lundi 5 décembre 2011

Ce petit rouquin que je n’arrive pas à oublier…


Dans une école, il y a quelques semaines, les enfants me demandent comment j’ai eu l’idée d’écrire Mon papa ne pleure pas. Je leur raconte. Puis je leur demande : Combien ont déjà vu leur papa pleurer?

Les réponses fusent dans un beau désordre.
Moi!
Pas moi!
Moi j’ai vu ma maman pleurer!
Moi mon frère pleure tout l’temps!


Puis un petit rouquin lève la main et dit : Moi, ma mère a pleuré quand Steve l’a pris par le collet et l’a frappée contre le mur.

Minute blanche. Silence. Je regarde l’enseignante, espérant qu’elle me souffle une réponse. Non, rien. Est-ce mon imagination ou elle évite mon regard?

Plusieurs autres élèves ont les mains levées, veulent donner leurs commentaires ou poser leurs questions. Je me tourne vers eux, sans répondre au petit rouquin. Bonjour la lâcheté.

Puis la cloche sonne, les enfants réclament des signets autographiés, il y a le livre à faire tirer, celui-ci veut me montrer son dessin, celle-là veut me raconter l’histoire qu’elle a inventée avec sa meilleure amie… Bref, dans la bousculade du départ, j’oublie le petit rouquin. « J’oublie » aussi de parler de sa déclaration à l’enseignante. Rebonjour la lâcheté.

Ça s’est passé il y a quelques semaines mais je n’oublie pas le petit rouquin.
A-t-il besoin d’aide?
Sa maman a-t-elle besoin d’aide?
Est-ce un « cas » qu’il faudrait rapporter?
Faut-il intervenir pour prévenir?

Mais il y la crainte d’avoir l’air ridicule ou de passer pour une fouineuse.
Sans compter ces phrases toutes faites qui remontent si facilement à la surface:
« Mêle-toi de tes affaires. »
« C’est-pas-ta-djob-de-t’occuper-de-ça »
« L’enseignante va sûrement y voir ».
C'est qu'elles viennent vite les excuses pour se défiler…

Je rêve d’un géographe qui créerait une carte détaillée, avec des bornes clairement délimitées, qui indiquent à quel moment il faut franchir la frontière de l’abstention pour aller du côté de l’engagement.

9 commentaires:

  1. Je vous comprends.
    J'étais enseignante.
    Comment déterminer si c'est un cri ?

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  2. J'ai vécu une situation différente mais qui m'a fait aussi regretter de ne pas avoir agi, dans une école. Quand c'est la première fois qu'on est placé dans une certaine situation, on reste parfois pris de court. C'est moins de la lâcheté je crois que l'ignorance de la conduite à tenir... mais on se sent tout aussi coupable! J'aurais bien aimé me reprendre, mais j'ignorais le nom de la petite fille concernée ainsi que celui de son enseignante. Je m'en veux encore de mon maudit esprit d'escalier!

    Si c'est trop lourd à porter, pourquoi ne pas lui écrire un petit mot que vous transmettriez à l'enseignante? Cela vous donnerait le temps de bien penser à ce que vous aimeriez lui dire et vous éviterait peut-être des regrets?

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  3. Anonyme05 h 51

    Il n'est jamais trop tard....
    Un mot ou une image bien placés...tu te sentiras bien et lui peut-être mieux.
    Bonne journée
    POPO

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  4. Anonyme10 h 38

    Si l'expérience de l'impuissance par un enfant rencontre celle des adultes, alors il reste sans espoir.

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  5. Merci de vos suggestions. Je vais agir.

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  6. Anonyme10 h 59

    C'est compliqué du fait de l'individualisme et de la déshumanisation prégnants à notre époque.

    Ce n'est pas simple, parce que le tissu social s'est effiloché à vitesse grand V au fil de la marchandisation, de la spécialisation et de la codification des activités humaines.

    L'idéal serait que les proches (significatifs) de cet enfant, et les témoins de cette violence ou de ce que l'enfant et/ou la mère auraient pu en dire, se retrouvent tous autour du présumé maltraiteur et lui fassent entendre qu'ils sont au courant et souhaiteraient que tous ensemble puissent trouver à résoudre cette situation sans l'envenimer et sans qu,elle ne dégénère. Pas sûr que la dpj produise absolument cet effet-là...

    Soyez prudente si vous envisagez lui écrire, ça pourrait provoquer le contraire de ce que vous souhaiteriez et vous mettre dans l'embarras. Ça n'est pas une mince affaire, mais d'avoir été témoin ne s'oublie pas non plus.

    Bonne suite.

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  7. Merci des judicieux conseils...

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  8. histoire vrais ou vous nous testez? Car après un incident pareil, je demanderais la maitresse- des explications! bien sur hors des oreilles des enfants ! peut -être elle déjà faite son enquête - je passerais un coup de téléphone pour m'assurer ou une visite à l'école.... c'est une histoire troublante - si j'ai été à votre place , elle me poursuivrai dans mes pensées - bon courage à vous - parce que c'est une très délicate mission.

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  9. Danuta,
    Oh non, je ne teste personne avec un sujet aussi sérieux. je vais agir...

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