ou
La folle histoire de l’enfantement d’un roman
Décembre 2018
Je dois déposer le manuscrit de mon roman chez Bayard dans quelques semaines. Tandis que je vogue sur les mers houleuses de la réécriture finale, je garde ma poubelle (la vraie et la virtuelle) tout près de moi.
Au fil de mes nombreuses relectures, je remets tout en question. Tout. À commencer par l’intrigue. Y a-t-il des trous dans mon histoire? Le suspense est-il assez soutenu? Est-ce que mon personnage se transforme entre le début et la fin? Tiens, j’en profite pour rajouter une anecdote comique sur les ricochets. Ça rendra Thomas plus sympathique. Je m’attarde longuement sur les dialogues. Parfois, les personnages parlent en bébé et d’autres fois, ils parlent trop littéraire. Révise Andrée, révise.
Le rythme de l’histoire me semble varié, assez rapide. Sauf pour le chapitre 12 qui a des longueurs, trop de descriptions et pas assez d’action. Le plus douloureux, c’est de couper dans les passages sur les bélugas, parce que toute l’info me semble fascinante et importante. Mais je dois avouer que ces deux gros mottons de facture documentaire freinent la fluidité du récit. Bistouri Andrée, bistouri.
Côté style, je traque les clichés avec un œil d’aigle. Oh! En voici un! Poubelle Andrée, poubelle. Je voudrais davantage d’images fortes, plus de poésie dans ma prose, mais il est minuit moins une et je n’ai plus beaucoup d’énergie pour chercher les figures de style. Moi qui ne jure que par les phrases limpides et fluides, voilà que je tombe sur plusieurs passages raboteux. Retouche Andrée, retouche.
Pour la finale maintenant. 10 fois, 20 fois je la reprends. J’hésite entre divers dénouements parce que je souhaite une conclusion percutante, satisfaisante, pas kétaine et bourrée d’émotions. Réécris Andrée, réécris.
Quand j’en ai ras le bol des révisions, je me répète cette phrase de Roald Dahl : « Au moment où j’approche de la fin d’une histoire, la première partie aura été relue et modifiée et corrigée au moins 150 fois. Je me méfie et de la facilité et de la rapidité. Bien écrire, c’est essentiellement réécrire. Je suis certain de cela. » affirmait l’auteur de Mathilda.
Après de nombreuses réécritures, le cœur battant, j’expédie le manuscrit à mon petit cercle de critiques-lecteurs : 2 classes de 6e année avec des profs très dynamiques, le GREMM pour le volet béluga, ma sœur, ma belle-sœur et une amie auteure. C’est la première fois que mon histoire sera lue. Tout ce beau monde me fait des commentaires, suggestions, critiques, ce qui me relance dans une nouvelle ronde de révisions. Mais la fin du marathon approche et je redouble d’énergie. Je ne sens plus l’essoufflement, mais plutôt l’enivrant parfum de la ligne d’arrivée, le moment où j’écrirai enfin le mot FIN.
Leçon d’écriture 8 : Fais lire ton texte par un ami et demande-lui, non pas des compliments, mais des critiques constructives. N’aie pas peur de la poubelle. C’est ton alliée, ton amie. Dès que tu vois un mot de trop, une phrase emberlificotée, un paragraphe qui ne tient pas la route, coupe! Coupe! Arrache la mauvaise herbe de ton récit : c’est la meilleure façon de le fortifier. Tes lecteurs te diront merci.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire