur son blogue. Alors quand j’ai su que Geneviève Lefebvre publiait son premier roman, j’ai tout de suite voulu le lire. J’avais peur d’être déçue. Un peu. Beaucoup. Je ne l’ai pas été. Même pas un peu. Surtout pas beaucoup.

Je ne vais pas m’étendre pendant de longs paragraphes à raconter l’intrigue de ce simili-polar, car là ne se trouve pas le plaisir. Disons simplement que ce récit suit Antoine Gravel, 37 ans, scénariste de son métier, cocu de son statut, dans une aventure rocambolesque. Quand il se voit offrir un contrat pour écrire un scénario de film sur Maria Goretti (celle qui a dit non…), l’Antoine saute sur l’occasion de se faire du pognon. Sa recherche l’amène à fréquenter Pointe-Saint-Charles, quartier défavorisé de l’est de Montréal. Il y rencontre une panoplie de personnages, tous plus poqués les uns que les autres: une ancienne junkie, des adolescentes paumées, des délinquants, un « bouncer », etc. Au même moment, le quartier est bouleversé par plusieurs meurtres de jeunes filles.

On n’est pas ici dans le pur polar, avec une intrigue tricotée serrée qui nous tient en haleine. Non. Le grand attrait de ce récit, c’est la manière qu’a Geneviève Lefebvre de nous raconter le monde ordinaire, des gens poqués par la vie, ce qu’elle appelle le « white trash » de Montréal. Ils sont pauvres, pas éduqués, pas toujours très beaux, parfois kétaines, mais elle nous les fait aimer, ces sympathiques « losers » malgré leurs tares et leurs faiblesses.

D’autres éléments que j’ai aimés dans ce roman inclassable? Voici :

Geneviève Lefebvre n’a pas peur de tremper sa plume dans le glauque, de nous montrer le laid. Elle ne ménage pas le lecteur, ne rajoute pas la plus petite pincée d’aspartame pour adoucir la misère ou la mocheté. Mais elle glisse ça et là de fulgurants éclairs de tendresse. Ce qui rend son roman si fascinant, c’est justement ce mélange de violence et de douceur et l’auteure les oppose si habilement qu’ils nous semblent encore plus intenses.

Je compte les morts distille des émotions fortes mais pas une once de sentimentalité. J’adore d’ailleurs cette phrase d’un des personnages (la productrice de cinéma): « Je ne veux pas de scène braillarde dans le film, tu sais, la fameuse scène où la fille craque et qu’on voit son côté vulnérable ».

La créatrice de Chez Jules n’a pas son pareil pour les chutes de chapitres. Presqu’à tout coup, elle réussit à terminer ses chapitres sur un coup de poing, un punch ou un point d’interrogation. Cette dame a un sacré talent pour harponner son lecteur.

J’ai jouis aussi de l’ironie suave qui se pointe le nez ici et là, surtout dans les dialogues, où l’on voit l’expérience et l’expertise de la scénariste aguerrie.

Et que dire du don de Geneviève Lefebvre pour les formules choc. Je vous en donne un seul exemple, celui où elle décrit les femmes de Pointe-Saint-Charles qui vieillissent trop vite. « Cinq ans! C’était le temps que ça prenait pour qu’une femme se décompose à grands coups de défaites, d’enfants vite faits et de raviolis en boîte. »

Dernière découverte jubilatoire que j’ai faite en lisant la section Remerciements à la fin du roman. Geneviève Lefebvre cite mon précepte préféré d’Einstein, une maxime que j’aurais bien voulu insérer en exergue de cet album, mais mon éditrice avait refusé, arguant que ça faisait trop sérieux pour les enfants. Voici ce que dit ce cher Albert: « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les ont laissé faire. »

Voici les autres livres dont j’ai parlé samedi matin, à l’émission à Radio-Canada. La chronique peut-être écoutée sur la page web de l’émission Les Divines Tentations, ici.



Trois tasses de thé, Greg Mortenson et David Oliver Relin. Glénat Québec.
Ce récit bourré d’aventures et de culture (celle des Musulmans du Pakistan), raconte l’initiative de Greg Mortenson, un Américain qui a contribué à construire des écoles au Pakistan et en Afghanistan. Le bouquin a été publié dans 20 pays et s’est vendu à 2.5 millions d’exemplaires aux USA. Un livre inspirant, sur lequel je reviendrai avec plus de détails cette semaine.






