Photos dans les montagnes des Adirondacks: Charlotte Poulin-MacMillan
Quand j’ai planté
mes talons dans le lichen au sommet, je me sentais fière et forte.
Invincible. Confiante. Si follement confiante. J’avais surmonté mon
vertige. Mes genoux avaient tenu le
coup. J’avais sué sans abandonner. J’avais conquis LA montagne.
Nous voilà donc,
ma gang et moi, dans la descente. Joyeuse euphorie de la descente. On se complait dans le plaisir de
l’accomplissement. On savoure son soulagement.
On se pète les bretelles mentalement.
Cette béatitude
est renforcée par la magnificence de la montagne. En ce moment, nous suivons une cascade
zigzagante, d’une beauté fulgurante. Une
petite chute d’eau folle, parfois bouillonnante, bordée de pins rouges, d’érable bien
saignants et d’épinettes embaumantes. Le
tout baignant dans la lumière douce de fin d’après-midi.
Et les ados qui
rigolent en avant, contents qu’après cinq heures de marche, la randonnée tire à
sa fin. Quand les ados rient, la planète entière sourit…
Arrêtée (donc,
immobile, même pas en mouvement!!!!),
arrêtée sur un rocher surplombant la cascade, je m’exclame : Comme
c’est beau!
Mon pied glisse
sur le tapis de feuilles mouillées. Je
tombe sur le rocher en pente. Lourdement. Mon corps
glisse vers la cascade et j’ai cette pensée ridicule : « Je ne veux
pas mouiller mes bottes neuves ».
Je sens la douleur avant même d’avoir encore pu identifier d’où elle
vient.
Mon corps s’immobilise
au pied de la cascade. Genou et coude
ont pris le choc mais je n’ai rien de cassé.
Maintenant, comment me relever? Pas de
prise sur ce rocher lisse et glissant. Au-dessus
de moi, on s’agite : « Fais ceci. Lâche tes bâtons. Met ta main
là. Pose ton pied ici. Donne-moi ta main. »
Je suis un phoque
échoué sur le sable. Paralysée. J’agite les bras, les jambes. En vain. Incapable
d’avancer ou de reculer. Encore moins de
me relever. Plus ridicule que ça, tu meurs.
Je finis enfin par
réussir à me relever.
Je tremble.
Un peu de peur mais beaucoup de colère.
Malgré moi, les larmes jaillissent.
L’orgueil me coule en eau sur les joues.
Moi qui me pensais forte, je suis en fait empotée, vieille, molle et lourde.
Volatilisée ma fierté.
Comment ai-je pu être si naïvement confiante?
Comment la vie peut-elle être si parfaite une minute et si moche l’instant d’après?
Il y a quelque chose de profondément révoltant dans la fragilité du bonheur.
Je tremble.
Un peu de peur mais beaucoup de colère.
Malgré moi, les larmes jaillissent.
L’orgueil me coule en eau sur les joues.
Moi qui me pensais forte, je suis en fait empotée, vieille, molle et lourde.
Volatilisée ma fierté.
Comment ai-je pu être si naïvement confiante?
Comment la vie peut-elle être si parfaite une minute et si moche l’instant d’après?
Il y a quelque chose de profondément révoltant dans la fragilité du bonheur.
C'est juste la vie, pas vrai? Le malheur aussi est fragile. Goethe disait (j'interprète, là, c'est pas textuel) "Qui croirait que les arbres nues dans les intempéries de l'automne reverdiront au printemps?"
RépondreEffacerMais bravo, Andrée. Un: ton texte est très beau. Deux: t'es quand même montée jusqu'en haut... et t'es redescendue plus vite que les autres :oD
Et trois : Bon sang, j'étais en train d'oublier de dire bravo à la photographe. Belles à toutes les filles de la maison. (Désolé pour toi, Neale, ce sera pour une prochaine fois.)
RépondreEffacerCamille: merci! oui, oui, je suis redescendue vite...
RépondreEffacerJe transmets des compliments à Charlotte.
Bonne route à toi et Nancy.
Regarde le bon côté des choses, Andrée: dis-toi que tu aurais pu devenir tétraplégique, juste là... :O)
EffacerDaniel: tétraplégique? L'horreur! O.k. j'arrête de me plaindre!
EffacerJe voulais dire "belles bises", tout le monde aura compris.
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