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leçons d’écriture
ou
La folle histoire de l’enfantement d’un roman
La folle histoire de l’enfantement d’un roman
Novembre 2017
Après plusieurs mois de recherche et de bricolage autour de l’intrigue, je dois
faire face à la musique. J’ai complété mon outil de travail principal : un
tableau avec toutes les scènes, les thèmes abordés, ainsi que les allées et
venues des personnages. C’est la charpente de mon roman. J’ai tout ce qu’il me
faut pour commencer la rédaction.
J’écris un ou deux
chapitres. Je me relis. Ouille! Comme c’est endormant! Banal et beige! Le côté
terne de mon manuscrit me frappe comme une claque au visage. C’est d’autant
plus décourageant que je sais que les attentes sont élevées pour la suite de Laplus grosse poutine du monde. J’ai peur – très très peur! – de
décevoir. Me voilà donc encore plus critique devant chaque paragraphe que je
réussis à pondre.
Pourtant, je connais
bien la technique du premier jet. Certains auteurs anglophones appellent ça le
« vomit draft. » Traduit crûment, ça veut dire le brouillon que tu
vomis. À l’étape de la première ébauche, ce n’est pas le moment de corriger la
structure, le style, les images, le rythme. Il faut plutôt coucher rapidement
sur papier une première version complète de l’histoire. Après, plus tard, ce
monceau de mots pourra être relu et retravaillé beaucoup-souvent-longtemps. Comme
dit Jean-Philippe Arrou-Vignod, les écrivains ont un grand avantage sur les
artistes de scène : ils ont « droit au lendemain. Le droit aux
ratures ».
Tandis que je transpire
sang et eau à accoucher de cette première version, j’essaie de garder un
certain équilibre : laisser mon imagination s’épivarder, tout en ne m’éloignant
pas à des kilomètres de l’intrigue tracée. J’ouvre le robinet des rêveries. Je laisse
couler librement les idées. Surtout, surtout, je concentre pour faire taire
cette petite voix intérieure, agaçante, celle qui blâme et condamne, celle qui
chuchote cruellement : « Ce que tu as écrit est ennuyant, endormant,
assommant… » J’essaie d’écrire les yeux fermés pour mieux inviter les
images mentales. J’évite d’analyser. Je me retiens à trois mains pour ne pas relire.
Leçon d’écriture 3 : Pour ton premier brouillon,
pas de relecture ni de ratures, surtout pas d’autocritique. Laisse galoper ton
imagination. Laisse courir tes
doigts sur le clavier.
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