L’État du Monde 2010 Le grand tournant? La Découverte/ Boréal. 336 pages.
Dans cet État du monde « nouvelle formule », l’achat du livre donne l’accès gratuit au site pendant un an. Le bouquin offre 50 articles pour comprendre les grands changements dans le monde au cours de la dernière année, avec des sections thématiques sur l’économie, la politique, l’environnement, les nouvelles technologies, etc.
Un article sur le problème de la faim dans le monde m’a fait sursauter. L’auteur y condamne les politiques de la Banque Mondiale, qui ont poussé certains pays du Sud à abolir le crédit public aux paysans, forçant ces petits producteurs à se tourner vers des prêteurs et à s’endetter massivement. En Inde, 150 000 paysans se sont suicidés au cours des derniers 10 ans à cause de ces politiques.




Trente. Association des auteurs de l’Outaouais. Vents d’Ouest. 240 pages.
Ce collectif de nouvelles souligne les 30 ans de l’Association des auteures et auteurs de l’Outaouais. Plus d’une vingtaine d’auteurs y signent des textes très variés, du poétique au terre-à-terre en passant par la fantaisie et l’humour.

vendredi 13 novembre 2009

Faire danser les ours plutôt qu'attendrir les étoiles


L’accomplissement suprême, c’est d’arriver à brouiller la frontière entre le travail et le jeu, disait un historien britannique.

Eh ben, cette semaine, j’ai écouté un auteur qui semble l’avoir atteint, cet accomplissement suprême. Qui semble sincèrement S’AMUSER à écrire. Ce créateur à la fois détaché et passionné, sérieux et facétieux, s’appelle François Gravel.

Plusieurs fois, au cours de ce café littéraire organisé par la Bibliothèque publique de Gatineau, il est revenu sur son plaisir d’écrire. À 58 ans et avec 57 livres publiés derrière la cravate, il affirme haut et fort qu’écrire le fait encore jouir. « Il faut que ce soit le "fun" sinon j’arrête», a-t-il indiqué. En fait, il a l’intention d’écrire jusqu’à l’âge de 85 ans, puis de prendre deux semaines de vacances.

Voici quelques-unes des perles qu’il a lancé dans l’auditoire: (et non, pour les esprits tordus, il n’y avait aucun pourceaux dans la salle…)

Au cégep, il détestait ses cours de français, ce qui l’a aiguillonné vers des études en économie.

Modeste, il se décrit comme un conteur plutôt qu’un littéraire. Il ne cherche pas à renouveler la langue mais simplement à raconter une bonne histoire.

Il a plus de plaisir à écrire pour les enfants que pour les adultes.

Il écrit trois heures par jour et il est de mauvaise humeur quand il n’a pas écrit pendant quelques jours.

Il a été membre du jury du prix du Gouverneur général, l’année où Michèle Marineau a reçu cet honneur pour son roman La route de Chlifa. Cette auteure talentueuse, que François Gravel n’avait alors jamais rencontrée, est par la suite devenue sa femme.

De ses 57 livres en circulation, il y en a un seul qu’il regrette d’avoir publié, estimant qu’il n’est pas à la hauteur.

Son livre dont il est le plus fier est Zamboni. Il a eu cette très jolie image pour le décrire: «Il est comme un œuf, il est plein.»

Une fois qu’il a publié un livre, il ne le relit jamais. « C’est comme entendre sa voix ou se revoir sur des photos. Je n’aime pas ça. »

Sa blonde (également auteure) fait des plans à n’en plus finir avant de commencer un roman tandis que lui ne fait jamais de plan.

Il lui est arrivé – quatre ou cinq fois (oh my God!) de jeter un manuscrit de roman à la poubelle, le jugeant trop mauvais.

Il ne sait pas si ses meilleurs livres sont devant lui ou derrière lui.

Il rêve encore d’écrire un GRAND livre. Il a terminé en citant Flaubert: «La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.»

mardi 10 novembre 2009

La boue, ce « désespoir du soldat »


Cet automne, j’ai passé plusieurs jours avec un jeune Acadien dans la vingtaine. J’ai suivi Théodore Dugas dans les tranchées boueuses du nord-ouest de la Belgique, au cœur des combats les plus meurtriers de la Première Guerre mondiale. Plongée dans son journal de guerre, je l’ai suivi pendant quatre années aux champs de bataille, à travers le froid, la faim, la peur, à travers les obus, les camarades blessés ou déchiquetés par les bombes.

Bien qu’il ait été blessé à deux reprises, Théodore Dugas est retourné au combat, même si on lui avait offert un poste dans un bureau de l’armée. En septembre 1918, il est blessé une troisième fois. Cette fois, la balle traverse ses vertèbres dorsales. Paraplégique, le caporal est rapatrié au Canada, où il meurt après quelques mois de souffrances terribles.

