vendredi 15 janvier 2010

Le chapeau de Kafka



A pour Ami. Jamais facile de commenter le livre d’un ami. On veut offrir un commentaire intelligent et significatif, qui montrera qu’on a compris toutes les heures de solitude, toutes les aubes et toutes les veilles devant l’écran de l’ordi, tous les espoirs investis dans l’écriture de ce roman. On veut féliciter sans tomber dans les clichés et les lieux communs, on veut encourager sans verser dans la flagornerie… Alors cher Patrice, voici pour toi un petit abécédaire. Il est incomplet, tu verras (rien trouvé pour l’épineux Z) mais tu vois, moi aussi je fais exploser les formes traditionnelles…

A comme austère. Ma première impression en début de lecture de ce roman insolite. Style austère. Personnage austère. Mais ça ne durera pas.

A comme absurde. Bien sûr. L’absurdité, la pure, la drôle, l’ahurissante absurdité suinte de ce roman.

C pour ciselée. Comme l’écriture de Patrice Martin. Pas d’hésitation dans la phrase. Une plume sûre d’elle-même. On voit bien que ces phrases n’ont pas été garrochées sur papier mais amoureusement fignolées.

C pour clins d’œil, comme ceux que l’auteur fait à ses lecteurs. Par exemple, en se mettant lui-même en scène dans l’intrigue : « Nous ne croyons pas un mot de votre histoire, monsieur Martin.»

D : Comme déstabilisant. Déroutant. Désorientant. Il est tout ça le roman de Patrice. Et c’est tout sauf un défaut.

E comme élégance. Elle est partout dans ce roman, autant dans les idées que dans la façon de raconter. Qui me rappelle d’ailleurs la personnalité de Patrice, son raffinement, sa délicatesse, son éloquence tranquille et son côté gentleman.

É pour émotions. Au début, je me suis demandé, mais elles sont où les émotions? Plusieurs chapitres au ton froid, parfois impassible. Et puis, au détour d’une page, l’auteur nous surprend. Ça vibre, il y a de l’émoi, de l’exaltation. Ouf, qu’on fait. Puis on se dit que l’auteur voulait sans doute nous surprendre avec l’étendue de sa palette. Vous pensiez que tout allait être dans le même registre? Ben vous vous êtes trompé…

F pour la forme. Originale ici la forme. Audacieuse aussi. Plusieurs histoires qui s’emboîtent. Aucune linéarité. On nous flanque des sous-intrigues, des apartés, des envols suivis de coupures. Il faut s’accrocher pour suivre. Aucun ennui possible.

F pour fluidité. Qu’elles coulent bien les phrases de Patrice, élégantes dans leur mouvance, sans hachures, sorties d’une plume souple. Mieux encore, ça ne sent pas l’effort.

H pour humour. Il est là, bien présent, parfois dans le mode évident – haha – parfois si subtil qu’on se demande si c’en est vraiment.

K pour Kafka bien sûr. Pour l’imitation du maître de l’absurde, pour ce titre original et audacieux, qui donne immédiatement la couleur du livre:Le chapeau de Kafka.

K comme dans kafkaesque: À plusieurs reprises, je me suis demandée combien de fois dans sa carrière de conseiller municipal Patrice s’était-il retrouvé dans des situations aussi kafkaesques que celles qu’il décrit? Sans doute plus qu’on voudrait le croire…

Listes : celles que fait sans cesse P. pour sortir de ses divers pétrins. Cette manie d’un être méticuleux à outrance (ou indécis à l’excès?) me l’a rendu attachant.

P pour le personnage de P. Fascinant personnage. Méthodique à en être maladif. Si cartésien. À la fois pathétique et sympathique.

R pour références littéraires. Il faut connaître Calvino, Borges ou Kafka pour apprécier le pastiche. Moi j’ai lu Kafka dans mes années universitaires, j’ai essayé, sans succès, de lire Borges et je n’ai jamais touché à Calvino. Ce roman m’a donné envie d’aller explorer ces terres inconnues.

T pour talent : Patrice Martin a du talent comme politicien et du talent comme écrivain.
Politique et littérature peuvent-elles faire bon ménage? Chez certains, définitivement.
Chez d’autres, c’est moins clair.
J’admire Patrice d’essayer de concilier ces deux vocations si opposées.

S comme dans la Stuff and Things Company à Manhattan. J’adore ce nom. Quelle réjouissante ironie dans le clin d’oeil. Bel échantillon de la finesse d’humour de l’auteur.

V comme dans vente: Toute cette histoire commence par la vente aux enchères d’un chapeau de Kafka. Sommé d’aller chercher ce chapeau pour son patron, P. sera confronté à d’étranges obstacles: un ascenseur déréglé, des fonctionnaires intransigeants, des écriteaux aux messages ambigus, un cadavre encombrant… Dépaysement garanti. Allez-y voir.

3 commentaires:

  1. Facile à comprendre que tu as aimé de A à V !

    Je te suis tout à fait, j'ai souri tout au long de ton abécédaire, y voyant défiler mes bons souvenirs de lecture. Elle est encore dans ma tête, cette histoire, il y manquait peut-être des bribes, que tu m'as ramenées.

    Je la conseille moi aussi cette lecture. Je retiens particulièrement Élégance (bien vu !) et Absurde. Humour fin aussi.

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  2. un roman que j'ai bcp aimé. J'en ai parlé dans mon blogue en temps et en heure.

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  3. J'en ai aussi parlé dans mon blogue. Ce roman a été mon coup de coeur 2009. Bien hâte de lire un nouveau Patrice Martin

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