Des carnets de guerre de Théodore Dugas, je devais choisir des extraits et rédiger des liens de narration pour un scénario de huit minutes, commandé par la CCN à l’occasion du Jour du Souvenir.

À la lecture des carnets du soldat Dugas, je n’ai pu faire autrement qu’admirer son stoïcisme. Malgré ses descriptions détaillées de la barbarie de la guerre, cet Acadien courageux ne se laisse jamais verser dans l’apitoiement.

Paradoxalement, un des passages qui m’a le plus émue, c’est quand le jeune caporal parle de la boue, l’omniprésente boue des tranchées. Cette boue, il l’appelle « le désespoir du soldat ».

Et je l’ai imaginé, ce jeune Dugas, pataugeant dans la boue, grelottant dans la boue, mangeant dans la boue, dormant dans la boue, se battant dans la boue, chiant dans la boue, pleurant dans la boue, traînant les blessés dans la boue, abandonnant les morts dans la boue. Et j’ai compris pourquoi cette maudite boue était le « désespoir du soldat ».

Si on forçait les armées modernes à vivre dans la boue quelques semaines, y compris les généraux – surtout les généraux! – la paix serait peut-être plus vite négociée.

dimanche 8 novembre 2009

J’ai pleuré en lisant ce roman mais j’ai oublié de quoi il parlait...



J’ai reçu cette semaine un courriel d’un éditeur scolaire, qui demandait mon accord pour reproduire une de mes critiques littéraires dans un manuel destiné à des étudiants du secondaire. Publié dans Le Droit en 1994, le texte s’intitulait Lettre ouverte à Réjean Ducharme.

Ce titre ne me disait rien. Je ne me souvenais pas – mais vraiment pas – d’avoir écrit à Réjean Ducharme. Heureusement, l’éditeur avait pensé à m’envoyer copie du texte en question, car moi je n’ai presque rien gardé des centaines de critiques littéraires que j’ai écrites pour Le Droit en douze ans de «chroniqueries ».
J’ai donc relu ma lettre au père de L’avalée des avalées.

Et je me suis souvenue que j’avais pleuré en lisant Va savoir.

Je me souviens d’avoir été fortement émue par la force des images, par l’intensité des émotions.
Mais ce qui est le plus étrange (et un peu honteux, avouons-le), c’est que je me souviens à peine du roman, de l’histoire, des personnages.
Je ne comprends pas ma mémoire et je lui en veux à cette étrange bête de m’avoir laissé oublier les détails de ce roman qui, quinze ans plus tôt, m’a fait interpeller Réjean Ducharme avec autant de ferveur.

Et vous, votre mémoire, elle vous trahit aussi bassement que ça?


Lettre ouverte à Réjean Ducharme
Le Droit
Arts et spectacles, samedi, 12 novembre 1994, p. A6


Salut Réjean Ducharme,
Je t’écris comme on jette une bouteille à la mer. Sans savoir où, ni quand elle échouera. Dans le ventre d’un béluga, sur un tas d’algues pourries, dans un mois, dans dix ans? Va savoir…

Justement, je t’écris à cause de ton Va savoir. Les médias en parleront sans doute beaucoup ces jours-ci. Surtout si tu rafles le Renaudot, le Médicis, le Prix du gouverneur général ou le Grand Prix du livre de Montréal, tous annoncés prochainement. Des prix littéraires, tu en as déjà toute une moisson. Ce n’est sûrement pas quatre de plus qui te feront sortir de ta cachette.

Comme on ne se rencontrera jamais, je m’offre le luxe d’une lettre ouverte. Et le luxe aussi de te tutoyer. D’ailleurs, il me semble voir ta réaction si j’écrivais «vous»: le sourcil relevé, politiquement perplexe, l’air de dire, qu’est-ce qu’elle a celle-là à faire des manières? Donc, je te tutoie sans te connaître. Mais quand on a fait pleurer ses lecteurs, il faut bien ensuite tolérer leur familiarité. Surtout lorsqu’elle s’exerce à distance.

Je voulais t’écrire pour te répéter une évidence. Te dire ce que tu sais déjà. Car tu le sais, n’est-ce pas? Les critiques, en France comme partout au Québec, l’ont déjà assez proclamé : « Un chef d’œuvre… »

Je voulais te répéter que ton roman est de ceux qu’on marque d’une pierre blanche. Un roman dont on parle à tous ses amis mais qu’on ne prête pas. Un roman qu’on relit un jour de cafard. Un soleil inextinguible parmi nos souvenirs littéraires.

J’avais gardé ton livre pour mes vacances, pour le lire en toute lenteur, sans interruption. Les livres remarquables sont si rares qu’il faut les traiter avec respect. On ne les lit pas à la pause-café ou en attendant l’autobus, à la va-vite.

L’instinct a ça de bon qu’il nous avertit du danger et aussi des grandes joies à venir. Avant même d’avoir ouvert la première page de Va savoir, mon instinct m’avait prévenu que je sortirais chavirée de cette lecture.

Depuis ma découverte flamboyante de L’amour au temps du choléra, de Gabriel Garcia Maquez, je n’avais jamais lu une histoire d’amour aussi intense, aussi désespérée.

Je me suis si bien glissée dans l’univers de Rémi Vavasseur, de la sensuelle Mary, de fille Fannie, de Jina la dure-à-cuire, que je ne voulais pas sortie de Va savoir. Tu as rendu tes personnages si vrais, si présents, que lire la dernière page du roman était comme entrer en deuil.

La beauté pure remue. J’ai pleuré donc.

Comme bien d’autres, je me suis demandé : qui est cet homme capable d’écrire des pages si chaudes qu’elles vous brûlent entre les mains? Si tendres qu’on a envie d’embrasser la couverture blanc cassé de Gallimard?

Que tu sortes ou non de ton anonymat, cher Réjean Ducharme, que tu gagnes ou non le Renaudot, au fond, ça n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est qu’on puisse lire tes livres. Après avoir lu Va savoir, je voulais te répéter les mots les plus clichés mais les plus significatifs que l’on puisse dire à un écrivain: Merci. Encore.

jeudi 5 novembre 2009

J'aurais voulu voir l'oeil de bouc


Je reviens d’une virée de trois jours à Winnipeg, dans le cadre de la tournée Lire à tous vents. J’ai aimé ce bain éclair dans la culture manitobaine.

Petit pot-pourri de plaisirs vus et entendus:
- Je suis allée dans les écoles des villages de St-Pierre Jolys, Lorette, St-Norbert, Ste-Anne. Ces petits ilots francophones m’ont rappelé Astérix et Obélix et ce village têtu de la Gaule qui résiste à l’envahisseur…
- J’ai vu à l’œuvre une conseillère pédagogique modèle, passionnée par les livres et ardemment engagée pour transmettre aux jeunes son amour de la langue française.
- À force de sillonner les plaines, ça m’a donné envie d’aller ici, écouter cette chanson indémodable d’un fils du Manitoba. Oui, Daniel Lavoie, je l’entends gémir la langue de votre mère…
- Je n’ai pas compris la controverse autour de la sculpture de Louis Riel nu, qui m’a paru frappante, sobre et digne.
- J’ai souhaité que le frimas descende sur nous pour voir mon premier œil de bouc. Mais les grands froids sont restés au Nord…
- J’ai écouté des enfants de six ans chanter du Beau Dommage accompagnés à la guitare par leur enseignant, le dynamique et dévoué Monsieur Pierre.


- Dans la maison de Gabrielle Roy, sur la célèbre rue Deschambault, une gentille guide bénévole m’a raconté en long et en large les étapes de restauration de la maison. Mais je n’ai pas appris grand-chose sur l’âme ou l’art de l'auteur de Bonheur d'occasion.


- Dans une classe de première année, j’ai vu un petit garçon déplacer avec mille précautions sa guitare imaginaire. Il avait l’air tellement sérieux, tellement intense, que j’aurais voulu le chatouiller pour l’entendre rire. J’aurais voulu lui donner un de mes livres, la KitKat que j’avais dans mon sac, un bisou sur la joue. Mais l’auteure en visite n’a pas le droit d’avoir des chouchous.
- J’ai été charmée par l’accueil chaleureux des Manitobains, qui vous regardent dans les yeux, vous lancent un bonjour bien franc, semblent contents de vous voir et n'ont pas l'air de faire semblant.
- J’ai échangé un de mes albums contre un dessin d’un garçon de troisième année (dessiné pendant ma présentation). Il m’a offert le sourire vainqueur d'un gagnant de loterie et je me suis sentie aussi triomphante que lui.
- J’ai vu une lune ronde et pâlotte s’incruster dans le ciel au-dessus du pont Provencher, à huit heures du matin. Cette rebelle refusait d’aller se coucher.
- Je me suis assise devant la lucarne du grenier où Gabrielle Roy a commencé à écrire. La gentille guide m’a dit que cette chambre célèbre avait inspiré bien des artistes. J’ai attendu patiemment l’inspiration. Elle n’est pas venue.